Pourquoi le commandement du Front intérieur ne change pas ses directives d’urgence
Israël veut pouvoir lancer des alertes à temps, tout en évitant d’éterniser les restrictions, ou de trahir ses sources de renseignements
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Alors que les Israéliens s’inquiètent d’éventuelles attaques de l’Iran et de son mandataire, le groupe terroriste chiite libanais Hezbollah, en réponse aux récents assassinats de dirigeants de groupes terroristes, l’armée israélienne n’a pas encore modifié ses directives d’urgence pour les civils.
Malgré l’inquiétude croissante de la population résultant de la prolifération d’informations et de rumeurs tant sur le calendrier que sur l’ampleur des attaques potentielles, le porte-parole de l’armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, s’est contenté de promettre, lors de récentes conférences de presse, que l’armée adapterait ces directives en cas de besoin.
Dans les cas d’urgence, le commandement du Front intérieur de Tsahal peut annoncer des restrictions portant sur les rassemblements, le système éducatif et les lieux de travail dans des zones spécifiques ou dans l’ensemble du pays. Le commandement du Front intérieur a également l’autorité de notifier aux civils dans une zone spécifique de rester près ou à l’intérieur des abris anti-bombes jusqu’à nouvel ordre, soit via son application mobile, soit à l’aide de son nouveau système de radiodiffusion cellulaire.
La dernière méthode de notification aux civils est de faire retentir les sirènes qui sont disposées partout dans le pays lorsqu’une attaque est déjà en cours.
Tsahal ne pense cependant pas qu’elle sera surprise par l’attaque – l’armée est actuellement hypofocalisée sur le Hezbollah et l’Iran – et pense qu’elle sera donc en mesure d’émettre une sorte d’alerte précoce aux civils, plusieurs heures ou, dans le pire des cas, plusieurs minutes au préalable.
Mais combien de temps à l’avance l’armée israélienne peut-elle ou doit-elle donner l’alerte ?
Les responsables de la Défense israélienne savent pertinemment que maintenir la population civile israélienne sous des directives strictes pendant de longues périodes n’est pas une solution pratique. En 2022, Tsahal avait été sévèrement critiqué pour avoir enfermé chez eux des milliers d’habitants des communautés proches de la frontière de Gaza et coupé les lignes de chemin de fer pendant plusieurs jours, car l’armée disposait d’indications sur l’imminence d’une attaque du groupe terroriste du Jihad islamique palestinien.
Ordonner de telles restrictions dans les zones beaucoup plus vastes qui risquent d’être ciblées aujourd’hui, comme par exemple Haïfa, dans le nord du pays, ou Tel Aviv, dans le centre d’Israël, serait autrement plus difficile.
Par ailleurs, Israël ne souhaite pas avertir ses civils trop tôt, de crainte que ses ennemis ne s’en rendent compte et ne modifient leur plan d’attaque, sa portée ou d’autres éléments. Ce qui risquerait alors de contraindre Tsahal à prolonger les restrictions.
Tsahal craint également qu’une alerte précoce ne compromette ses sources de renseignement.
C’est pourquoi l’armée tente de trouver un équilibre, en avertissant les civils suffisamment tôt pour qu’ils aient le temps de se préparer à une éventuelle attaque de grande envergure, sans pour autant encourager l’Iran ou le Hezbollah à changer leurs plans.
Le commandement du Front intérieur de Tsahal peut adapter les directives dans certaines zones en fonction de l’imminence d’une attaque, par exemple en limitant les rassemblements ou en fermant les écoles, sans pour autant ordonner immédiatement des restrictions complètes.
Une fois qu’une attaque est sur le point d’être perpétrée, des restrictions plus sévères peuvent alors être imposées.
Si, dans le pire des cas, Tsahal devait se faire surprendre par une attaque – hypothèse peu probable -, elle ne pourrait pas lancer d’avertissement avant le déclenchement des sirènes, et les civils devraient alors se mettre immédiatement à l’abri.
Lors de l’attaque iranienne d’avril – au cours de laquelle plus de 300 drones et missiles ont été lancés sur Israël -, Tsahal a réactualisé ses directives vers 20 h 30, au moment où les premiers drones ont été lancés et étaient en route vers le pays, un trajet qui a duré plusieurs heures.
Ce n’est que vers 1 heure du matin que les habitants du plateau du Golan, de la région de Nevatim dans le sud d’Israël, de Dimona et d’Eilat ont reçu l’ordre de rester à proximité des abris anti-bombes. Près d’une demi-heure plus tard, les sirènes ont commencé à retentir dans le sud d’Israël, et peu de temps après dans d’autres régions du pays.
Israël se prépare à une riposte du Hezbollah à la suite de l’assassinat de son principal commandant militaire, Fuad Shukr, à Beyrouth, il y a plus d’une semaine. L’Iran a également promis de réagir à l’assassinat présumé par Israël du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, quelques heures plus tard à Téhéran.
On ne sait toujours pas si le Hezbollah et l’Iran ont l’intention de mener une attaque simultanée. Certains responsables israéliens pensent que le groupe terroriste libanais attaquera en premier, car l’Iran n’a pas encore décidé comment il réagira à l’assassinat de Téhéran.
En tout état de cause, Israël reste en état d’alerte face à ces attaques potentielles et les autorités ont prévenu que la réponse israélienne serait rapide.