Pourquoi les locations augmentent autant à Jérusalem – et pourquoi cela ne devrait pas s’arrêter
Avec le renforcement de l'alyah des Juifs américains et français, une immigration partiellement due à l'antisémitisme - et de nombreux immeubles actuellement rénovés, il y a moins d'appartements disponibles
Si vous cherchez à louer un appartement à Jérusalem, il vous faudra beaucoup d’argent – et beaucoup de patience.
Alors que les prix des loyers ont augmenté en moyenne de 4 % au niveau national au cours des douze derniers mois, selon le Bureau central des statistiques (CBS), les agents immobiliers de Jérusalem affirment que les loyers ont grimpé en flèche dans certains quartiers de la capitale, avec une hausse qui s’élève de 25 à 30 %.
« Il est très difficile de trouver un appartement à Jérusalem aujourd’hui parce qu’il n’y en a tout simplement pas beaucoup de disponibles », dit Yitzchak Kowalsky, qui est le président-directeur-général de YKK Jerusalem Real Estate. « Avant, si vous étiez un jeune couple avec une famille et que vous vouliez louer un bel appartement de trois chambres à coucher dans les quartiers de Baka, de Katamon ou de la Colonie Allemande, cela coûtait entre 8 000 et 9 000 shekels. Aujourd’hui, ce même appartement coûte entre 12 000 et 13 000 shekels ».
Il est possible de trouver en ligne des appartements à 8 000 shekels « mais il s’agit généralement d’un appartement au dernier étage, qui n’a pas été rénové ou qui n’a pas de parking », ajoute Kowalsky. « Si vous cherchez une habitation correspondant à ces facteurs – avec un balcon et un ascenseur – alors on est, au plus bas, à 12 000 shekels, et l’appartement sera loué dès sa mise sur le marché ».
Eric Opland, directeur de l’immobilier au sein de la firme L. Levy Nadlan, partage le même avis. « La demande est énorme aujourd’hui », dit-il. « Lorsqu’un appartement est disponible, il est loué très rapidement. Si vous êtes à la recherche d’un logement, vous devez vous lever tôt ».
Cette hausse s’explique en grande partie par le renforcement de l’immigration de Juifs américains et français en réponse à l’essor de l’antisémitisme, selon les spécialistes. Au cours des 10 premiers mois de 2024, l’immigration en provenance des États-Unis a en effet augmenté de 12 % avec 2 786 nouveaux arrivants, tandis que l’immigration en provenance de France a augmenté de 79 % avec 1 846 personnes, selon les chiffres qui ont été transmis par l’Agence juive.

Judith Ben Avi, qui dirige une agence immobilière spécialisée dans les locations à Jérusalem, explique que de nombreux nouveaux arrivants préfèrent louer un logement à Jérusalem pendant quelques années avant de s’engager à acheter. « Le problème, c’est qu’ils sont prêts à payer n’importe quel prix, ce qui fait grimper ces derniers et ce, pour tout le monde », indique-t-elle.
Kowalsky dit avoir un point de vue un peu différent. Un grand nombre des immigrants plus âgés qui s’installent à Jérusalem avaient déjà acheté des biens dans la ville qu’ils louaient, qui étaient pour eux des investissements. A leur arrivée, les locataires ont été dans l’obligation de déménager, ce qui a réduit le nombre de logements disponibles.
Autre facteur déterminant, la popularité des projets de rénovation urbaine avec des immeubles d’habitation qui sont rénovés ou qui sont reconstruits sans frais pour le propriétaire, permettant à l’entrepreneur de construire des appartements supplémentaires à vendre en tant qu’investissement.

« De nombreux habitants de Jérusalem ont évacué leur habitation pendant qu’elle était reconstruite dans le cadre du plan Tama 38 ou du plan Pinui Binui », dit Kowalsky, faisant référence à deux programmes de ce type.
« Pour chacun de ces projets, il y a un grand nombre de familles qui cherchent à louer un autre logement dans leur quartier pendant quelques années, jusqu’à ce que les travaux soient terminés. Le marché ne dispose pas d’une offre suffisante pour compenser cela. Et le fait que de nombreuses constructions soient retardées en raison de la pénurie d’ouvriers disponibles depuis le 7 octobre ne fait qu’aggraver la situation ».
Les marchés les plus prisés sont les quartiers historiques du centre de la ville, comme Talbieh et Rehavia, ainsi que la ville voisine de Mamilla, explique Opland. Les immigrants qui ont un peu moins d’argent à dépenser se rendent à Givat Mordechai ou Har Homa, ajoute Ben Avi.
En raison de la situation sécuritaire actuelle dans le pays, la majorité des locataires insistent pour choisir des appartements dotés d’une pièce blindée pour les protéger en cas d’attaques à la roquette, note Opland. « C’est la chose la plus importante, encore plus que le balcon ouvert pour les Juifs religieux qui veulent pouvoir y installer une soukka », déclare-t-il.
Le défi pour les étudiants
La hausse des prix des loyers peut être difficile à supporter pour les étudiants et pour les jeunes adultes qui s’installent dans la ville. Jérusalem est une destination de choix pour les étudiants qui viennent étudier à l’Université hébraïque, l’université la plus cotée d’Israël, ou qui sont inscrits dans d’autres établissements tels que la Bezalel Academy of Art and Design, l’école de cinéma et de télévision Sam Spiegel et le Hadassah College of Technology.
« La plupart d’entre eux partagent un appartement », explique Judith Ben Avi. « Vous avez trois personnes qui partagent un vieil appartement près de la rue Azza pour 9 000 shekels, en partageant les factures. Leurs prix ont également augmenté, même s’ils bénéficient d’importantes réductions sur les taxes foncières ».

Le quartier le plus prisé par les étudiants de Jérusalem est le centre de la ville.
Près de 40 % des étudiants y habitent pendant leurs études, selon le site Internet Madlan, qui est spécialisé dans l’immobilier.
Opland note qu’en raison de l’augmentation rapide des prix des loyers, les propriétaires affichent dorénavant une plus grande flexibilité en ce qui concerne la durée des contrats de location.
« Auparavant, les propriétaires insistaient pour que le locataire s’engage pour un an ou plus », explique-t-il.
« Aujourd’hui, ils sont ouverts à des contrats plus courts, car ils savent qu’ils pourront louer leur appartement à un prix encore plus élevé après le départ du locataire ».