Israël en guerre - Jour 499

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Premier film à quatre mains, « Leona » est bien plus qu’un « Romeo & Juliette » juif

La nuance, l'attention au détail et enfin, la crédibilité d'un voyage saisissant dans la communauté juive d'origine syrienne du Mexique. A découvrir sur la Toile

  • Naian González Norvind dans "Leona", un film réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)
    Naian González Norvind dans "Leona", un film réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)
  • Une image de "Leona", un film réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)
    Une image de "Leona", un film réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)
  • Christian Vazquez, à gauche, dans le rôle d'Iván et Naian González Norvind dans "Leona", réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation de Fosforescente/ Menemsha Films)
    Christian Vazquez, à gauche, dans le rôle d'Iván et Naian González Norvind dans "Leona", réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation de Fosforescente/ Menemsha Films)
  • Naian González Norvind dans "Leona", un film réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)
    Naian González Norvind dans "Leona", un film réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)
  • Naian González Norvind, à droite, et Carolina Politi dans "Leona", réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)
    Naian González Norvind, à droite, et Carolina Politi dans "Leona", réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)
  • Naian González Norvind, à droite, parle au rabbin dans "Leona", réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, autorisation de Fosforescente/ Menemsha Films)
    Naian González Norvind, à droite, parle au rabbin dans "Leona", réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, autorisation de Fosforescente/ Menemsha Films)

NEW YORK — En tant que Juif réformé, je n’ai pas trop (aucune, si je suis totalement honnête) d’expérience directe des mikvé. Mais j’ai vu un grand nombre de films juifs qui m’ont cependant amené à penser que ces bains de purification rituelle n’auraient que deux formes : soit celle d’un bassin ancien en pierres, éclairé de manière évocatrice, où il s’agit de s’imprégner littéralement des eaux de nos anciens ; soit la forme de bassins minuscules et quelconques, franchement pas impressionnants, agrémentés d’un carrelage fade où l’odeur du chlore est perceptible même derrière l’écran.

« Leona, » le nouveau drame merveilleux d’un jeune réalisateur juif mexicain, Isaac Cherem, ouvre sur une scène de mikvé sans précédent dans l’histoire du cinéma. Une belle femme est filmée avec goût dans sa nudité à travers des rideaux fins, ondoyants, entourée par des jardinières imposantes de fleurs blanches. Elle est applaudie par sa famille et ses amies (exclusivement des femmes) alors que sont lues les prières.

« C’est comme ça qu’on vend des mikvés, maintenant ? », me suis-je surpris à dire à voix forte devant mon écran, immédiatement intéressé, et confiant que le film de Cherem ferait tous les efforts possibles pour éviter les clichés.

Et à ce sujet, j’ai eu raison. « Leona » – j’en fais ici un résumé bref – est une histoire très simple d’amour interdit. Il y a en effet une référence dans le film à « Romeo et Juliette », à laquelle nos deux personnages principaux réagissent en haussant les sourcils en laissant échapper un : « Vraiment ? »

Juliette, ici, s’appelle Ariela (« La lionne de Dieu » en hébreu ou plus simplement la « lionne »- c’est ce que signifie Leona en espagnol) et elle est interprétée par la coscénariste du film, Naian González Norvind. Ariela est une jeune graffeuse, une peintre de fresques murales, âgée de 25 ans. Elle est issue de la communauté juive syrienne de Mexico et, même si ses parents sont divorcés et qu’elle n’a ni frère, ni sœur, sa famille au sens large est extrêmement proche d’elle, attentive et chaleureuse. La scène de mikvé du début du film marque les fiançailles d’une jeune femme – il est difficile de dire à ce moment-là s’il s’agit d’une cousine ou d’une amie. Une distinction qui importe finalement peu – Ariela appartient à ce groupe qui soutient toutes celles qui le forment.

Ce n’est pas qu’Ariela serait impatiente de « sortir » de sa communauté, ou qu’elle soit non-croyante. C’est sûr, elle grimace en voyant comment un homme d’âge mur s’en prend à son cousin manifestement homosexuel mais qui n’a pas jamais fait de coming-out, et elle aime clairement sa famille. Même si cette dernière tente en permanence de lui faire rencontrer des hommes qui, à ses yeux, ne présentent pas réellement d’intérêt.

Et puis un jour – alors qu’elle est en train de peindre le mur d’un immeuble blanc, de pur type Bauhaus (qui ne déparerait pas à Tel Aviv), un homme très beau s’approche d’elle. C’est Iván (Christian Vazquez) qui va devenir notre Romeo et les deux jeunes gens vont rapidement être follement épris l’un de l’autre.

Lors de leur premier rendez-vous amoureux, il l’emmène déguster des tacos au porc (oy !) dans ce qui semble être un établissement de restauration rapide prisé du quartier. Il ne parvient pas à croire qu’elle n’y est jamais venue auparavant alors elle lui en explique rapidement
la raison : elle est Juive (elle arbore une chaîne où est pendue la lettre A, pas une étoile de David ou autre symbole éloquent). « Et vous êtes Juive jusqu’à quel point ? », interroge le jeune homme. « Euh… normalement ? », répond-t-elle.

Christian Vazquez, à gauche, dans le rôle d’Iván et Naian González Norvind dans « Leona », réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation de Fosforescente/ Menemsha Films)

Et c’est tout. Ils sortent, ils rient, ils parlent de la vie (s’il a un emploi commun, il est né dans une famille d’artistes qui se montrera très accueillante pour Ariela) et ils font l’amour (il s’agirait de la toute première relation intime de la jeune femme – mais une partie de la raison pour laquelle le film est si réussi est que beaucoup de choses y restent non-dites, laissant une grande part à l’interprétation du spectateur).

La mère d’Ariela n’est pas idiote et elle comprend rapidement que sa fille est amoureuse. Mais lorsqu’elle entend le nom d’Iván, son sourire s’efface. Elle ne crie pas, elle ne se met pas en colère, mais elle lance le code rouge communautaire. Et bientôt, Ariela se retrouve assise aux côtés d’un homme d’âge mûr assez agréable dans un café, qui commence à appuyer sur sa culpabilité.

Naian González Norvind, à droite, et Carolina Politi dans « Leona », réalisé par Isaac Cherem. (Crédit : Diana Garay, Autorisation : Fosforescente/ Menemsha Films)

Nous sommes arrivés en tant que réfugiés de Syrie il y a cent ans, lui dit-il. Nous n’avions rien, nous ne parlions pas la langue. Nous nous en sommes sortis parce que nous nous sommes rassemblés. Si tu te maries hors de ta foi, tes enfants (quand Ariela a-t-elle fait allusion au fait qu’elle voulait des enfants ?) seront ostracisés.

Ariela écoute patiemment. Elle reste ferme : Elle veut Iván, mais elle ne se met pas en colère. La scène se répète avec un autre intervenant, une grosse pointure : le rabbin local. Ariela est ennuyée mais, une fois encore, elle reste polie. Le rabbin ne la menace pas mais ne l’épargne pas non plus, disant qu’il est impossible à quiconque de se convertir pour rejoindre le « club ».

Isaac Cherem, le réalisateur juif mexicain de « Leona ». (Crédit : Diana Garay, Autorisation de Fosforescente/ Menemsha Films)

Ariela est rapidement renvoyée de la maison maternelle, et son père refuse néanmoins de l’héberger. Et pourtant, elle continue à venir pour les dîners du Shabbat. Le niveau de retenue, de nuance dramatique, est une touche brillante apportée par les réalisateurs. Et c’est la spécificité du détail qui offre à ce film son caractère si essentiel.

Un exemple qui pourra sembler étrange mais qui m’a vraiment
frappé : Une vieille tante tient salon en lisant des feuilles de thé. Ce cliché juif de l’ancien monde, nous le connaissons tous. Mais elle ne lit pas les feuilles de thé. Elle regarde les marques laissées dans une tasse à café vide. Et là, d’accord, je sais dorénavant – et je m’en souviendrai pendant tout le reste de ma vie – que les vieilles femmes de la communauté syrienne de Mexico lisent dans les traces laissées par un Espresso, et non dans les feuilles de thé. Et ce type d’élément ne peut se retrouver dans un film que si celui qui est à l’origine du film l’a vécu lui-même – et c’est le cas de Cherem.

Il y a un niveau de maturité et de réalisme époustouflant dans cette histoire. C’est clairement un film qui encourage Ariela et Iván à rejeter les traditions, à vivre leur histoire d’amour. Mais il n’est pas non plus suffisamment naïf pour prétendre que ce choix serait simple.

Un membre de la communauté juive syrienne de Mexico, ce n’est pas la même chose qu’un Juif assimilé de New York. Il y a entre 40 000 et 50 000 Juifs à Mexico, en comptant la population ashkénaze (il y avait une sorte de schisme chez les Syriens entre ceux qui étaient originaires d’Alep ou de Damas – un phénomène qui a diminué ces dernières années).

La communauté juive d’origine syrienne du Mexique est toutefois le groupe présentant le taux de mariage mixte le plus bas après Israël. Ces unions représentent moins de 15 % en comparaison avec les Etats-Unis, où elles représentent approximativement 50 % dans la population juive en général et 75 % dans la communauté juive réformée.

« Leona » montre combien les attentes de cette société insulaire peuvent être étouffantes, tout en traduisant très justement la manière dont cette unité peut être aussi surtout une source de fierté. Le film se termine comme il a commencé, submergé dans l’eau mais représentant une renaissance toute entière. C’est un film à la fois formidable, difficile et unique – et la première œuvre absolument remarquable d’une équipe à l’immense talent.

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