Près de 500 000 juifs de Hongrie, morts durant la Shoah, ont retrouvé leur nom
Il y a 10 ans, seuls 240 000 juifs parmi les 600 000 juifs hongrois assassinés durant la Shoah avaient été identifiés. Aujourd'hui, Yad Vashem en a identifiés 80 %. Simone Veil avait soutenu le lancement du projet
Yad Vashem a célébré ce 26 octobre, l’achèvement du rassemblement des noms des victimes de la Shoah sur les territoires de l’ex-Grande Hongrie. Un projet de 10 ans, mené de front avec la Fondation pour la mémoire de la Shoah française, et le soutien initial de Simone Veil. La ministre de Valérie Giscard d’Estaing, disparue le 30 juin 2017, reçut ce jour-là à Yad Vashem un vibrant hommage, en présence de son fils Pierre-François Veil.
C’est à des anecdotes que l’on mesure parfois l’importance de ce genre de travail colossal, littéralement titanesque, mené par une équipe d’historiens et d’archivistes de Hongrie et de Transylvanie, dirigée par le Dr Alexander Avram de Yad Vashem
Une recherche qui a nécessité de regrouper, de recouper, puis de trier 2 463 000 pages de documents, de les classer dans 170 000 dossiers. Ainsi les 240 000 nouvelles identités de victimes, parmi les 600 000 juifs hongrois assassinés durant la Shoah, seront désormais conservées à Yad Vashem.
Mais c’est à l’aune d’une anecdote que raconte Haïm Herzl, qui vit aujourd’hui en Israël, que ce travail a pris un goût particulier, une légitimité plus actuelle peut-être, pour Avner Shalev, le président de Yad Vashem.
Haïm Herzl, juif hongrois né en 1937, garde intacte l’image du regroupement des Juifs de Budapest, en lignes, dans un parc au bord du Danube à l’été 1944 entourés par les soldats allemands. Intact aussi l’ordre du vieillard qui lui sauva la vie.
Quelques mois plus tôt, en mars, les nazis avaient envahi le pays, la Grande Hongrie, celle dont les frontières ont été dessinées par le Traité du Trianon, à la chute de l’empire austro-hongrois en 1920. Les nazis désorganisent d’abord la communauté juive en arrêtant et assassinant les notables juifs. Ils isolent ensuite les juifs dans des ghettos avant de les déporter.
Haïm, qui a aujourd’hui 18 petits-enfants, a d’abord pu bénéficier de la ruse d’un diplomate suédois, un certain Raoul Wallenberg, Juste parmi les Nations suédois, qui œuvra avec audace au sauvetage des Juifs.
Wallenberg apposa des drapeaux suédois sur 32 bâtiments de Budapest qu’il déclara protégés par l’immunité diplomatique et distribua des passeports suédois à tour de bras au nez des nazis et des miliciens hongrois de La Croix Fléchée.
Mais le répit fut de courte durée. Haïm Herzl fut à son tour raflé et emmené dans un parc de Budapest au bord du Danube.
Là, tous étaient sommés de rester en ligne. Des mitrailleuses disposées entre celles-ci assuraient que personne ne s’échappe. « Puis un vieil homme m’a dit : ‘va, enfuis-toi, moi je suis trop vieux pour courir, » raconte-il. Il s’exécute. « J’entends encore le bruit des balles au-dessus de ma tête. »
« Et le petit garçon de Budapest a survécu ».
Mais, de ses parents Rudolf et Ruti, il ne conservait pas la moindre trace, le moindre objet.
Ainsi, lors de la collecte des documents concernant les déportés de Hongrie et initiée il y a 10 ans, le président de Yad Vasheem, Shalev Avner lui montre un document établi par les nazis sur lequel le nom de son père apparaît sans plus de détails.
Haïm Herzl pointe alors le bout de la 2e ligne du document : « il a signé ici, dit-il à Avner Shalev ». C’est à ce jour « la seule chose qu’il possède de lui, » explique Shalev.
YV honors the late #SimoneVeil and marks the completion of 10y project collecting names of Hungarian Shoah Victims https://t.co/OPvt4Kvvu0 pic.twitter.com/OPn112wtKa
— Yad Vashem (@yadvashem) October 26, 2017
Chaque jour, 12 000 juifs furent déportés de Hongrie d’avril à juillet 1944. En quelques semaines, la Hongrie fut vidée de son demi-million de juifs. Parmi eux figuraient les futurs écrivains Imre Kertesz et Elie Wiesel.
Déportés à Auschwitz, ils furent débarqués via la « rampe aux juifs » et directement gazés. Deux ou trois jours plus tôt, ils étaient encore à Budapest.
Quelques heures plus tard, les communautés juive et tzigane de Hongrie avaient disparu.
Simone Veil fut la témoin de l’arrivée et de l’extermination des Juifs de Hongrie à Auschwitz où elle était elle-même détenue. Ce qui explique sans doute son implication dans ce projet d’envergure.
Son fils Pierre-Martin Veil raconte : « ma mère y était extrêmement attachée. Toutes mes années de jeunesse j’ai le souvenir que Maman parlait du camp, et elle en parlait souvent. Elle parlait de l’arrivée des Juifs de Hongrie entre le 15 mai et début juillet 1944. Il y a quelques photos qui illustrent ça, ce sont les fameuses photos de l’album d’Auschwitz sur lesquelles on voit des familles entières qui attendent avant d’entrer à la chambre à gaz ».
« Aujourd’hui, nous pouvons mettre un nom sur 80 % des disparus, soit environ 500 000, » affirme le président de Yad Vahshem.
Un travail de fourmi, auquel chacun pouvait participer en remplissant une fiche contenant toutes les informations connues d’un disparu.
Simone Veil en a rempli personnellement plus d’une. Celles de Juifs comme de Tziganes déportés de Hongrie, confie l’historienne Annette Wieworka également présente à la cérémonie.
« Le projet a permis de découvrir plus que de simples noms de victimes hongroises, explique le Dr Alexander Avram. Il a révélé une part de leurs histoires individuelles. Et dans certains cas il a permis de mettre un nom sur la photographie orpheline d’un mort ».
Aujourd’hui, « le futur grand défi » qui attend Yad Vashem est la Pologne, explique le président de Yad Vashem : « sur les 3 millions de Juifs disparus, il nous manque
900 000 noms ».
Un (autre) travail colossal.
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