« Prisoner X » tente de faire la lumière sur l’agent du Mossad tombé en disgrâce
La production israélo-australienne de Hilla Medalia et Amos Roberts revisite l'histoire 10 ans après sa révélation, mais sans fournir d’éléments nouveaux particuliers
La question de la véritable histoire derrière la chute du prisonnier X – l’agent australo-israélien de l’agence de renseignement du Mossad Ben Zygier – a secoué Israël pendant une bonne partie de l’année 2013. Mais peu de réponses concrètes ont été apportées.
Après l’annonce de l’emprisonnement secret de Ben Zygier et de son suicide en 2010, des rumeurs et des informations contradictoires sur ses activités ont fait le tour du monde. A-t-il été un agent double du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah ? A-t-il transmis des informations à l’Australie ? Ou à Dubaï ? S’est-il réellement suicidé ou a-t-il été assassiné en prison ?
Un nouveau documentaire de l’Israélienne Hilla Medalia et de l’Australien Amos Roberts, dont la première a eu lieu au Festival du film de Jérusalem au début du mois de juillet et qui sera diffusé à l’automne sur les chaînes israélienne HOT et australienne ABC, tente de faire la lumière sur cette histoire explosive.
Au travers d’interviews d’amis, de journalistes, de son avocat et du témoignage reconstitué d’un agent anonyme du Mossad, « Prisoner X » explore l’évolution de Zygier, qui est passé du statut de jeune sioniste idéaliste ayant grandi à Melbourne à celui de jeune père de deux enfants accusé de trahison et poussé au suicide en cellule d’isolement.
Le film raconte une histoire dynamique et captivante pour ceux qui ne connaissent pas l’intrigue, mais il apporte peu de nouveaux détails ou de nouvelles hypothèses sur la vie et la mort de Zygier.
Tant de choses ont été écrites au cours de la décennie qui a suivi la révélation de cette histoire explosive, et tant de théories différentes ont été émises, qu’il est difficile de discerner s’il s’agit d’informations nouvelles ou simplement remises au goût du jour.

Parfois frustrant et pourtant vague, le documentaire est aussi souvent dévastateur, retraçant la vie d’un jeune homme plein de promesses, qui s’est terminée de façon tragique.
Parmi les nombreuses théories, le film semble parvenir à certaines conclusions, notamment que Zygier s’est suicidé et n’a pas été tué ; que le crime dont il a été accusé était probablement dû à une erreur, plutôt qu’à une trahison intentionnelle ; et que les autorités israéliennes ont maltraité et abandonné Zygier qui était mentalement instable – ce qui a conduit à sa mort et qui aurait pu être évité.
« Je peux vous dire – sans bien sûr entrer dans les détails – que Ben était très loin de la limite que je m’étais fixé concernant les personnes que je ne représenterais pas », a déclaré Me Moshe Mazur, l’avocat de Zygier, dans le film.
« Il n’était pas un traître. »
De nombreuses personnes interrogées dans le documentaire suggèrent que les théories sur la trahison de Zygier n’étaient qu’un écran de fumée pour masquer ses véritables activités, qui auraient été menées en Iran. La plupart des personnes interrogées semblent s’accorder sur le fait que Zygier a travaillé sous couverture pour une société italienne qui avait des relations avec l’Iran et que sa chute est liée au temps qu’il a passé à l’université Monash de Melbourne, où il a révélé les mauvaises informations aux mauvaises personnes.

Pourtant, des rumeurs selon lesquelles Zygier aurait démasqué des informateurs au Liban ou contrecarré une opération visant à retrouver les corps de trois soldats israéliens disparus depuis des dizaines d’années ont régulièrement circulé.
« Ce qui ne colle pas, c’est que les personnes qui ont été démasquées comme étant des informateurs du Mossad n’ont rien eu à se reprocher », a déclaré Jason Koutsoukis, le journaliste australien , qui a été l’un des premiers à être informé de la double vie de Zygier.
Le journaliste australien Rafael Epstein, qui a connu Zygier dans son enfance et qui a écrit un livre en 2014 sur l’affaire, a suggéré que le récit qui a émergé concernait « une histoire obscure, qui n’est pas d’un intérêt stratégique pour Israël ».
« Elle fournit une raison simple pour laquelle Ben devait être en prison. Cela ne sonnait pas juste », a-t-il déclaré. « C’est une bonne histoire pour le Mossad parce qu’elle ne donne rien sur l’un des domaines d’espionnage les plus importants d’Israël, à savoir l’Iran. »
Aucun membre de la famille de Zygier n’apparaît dans le documentaire : ni ses parents, ni sa sœur, ni sa femme, ni ses enfants, qui sont aujourd’hui adolescents.
Le journaliste australien Trevor Bormann a déclaré qu’il filmait une séquence d’informations depuis le cimetière de Melbourne où Zygier est enterré lorsqu’il a rencontré ses parents Geoffrey et Louise.
« Je me suis approché d’eux, ils étaient choqués de me voir », raconte Bormann dans le film. « Tout ce que vous allez faire, c’est de me mettre dans ce caveau vide à côté de mon fils », lui répondît la mère de Zygier.
En fin de compte, plus qu’une histoire d’espionnage qui a mal tourné, « Prisonnier X » raconte l’histoire d’un État qui utilise et abandonne un jeune idéaliste, le jette derrière les barreaux sans rien dire à personne et enterre l’histoire avec lui. Sans une révélation australienne publiée en 2013, les Israéliens n’auraient probablement jamais connu Zygier et la façon dont il s’est suicidé en 2010 dans une cellule spécialement conçue pour Yigal Amir, l’assassin du Premier ministre Yitzhak Rabin.
« Quand on regarde l’ensemble du tableau, c’est peut-être la mort la plus inutile que l’on puisse imaginer dans de telles circonstances », a déclaré Me Mazur, ajoutant que l’État d’Israël aurait dû assurer la sécurité de Zygier « aussi bien lorsqu’il était à l’étranger que lorsqu’il était ici, sous leur supervision ».
« Les rumeurs selon lesquelles le Mossad aurait tué Zygier sont complètement fausses », a déclaré Rafael Epstein.
« La vérité est pire parce qu’ils n’en avaient rien à faire de lui. »