Procès Netanyahu : Les juges réexamineront le témoignage de Milchan à la police
Le parquet a noté "des différences significatives" entre les réponses du magnat aux enquêteurs et celles apportées à la barre
Les juges de la Cour de district de Jérusalem en charge du procès pour corruption du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont demandé au parquet, mercredi, de soumettre l’intégralité du témoignage livré par Arnon Milchan, un témoin déterminant, aux enquêteurs dans un contexte d’importantes divergences entre le récit narré à la police et celui qu’il a soumis, cette semaine, dans le cadre du procès.
Liat Ben-Ari, procureure de l’État adjointe, avait demandé à pouvoir soumettre des extraits de l’interrogatoire de Milchan qui avait été réalisé par la police, et en particulier ses paroles en lien avec l’aide présumée que lui avait apporté Netanyahu pour obtenir un visa américain à long terme – une demande du parquet qui a finalement été refusée par les magistrats, ont indiqué les médias israéliens. Les juges ont préféré pouvoir avoir accès à l’intégralité du témoignage de Milchan, tel qu’il avait été livré aux enquêteurs.
C’est la deuxième semaine du témoignage de Milchan, une deuxième semaine qui est largement consacrée au contre-interrogatoire de l’avocat de la Défense de Netanyahu, Amit Hadad, dans le cadre de l’Affaire 1000. Dans ce dossier, où Netanyahu est soupçonné d’avoir abusé de son pouvoir pour promouvoir les intérêts de Milchan en l’aidant à obtenir un visa américain à long-terme ; en faisant avancer un projet de loi qui aurait offert des avantages fiscaux au producteur de Hollywood et en soutenant le projet de fusion entre deux importantes chaînes de télévision qui aurait bénéficié financièrement au milliardaire. En échange, Milchan aurait offert des cadeaux luxueux au Premier ministre et à sa famille à hauteur de 462 000 shekels.
Milchan doit se présenter jeudi à la barre des témoins où il sera interrogé par le parquet, ont précisé les médias israéliens.
Le milliardaire témoigne actuellement par visioconférence depuis l’Old Sea Hotel de Brighton, au Royaume-Uni, devant la Cour de district de Jérusalem, où Netanyahu est actuellement sur le banc des accusés pour fraude et pour abus de confiance dans trois dossiers distincts et pour pots-de-vin dans l’un d’entre eux.
Au cours de son témoignage, le magnat a nié avoir été aidé par Netanyahu concernant l’obtention d’un visa à long-terme aux États-Unis, contredisant le témoignage soumis par son assistante personnelle, Hadas Klein qui, l’année dernière, avait déclaré que Netanyahu avait organisé un entretien téléphonique entre son patron et le secrétaire d’État américain John Kerry qui avait permis à Milchan d’obtenir enfin un visa de résidence de dix ans.
Un témoignage qui avait suivi un entretien accordé dans le cadre de l’émission d’actualité Uvda, en 2013, au cours duquel le milliardaire avait reconnu avoir travaillé pour le Bureau israélien des Relations scientifiques, qui cherchait à acquérir un savoir-faire scientifique et technique pour des programmes de défense secrets. Dans le sillage de cette interview, il n’avait obtenu qu’une prolongation d’un an pour son visa de la part des autorités américaines au lieu du visa de dix ans qu’il recevait jusque-là.
Il avait ensuite reçu ce visa de dix ans.
Milchan a aussi nié alors qu’il se tenait à la barre des témoins, dimanche, que Netanyahu l’avait assisté en faisant avancer une proposition de fusion entre les chaînes de télévision Keshet et Reshet, une initiative qui lui aurait profité financièrement.
Interrogé sur la question par l’avocat de la défense de Netanyahu au sixième jour de son témoignage, le producteur de Hollywood a indiqué que cette proposition de fusion entre les deux chaînes n’avait été qu’une vague idée qui ne s’était jamais développée de manière significative, et que le Premier ministre ne lui avait, de toute façon, apporté aucune aide.
D’autres témoins déterminants comme Shlomo Filber, ancien conseiller de premier plan de Netanyahu, avaient néanmoins fait savoir dans leurs témoignages que le Premier ministre avait tenté de venir en aide à Milchan, son ami – qui lui avait offert des cadeaux de luxe à hauteur de centaines de milliers de shekels – dans le cadre de la fusion envisagée.
Milchan — homme d’affaires bien connu et producteur à Hollywood qui est également actionnaire de la Dixième chaîne (devenue depuis la Treizième chaîne) exploitée par Reshet – a affirmé, dimanche, que le projet de fusion entre Keshet et Reshet n’était finalement pas allé bien loin
Dans un témoignage livré devant le tribunal, l’année dernière, Filber avait indiqué que Netanyahu lui avait demandé d’aider Milchan sur des questions de régulation en lien avec la fusion.
Milchan a précisé dans son témoignage, dimanche, qu’il avait informé Netanyahu de l’idée « par rapport à sa casquette de ministre des Communications » – le Premier ministre était en charge de ce portefeuille à l’époque – et que Netanyahu avait été intéressé par cette idée, mais il a noté que la proposition n’était jamais allée suffisamment loin pour qu’une approbation en matière de régulation soit nécessaire.
Alors qu’il quittait l’hôtel, mercredi, après une nouvelle journée du procès, Milchan aurait déclaré, selon Ynet, que « tout va bien », en réponse aux questions posées par les journalistes sur les divergences de ses récits dans le cadre du témoignage.
« Il n’y a pas de différences dans ce témoignage. Il y a des différences dans les dates mais pas sur le fond », a répondu l’homme d’affaires qui a ajouté qu’il n’avait « pas peur d’être considéré comme un témoin hostile ».
Ben Ari, de son côté, a déclaré devant les juges dans la journée de mercredi qu’ « entre l’interrogatoire initial et le contre-interrogatoire, des divergences significatives se sont manifestées sur un certain nombre de points » et elle a demandé à soumettre à la Cour des témoignages qui traduiront les changements survenus dans les propos de Milchan, a fait savoir Haaretz.
Ben Ari a ajouté que Milchan avait été interrogé à six reprises par la police à partir de 2016, après lecture de ses droits à une occasion.
Dans son interrogatoire de Milchan, cette semaine, Hadad a abordé d’autres aspects de l’Affaire 1000, demandant précisément si Netanyahu et sa femme avaient offert des cadeaux à Milchan et à sa famille – une tentative visant à prouver l’amitié mutuelle et sincère liant le milliardaire et le Premier ministre.
Milchan a répondu que Sara avait en effet offert à son épouse, Amanda, et à ses enfants des cadeaux, confirmant l’idée d’une franche camaraderie entre les deux familles.
Un témoignage qui a semblé contredire son interrogatoire par la police. Il avait initialement déclaré aux enquêteurs que Netanyahu ne lui avait rien donné.
» Vous voulez que je m’écroule de rire ? », avait-il déclaré dans son témoignage, à l’époque. Interrogé sur ces propos, la semaine dernière, Milchan a indiqué les avoir tenus parce qu’il ressentait « la pression » des policiers et qu’il avait ultérieurement demandé à ce que ces paroles ne soient pas retenues dans le compte-rendu de l’interrogatoire.
Interrogé, la semaine dernière, sur les noms de code utilisés par Netanyahu et par lui-même pour désigner les bouteilles de champagne, les cigares et les vêtements qu’il achetait au chef de gouvernement et à sa famille, Milchan a évoqué « un simple jeu », rejetant tout désir de dissimuler ces cadeaux au grand jour.
Milchan a également nié que Sara se plaignait s’il venait leur rendre visite sans apporter de champagne.
« Ce n’était absolument pas le cas », a-t-il affirmé.
Sara Netanyahu, épouse du Premier ministre, assiste en personne au témoignage de Milchan.
Lundi, Ben Ari a révélé que Milchan lui avait dit que sa présence dans la salle le mettait à l’aise.
La semaine dernière, Ben Ari avait accusé Sara de communiquer avec le témoin par des gestes et par des expressions du visage. Elle s’était aussi opposée à l’embrassade et aux quelques mots échangés, mercredi dernier, entre l’épouse du Premier ministre et le producteur de Hollywood avant le début de son témoignage.
Netanyahu a été inculpé pour fraude et pour abus de confiance dans trois dossiers. Le Premier ministre doit aussi répondre de pots-de-vin dans l’un d’entre eux, l’Affaire 4000, où il est accusé d’avoir promis d’offrir des avantages en matière de régulation au géant des télécommunications Bezeq afin d’obtenir une couverture médiatique positive sur le site d’information Walla, qui appartenait à la même famille à ce moment-là.
Netanyahu n’a cessé de clamer son innocence, de son côté, disant que ses mises en examen ont résulté d’un complot ourdi par les médias et par les enquêteurs , sous la supervision d’un procureur-général faible. Le commissaire de police, à l’époque de l’enquête, et le procureur-général qui avait signé l’acte d’inculpation avaient été nommés par Netanyahu.