Procès Netanyahu : Milchan dit que Netanyahu l’a aidé à obtenir son visa américain
Interrogé pour la 2e fois par l'accusation, ce témoin clé du procès pour corruption du Premier ministre est revenu sur de précédentes dépositions plus favorables à Netanyahu
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le producteur et homme d’affaires hollywoodien Arnon Milchan a déclaré jeudi que, contrairement à ses précédentes déclarations lors d’un contre-interrogatoire, le Premier ministre Benjamin Netanyahu l’avait aidé à obtenir son visa américain de longue durée.
Le témoignage de Milchan devant le tribunal de Jérusalem, dans le procès pour corruption de Netanyahu, s’est terminé jeudi après dix jours d’interrogatoire de la part de l’accusation et de la défense. L’accusation a fait en sorte de réparer une partie des torts causés par Milchan au tribunal dans le procès pénal contre le Premier ministre.
Au cours du contre-interrogatoire de ces derniers jours, Milchan est revenu sur une partie de ses témoignages à la police et au tribunal. La procureure adjointe, Liat Ben Ari, a obtenu de Milchan qu’il revienne sur certaines de ses déclarations, mais pas sur toutes.
Les incohérences du témoignage de Milchan devant le tribunal, qui ont profité à plusieurs titres à Netanyahu dans le cadre de ce procès pénal, ont amené Ben Ari, mercredi, à demander que seul le témoignage recueilli par la police soit retenu comme preuve, demande que le tribunal a rejetée.
Ben Ari a donc interrogé Milchan pendant plusieurs heures, jeudi matin, à propos de ces incohérences.
Milchan est un témoin clé de l’affaire 1000 contre Netanyahu, qui reproche au Premier ministre d’avoir commis une fraude et un abus de confiance en acceptant de généreux cadeaux de la part de Milchan – estimés à 462 000 shekels – en échange de services personnels et commerciaux.
Le témoignage de Milchan depuis l’hôtel Old Sea de Brighton (Royaume-Uni), pour raisons de santé, s’est déroulé dans une mauvaise ambiance entre l’accusation et la défense de Netanyahu, avec des juges exaspérés par leur comportement.
Lors du témoignage, l’accusation a indiqué que Sara Netanyahu avait tenté d’influencer Milchan en assistant à toutes les audiences, ce que Milchan lui-même a confirmé en disant que la présence de Sara et de Netanyahu au tribunal de Jérusalem l’avaient mis mal à l’aise.
Suite aux objections véhémentes de l’avocat de Netanyahu, Amit Hadad, ce jeudi, les juges ont refusé plusieurs questions de Ben Ari, comme celles concernant les motifs – pas nécessairement contradictoires – pour lesquels il avait dit avoir offert des cadeaux au couple Netanyahu.
Le tribunal l’a en revanche autorisé à répondre aux questions posées par la procureure sur ses contradictions concernant le volume de cadeaux offerts au couple Netanyahu, leur élément déclencheur et la réalité de l’aide apportée par Netanyahu pour lui faire obtenir un visa américain de 10 ans.
C’est l’une des principales charges que l’accusation retient contre Netanyahu, pour usage indu de son autorité.
Au cours de son témoignage principal, Milchan avait déclaré avoir sollicité l’aide de Netanyahu, le Premier ministre lui recommandant d’en parler avec l’ambassadeur américain de l’époque, Dan Shapiro, avant de lui dire qu’il étudierait lui-même la question. Milchan avait ajouté avoir, plus tard, reçu un appel de Shapiro lui disant que la question était sur le point d’être réglée.
Mais lors du contre-interrogatoire, Milchan avait déclaré que Netanyahu s’était contenté de lui dire de voir avec Shapiro et ne l’avait aucunement aidé à obtenir le visa, question pour laquelle il lui aurait assuré ne rien pouvoir faire.
Interrogé jeudi par Ben Ari sur cette incohérence de témoignage, Milchan est revenu sur sa première déposition, affirmant que Netanyahu « avait effectivement parlé avec l’ambassadeur américain Shapiro de mon visa ».
Ben Ari a rappelé à Milchan qu’il avait déclaré, lors de sa première déposition devant la cour, que le nombre de boites de cigares et de bouteilles de champagne offerts au couple Netanyahu avait augmenté à leur demande expresse.
Lors du contre-interrogatoire, Milchan s’était pour autant dit d’accord avec Hadad pour affirmer qu’il n’avait jamais vraiment compté les quantités de bouteilles de champagne et de boites de cigares et qu’il ignorait si leur nombre avait ou non augmenté.
Milchan a répondu jeudi: « J’ai eu l’impression que les montants augmentaient », tout en déclarant ne pas se souvenir de la quantité exacte de ces cadeaux.
Ben Ari a également relevé que, lors de son premier témoignage, Milchan avait déclaré que les demandes de cadeaux des Netanyahu l’avaient gêné et qu’il avait pensé que s’il ne les leur offrait pas, il serait moins en grâce auprès du Premier ministre.
Lors du contre-interrogatoire, Ben Ari a souligné que Milchan avait dit avoir offert ces cadeaux par plaisir.
Mis face à ses contradictions, Milchan a déclaré : « Je ne savais pas quel était le montant acceptable ou non pour des cadeaux. Je n’étais pas sûr d’être dans les clous. »
Sur un autre point, Ben Ari a rappelé que lors de son premier témoignage, Milchan avait déclaré au tribunal avoir commencé par offrir, de lui-même, des chemises de prix à Netanyahu, ce à quoi Netanyahu et sa femme Sara avaient réagi en lui en demandant davantage.
Lors du contre-interrogatoire, Milchan a assuré que les Netanyahu ne lui avaient jamais expressément demandé de chemises, tout en laissant entendre qu’ils n’y seraient malgré tout pas défavorables.
Ben Ari est donc parvenue à faire revenir Milchan à certains éléments de sa déposition initiale, telle que reprise dans l’acte d’accusation contre Netanyahu. Elle a renoncé à en contester d’autres, pourtant contraires à sa première déposition.
L’accusation estime par ailleurs que Netanyahu s’était engagé à favoriser la fusion des chaînes de télévision Keshet et Reshet, décision qui aurait bénéficié financièrement à Milchan.
Lors du contre-interrogatoire, Milchan a dit sur ce point que la proposition de fusion n’était pas allée très loin : « Il n’y a pas eu de négociation, il n’y avait pas de prix, il n’y avait rien, juste des idées en l’air. »
Milchan a également insisté, lors de son témoignage, sur sa proximité avec Netanyahu et le fait que les cadeaux qu’il leur a offerts l’ont été par pure amitié, ce qui sape l’affirmation de l’accusation selon laquelle leur relation était, du moins en partie, intéressée et que les gestes de Netanyahu au profit de Milchan constituaient un abus de pouvoir, par essence illégal.
Le procès de Netanyahu se poursuivra la semaine prochaine avec des témoignages dans le cadre de l’affaire 4000, au titre de laquelle Netanyahu est accusé de corruption, fraude et abus de confiance dans le cadre des relations entre la société de télécommunications Bezeq et le ministère des Communications du gouvernement Netanyahu.
Netanyahu nie avoir commis de quelconques actes répréhensibles et affirme que ces accusations sont le fruit d’une cabale de la police et du Parquet.