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Quand la désinformation pro-russe clone des médias européens

Fin septembre, Meta, maison mère de Facebook, a qualifié l'opération d'origine russe comme "la plus importante et la plus complexe depuis le début de la guerre en Ukraine"

Un écran d'ordinateur affiche le logo du site de réseau social Facebook, le 22 mars 2018. (AFP Photo/Oili Scarff)
Un écran d'ordinateur affiche le logo du site de réseau social Facebook, le 22 mars 2018. (AFP Photo/Oili Scarff)

Imiter à la quasi perfection les sites de médias reconnus et y poster des articles relayant les récits du Kremlin sur la guerre en Ukraine: une importante campagne de désinformation s’est déployée en Europe, visant notamment l’opinion allemande.

A première vue, la page internet estampillée du logo rouge du journal Bild ressemblait à s’y méprendre au site du principal tabloïd d’Allemagne.

On pouvait notamment y lire, en août, qu’un garçon était mort dans un accident de vélo à Berlin après que l’éclairage public a été éteint la nuit, dans une Allemagne obligée d’économiser l’énergie en raison de la réduction drastique des livraisons de gaz russe.

Mais un travail d’investigation, notamment mené par la cellule de vérification de l’AFP, a pu démontrer que cette information était fausse et s’inscrivait dans le cadre d’une vaste campagne de désinformation pro-russe menée en imitant les sites de médias européens.

Fin septembre, Meta, la maison mère de Facebook, l’a qualifiée d' »opération d’origine russe la plus importante et la plus complexe depuis le début de la guerre en Ukraine », agissant avec « une combinaison vraiment inhabituelle de sophistication et de force brute ».

Meta a enquêté sur le réseau, alerté par des journalistes d’investigation sur l’authenticité des sites.

Parmi quelque 60 sites de médias concernés, les journaux allemands, comme Spiegel et Bild, étaient particulièrement visés, aux cotés d’autres comme le quotidien anglais The Guardian, l’agence italienne ANSA ou le quotidien français 20 minutes.

Illustration : le quotidien britannique The Guardian vendu dans une supérette à Londres, le 12 septembre 2005. (AP Photo / Lefteris Pitarakis)

« Assurément un faux »

L’ONG belge EU DisinfoLab, spécialisée dans l’analyse de la désinformation, a aussi publié une enquête sur le fonctionnement de ce réseau qu’elle a baptisé « Doppelganger » (sosie en allemand).

Ses objectifs, selon EU DisinfoLab : « dépeindre l’Ukraine comme un Etat défaillant, corrompu et nazi » et « promouvoir les récits du Kremlin sur la guerre en Ukraine ».

Le réseau, actif depuis mai, visait également à répandre la peur parmi les Européens « sur la façon dont les sanctions contre la Russie vont ruiner leur vie », selon EU DisinfoLab.

C’était le sens du faux article se réclamant de Bild.

L’équipe de fact-checking de l’AFP a pu démontrer que le récit sur l’accident de vélo, prétendument survenu dans une rue sombre, était faux.

« Aucun jeune n’est mort dans un accident de la circulation depuis le début de l’année », a affirmé à l’AFP une porte-parole de la police de Berlin.

Dans la capitale allemande, l’éclairage public est sous la responsabilité de l’Agence pour l’environnement, la mobilité urbaine, la protection des consommateurs et l’action climatique. Un porte-parole de l’agence a déclaré que l’article était « assurément un faux ».

Le maintien de l’éclairage des rues pour assurer la sécurité du trafic est une obligation légale à Berlin et « est strictement respectée », a ajouté cette source.

Et un porte-parole de Bild a confirmé que l’article était faux, ajoutant: « Malheureusement, cela arrive régulièrement ».

Un pirate informatique. Illustration. (Crédit : Shutterstock)

Hébergeur russe

Une série d’autres faux articles ont été publiés en Allemagne, notamment sur une école de Brême (nord) qui aurait été frappée par une explosion alors qu’elle cherchait à économiser du gaz (sur un site imité du Spiegel) ou sur des chauffeurs routiers bloquant les routes pour protester contre les politiques de l’Union européenne (sur un site imité du média T-online).

Toujours en imitant Bild, un faux site avait aussi publié un récit selon lequel des réfugiés ukrainiens auraient mis le feu à une maison après avoir tenté de brûler un drapeau russe.

Le dispositif est chaque fois identique: une fois le récit mis en ligne sur le faux site, avec un nom de domaine quasi similaire, des publicités payantes ou de faux comptes de médias sociaux les relaient, notamment sur Facebook, Instagram, Telegram et Twitter.

L’enquête de EU DisinfoLab n’a pas permis « une attribution formelle » des faux mais des éléments indiquent l’implication d’acteurs basés en Russie.

Ainsi, certains des noms de domaine ont été achetés par l’intermédiaire de l’hébergeur russe Nic.Ru, et certaines vidéos ont été produites sur des ordinateurs dont les paramètres étaient en langue russe.

Le fuseau horaire, GMT+8, d’un ordinateur suggère que le faux contenu pourrait avoir été produit dans la région russe d’Irkoutsk et certains des articles ressemblent à ceux qui sont apparus sur le site d’information russe RRN World, selon EU DisinfoLab.

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