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Reportage

Quand les cocktails Molotov font partie de la vie quotidienne

Etant régulièrement attaqués, les résidents d'Armon Hanatziv, un quartier de Jérusalem, demeurent sceptiques face aux promesses des politiciens

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Un Palestinien jette une bombe incendiaire (Crédit : Issam Rimawi / Flash90)
Un Palestinien jette une bombe incendiaire (Crédit : Issam Rimawi / Flash90)

Nava Segev a vécu dans la rue Meir Nakar dans le quartier d’Armon Hanatsiv de Jérusalem depuis plus de 40 ans, pratiquement depuis sa fondation en 1973, six ans après qu’Israël ait pris le contrôle de Jérusalem-Est lors de la guerre des Six Jours.

Le quartier, très éloigné du centre-ville et rempli de pins et de grenadiers, a été le site d’attaques nocturnes menées par de jeunes arabes armés de cocktails Molotov et de pierres.

Bien que les attaques à Armon Hanatziv, également connu sous le nom de Talpiot-Est, se poursuivent régulièrement depuis la guerre de l’été dernier dans la bande de Gaza, les habitants ont récemment remarqué une escalade de la violence en raison de la tension accrue sur le mont du Temple.

Dimanche, à quelques minutes du quartier, Alexander Levlovich rentrait à la maison après un repas de Rosh Hashana quand des lanceurs de pierre ont attaqué sa voiture. La perte de contrôle du véhicule a conduit la voiture dans un poteau et il a été tué.

« J’ai vécu deux intifadas, a affirmé Segev, et cela n’a jamais été comme ça ».

Chaque nuit, les adolescents de Jabel Mukaber, le village arabe voisin, se réunissent sous le mur de pierres qui longe la rue Meir Nakar. Ils bombardent les maisons limitrophes avec des cocktails Molotov, des pierres, des pétards et des bouteilles en verre remplis de peinture.

De l'herbe brûlée dans le jardin de Nava Segev à Armon Hanatziv à Jérusalem causée par un cocktail Molotov lancé par la jeunesse arabe du village d'à côté. (Crédit : Autorisation Nava Segev)
De l’herbe brûlée dans le jardin de Nava Segev à Armon Hanatziv à Jérusalem causée par un cocktail Molotov lancé par la jeunesse arabe du village d’à côté. (Crédit : Autorisation Nava Segev)

Les fenêtres de Segev ont été brisées à plusieurs reprises et son jardin a été incendié. Pendant la nuit, il y a des parties de sa maison qu’elle doit éviter de peur d’être touchée par une pierre ou une bouteille.

Mais pendant la journée, a affirmé un agent de la police des frontières, vous n’auriez aucune idée que le quartier est le théâtre d’attaques nocturnes : une maternelle israélienne ouvre ses classes comme d’habitude dans le quartier juif ; les femmes arabes font leurs courses dans le supermarché du village arabe.

Armon Hanatziv – le palais du Gouverneur, en hébreu – a été ainsi nommé d’après le bâtiment situé sur la colline du Haut Commissaire britannique, qui est maintenant l’emplacement du siège des Nations unies. L’entrée principale du quartier est adjacente à une promenade appréciée qui porte le même nom, un parc en terrasse populaire auprès des habitants et des touristes pour ses vues sur la Vieille Ville.

Les adolescents qui mènent les attaques sont pour la plupart d’entre eux âgés de 14 à 15 ans. Ils sont à l’école pendant la journée, ce qui signifie qu’ils ne sont pas là à jeter des pierres et des bombes incendiaires, a expliqué l’agent, qui est affecté au poste de police d’ « Oz », en charge de la zone.

Essuyant la sueur de son front, il a ajouté : « Maintenant, il y a aussi la météo ».

Les attaques se produisent tous les soirs, a expliqué l’officier, mais quand il n’y a seulement que 20 pierres, personne ne signale les jets de pierres.

L'une des plusieurs fenêtres brisées dans la maison de Nava Segev à Armon Hanatziv à Jérusalem causée par une pierre lancée par la jeunesse arabe du village d'à côté. (Crédit : Autorisation Nava Segev)
L’une des plusieurs fenêtres brisées dans la maison de Nava Segev à Armon Hanatziv à Jérusalem causée par une pierre lancée par la jeunesse arabe du village d’à côté. (Crédit : Autorisation Nava Segev)

« Lorsque 100 pierres sont jetées, a-t-il poursuivi, les médias viennent ».

Quand le soleil se lève, le seul indice qu’il y a eu des troubles pendant la nuit sont les posters affichés sur les clôtures, les murs et les poteaux dans le quartier.

« Les vidéos de surveillance fonctionnent 24h sur 24h », peut-on lire sur la plupart des affiches.

La maison la plus proche du village arabe a le droit à une affiche un peu plus différente, plus optimiste, de la municipalité de Jérusalem qui dit : « Cette zone est filmée et enregistrée par des caméras de sécurité. Une ville sans violence ».

Jusqu’à l’année dernière, a précisé Segev, la relation entre Jabel Mukaber et Armon Hanatziv « était bonne ».

Une femme arabe du village voisin a même aidé Segev à la maison, à prendre soin de ses enfants quand ils rentraient de l’école. Cette femme était la mère de l’un des deux terroristes – Uday Abu Jamal et Ghassan Abu Jamal – qui ont assassiné quatre fidèles dans une synagogue de Jérusalem l’an dernier, a indiqué Segev.

Le village arabe est si proche, Segev peut facilement voir la maison de famille d’Abu Jamal de sa fenêtre du salon.

Les gens du village venaient à Armon Hanatziv pour acheter de la nourriture, aller aux terrains de jeux et se rendre à la clinique pour bébé du quartier.

Depuis le conflit de Gaza l’année dernière, cependant, la relation s’est envenimée. Pendant plus d’un an, les jeunes du village ont mené des attaques nocturnes contre les maisons juives.

La semaine dernière, la municipalité de Jérusalem, a même distribué des extincteurs aux résidents, a signalé Segev, montrant une boîte métallique rouge vif encore dans son emballage plastique.

Un panneau d'avertissement pour les lanceurs de pierre qui indique que la zone est sous surveillance sur le mur séparant Armon Hanatziv de Jabel Mukaber, le 16 septembre 2015. (Crédit : Juda Ari Gross / Times of Israël)
Un panneau d’avertissement pour les lanceurs de pierre qui indique que la zone est sous surveillance sur le mur séparant Armon Hanatziv de Jabel Mukaber, le 16 septembre 2015. (Crédit : Juda Ari Gross / Times of Israël)

L’extincteur est à sa place dans l’appartement de Segev, qui est par ailleurs rempli d’œuvres originales, de meubles sur mesure, de vinyles, de livres et d’outils de peinture.

Les troubles et la violence dans le quartier, dit-elle, empêchent ses enfants et ses petits-enfants de venir la voir.

A la veille de la fête juive de Chavouot, à la fin du mois de mai dernier, s’est remémorée Segev, elle a finalement convaincu sa famille de venir pour le repas traditionnel à son domicile.

Mais tandis que la famille s’asseyait autour de la table, des adolescents arabes dans le village d’au-dessous ont lancé une volée de pierres, des cocktails Molotov et des feux d’artifice sur sa maison.

« Tout le monde était sur le sol avec leurs mains sur la tête », a poursuivi Segev.

Heureusement, a-t-elle ajouté, personne n’a été blessé dans l’attaque, mais cela a traumatisé sa famille qui a depuis refusé de lui rendre visite.

Bien que déçue, Segev comprend l’appréhension de sa famille, explique-t-elle.

La plupart des voisins de Segev dans la rue Meir Nakar, cependant, n’ont pas de problèmes similaires.

Alors que les maisons face à Jabel Mukaber sont les victimes d’attaques nocturnes, celles qui sont à quelques mètres de la frontière s’en sortent entièrement indemnes.

« Je ne sais rien au sujet de [la violence], révèle un autre résident de la rue Meir Nakar, excepté ce que j’entends aux informations ».

Un troisième habitant du quartier ouvrier, Nissim Mizrahi, est en train de déménager dans un appartement plus près de Jabel Mukaber.

« Je vis ici depuis 40 ans et je n’ai jamais eu de problème avec eux », a déclaré Mizrachi, se référant au village arabe.

« Je n’ai pas peur. Si j’avais peur, je ne déménagerais pas ici », a-t-il ajouté.

Minimisant le problème croissant, Mizrachi met la violence sur le compte d’adolescents qui s’ennuient n’ayant rien à faire.

« Tirer sur eux une ou deux fois, a-t-il affirmé, et vous verrez à quelle vitesse ils arrêtent de jeter des pierres ».

Bien que Mizrachi ne prenne pas les dernières attaques à la bombe incendiaire au sérieux, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan l’envisagent de façon très sérieuse.

« La situation actuelle est inacceptable et nous avons l’intention de donner aux soldats et aux officiers de police les outils nécessaires pour agir très fermement contre ceux qui jettent des pierres et des bombes incendiaires », a déclaré Netanyahu mercredi matin lors d’une visite du quartier.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, en tournée Jérusalem à la suite des récents affrontements dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 16 septembre 2015 (Crédit : Amos Ben Gershom / GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, en tournée Jérusalem à la suite des récents affrontements dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 16 septembre 2015 (Crédit : Amos Ben Gershom / GPO)

Mardi soir, Netanyahu a tenu une réunion d’urgence avec les principaux ministres et les responsables de la sécurité pour lutter contre la violence à Jérusalem.

Le Premier ministre a proposé d’augmenter la peine minimale pour ceux qui jettent des pierres et des cocktails Molotov, en infligeant des amendes aux mineurs qui commettent de telles attaques, et à leurs parents, et en autorisant même que des snipers attaquent ceux qui tentent de mener une telle attaque.

Erdan, qui a assisté à la réunion, a déclaré à la radio militaire : « lancer des pierre c’est une tentative d’assassinat, [et] lancer des bombes incendiaires l’est certainement ».

Le ministre de la Sécurité intérieure a tenté de calmer certaines des préoccupations de la population au cours de la dernière série d’attaques, mais a admis qu’il y a une augmentation de la violence. « Je ne parlerais pas d’Intifada, a déclaré Erdan à la radio de l’armée, mais il y a certainement une lente augmentation au cours de ces années de jets de pierres et d’attaques au cocktail Molotov ».

Segev, qui a déjà rencontré plusieurs représentants de la police et de la ville, est convaincue que les mesures proposées seront efficaces.

Telle que la situation est, a expliqué Segev, elle doit réfléchir à deux fois avant de s’aventurer hors de sa maison dans la nuit, tenir compte des préoccupations en matière de sécurité lorsqu’elle choisit son itinéraire. Devant l’insistance de sa famille, elle a même préparé un « sac d’urgence » avec l’essentiel si jamais elle doit quitter sa maison à la hâte.

Même si elle a vécu dans le même appartement pendant plus de quatre décennies, elle a même envisagé de déménager, même si elle s’est plainte que les attaques ont fait baisser le prix de sa maison « d’un millions de shekels ».

C’est « un miracle » que personne n’ait été blessé l’an dernier, a-t-elle dit. « Je ne veux plus vivre grâce à des miracles ».

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