Quand l’Iran a permis sans le vouloir de mener le raid sur le réacteur d’Osirak
Les pilotes israéliens toujours en vie se sont réunis pour "célébrer la mission qui a remodelé le Moyen-Orient"

38 ans après l’opération Opéra – l’attaque aérienne israélienne qui a permis de détruire le réacteur nucléaire à Osirak – les pilotes encore en vie se sont rassemblés pour célébrer l’événement, en soulignant « une des plus grandes ironies de l’Histoire »: l’attaque a été rendue possible par la Révolution islamique en Iran.
Quand Israël a découvert en 1977 que l’Irak construisait un réacteur capable de produire du plutonium qui pourrait être utilisé pour fabriquer des armes nucléaires, les avions de chasse dont disposait le pays – F-4 Phantoms et Skyhawks – n’étaient pas capables voler les plus de 1 600 kilomètres pour aller en territoire ennemi et revenir en toute sécurité, s’est souvenu le général à la retraite David Ivry, à l’époque commandant de l’armée de l’Air israélienne, dans un entretien accordé à l’occasion du rassemblement récent.
Mais en 1979, Israël a eu un coup de chance.
La Révolution islamique menée par l’Ayatollah Khomeini a renversé le Shah d’Iran Mohammad Reza Pahlavi, un allié important des Etats-Unis, ce qui a conduit les Etats-Unis à annuler un énorme accord visant à fournir à l’Iran 75 F-16 de toute dernière génération.

Les Américains les ont ensuite offerts à Israël.

« J’ai immédiatement dit oui », s’est souvenu Ivry dans l’entretien avec la Douzième chaîne diffusé dimanche soir.
« Sans demander à personne. Quand on vous offre les meilleurs avions de combat, la première chose à dire est oui, ensuite on voit… », a-t-il dit.

« Le fait que nous ayons reçu les avions grâce à la Révolution iranienne est l’une des grandes ironies de l’histoire », a déclaré le colonel à la retraite Zeev Raz, qui a mené le raid le 7 juin 1981. Il a aussi participé à la réunion pour célébrer les 38 ans depuis la frappe.
Mais même avec les nouveaux jets, il n’était pas évident du tout qu’ils pourraient faire l’aller-retour en Irak avec les capacités en carburant
des F-16, ce qui a conduit l’armée de l’air à procéder à nombreux efforts pour rendre la mission possible.

« Il n’y avait pas de ravitaillement en vol, pas de GPS, aucune de ces technologies, a déclaré Amos Yadlin, qui était un pilote de la mission et qui a ensuite continué sa carrière pour devenir le chef de renseignement israélien. Les pilotes devaient être très concentrés, a-t-il dit, soulignant que la moindre petite erreur de calcul aurait pu conduire à ne pas avoir assez de carburant pour rentrer.
« Nous avons volé à des vitesses qui conviennent le mieux pour économiser le carburant, mais pas la meilleure vitesse pour voler en territoire ennemi », a déclaré Yadlin.
Ivry a dit qu’ils étaient tellement inquiets de ne pas avoir assez de fuel qu’ils ont fait quelque chose qui était « normalement interdit ». Une fois que les avions étaient sur la piste de décollage prêts pour partir, ils ont fait venir un camion citerne pour remplir leur réservoir au maximum.
Pour optimiser leur chance de réussite, Ivry a envoyé huit avions au lieu des quatre prévus à l’origine. Sept pilotes étaient expérimentés et le huitième a été inclus dans le groupe pour son rôle dans la préparation des cartes et pour étudier si les avions, dont disposait l’armée de l’air israélienne à l’époque, pouvaient faire l’aller-retour.
Le huitième pilote était Ilan Ramon, qui est ensuite devenu le premier astronaute d’Israël et qui a disparu dans la catastrophe de la navette Colombia en 2003.

Raz a dit que Ramon avait joué un rôle si important dans l’organisation du raid et dans le calcul sur l’utilisation du carburant, qu’il se serait senti mal de ne pas l’inclure, même s’il y avait des pilotes plus expérimentés qui voulaient participer à l’attaque, et « même s’il n’avait jamais lancé une bombe en territoire ennemi auparavant ».
Au rassemblement pour commémorer l’événement, les pilotes ont rejoué leur attaque sur des simulateurs de vol, ils ont rencontré des pilotes actuels de l’armée de l’Air, et ont partagé leur expérience avec plusieurs jeunes qui ont participé à l’événement dans le cadre de la fondation Ramon qui a été établie en sa mémoire.
« C’était une opération tellement complexe [en terme de faisabilité] que je je ne pense qu’aucune autre armée de l’Air l’aurait menée », a déclaré Ivry.
Pourtant, les pilotes ont déclaré qu’ils pensaient que le véritable héros était le Premier ministre Menachem Begin, qui a ordonné l’attaque.
« Le véritable héros de cette opération n’était pas les pilotes, mais ceux qui ont pris la décision, c’était une décision très difficile, a déclaré Yadlin. Tout le Moyen-Orient était contre l’opération et les conséquences diplomatiques auraient pu être énormes ».
Le bombardement du réacteur a été condamné par le communauté internationale. La France, en particulier, était furieuse car elle avait investi de très grandes sommes d’argent dans sa construction.
Yadlin a salué « la décision de Begin, et la doctrine qui a été créée avec cette opération et qui a ensuite été baptisée en son honneur : si un dirigeant arabe appelle à la destruction d’Israël, Israël ne lui permettra pas d’obtenir des armes nucléaires ».

Israël a encore appliqué la doctrine Begin le 6 septembre 2007, dans une mission connue comme l’Opération Verger quand des avions israéliens ont détruit un réacteur nucléaire en Syrie. Israël a aussi prévenu qu’il pourrait attaquer l’Iran pour empêcher le pays d’obtenir des armes nucléaires.
« Cette doctrine a été fondée dans cette opération [Osirak], et elle est toujours d’actualité », a déclaré Yadlin.