Quand Netanyahu et Abbas s’accordent sur le Hamas
Le Premier ministre israélien déclare que tout gouvernement d'unité devra reconnaître Israël, désarmer le Hamas et rompre les liens avec l'Iran - et le chef de l'AP épouse largement ce point de vue
Dov Lieber est le correspondant aux Affaires arabes du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est exprimé mardi avec force contre les négociations portant sur l’unité palestinienne entre les factions rivales du Hamas et du Fatah.
Alors que le cabinet de l’Autorité palestinienne avait organisé une réunion à Gaza, la toute première depuis 2014, il a saisi l’opportunité pour dissiper tout doute sur la position adoptée par Israël face à ces développements.
« Nous attendons de tous ceux qui parlent d’un processus de paix qu’ils reconnaissent Israël et que, bien sûr, ils reconnaissent un Etat juif et nous n’accepterons pas les fausses réconciliations, celles où les parties rivales palestiniennes accepteraient de s’entendre à nouveau mais au détriment de notre existence même », a-t-il indiqué alors qu’il prenait la parole à Maale Adumim.
« Nous avons une attitude très claire envers ceux qui veulent mettre en place une telle réconciliation : Reconnaissez l’Etat d’Israël, démantelez l’aile militaire du Hamas, rompez les liens avec l’Iran qui réclame notre destruction et ainsi de suite », a ajouté le Premier ministre.

Netanyahu n’avait pas à ce moment-là connaissance – ou peut-être plus probablement ignorait-il volontairement – les propos tenus par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dans des interviews accordées à la presse égyptienne dans la soirée de lundi. Il aurait le cas échéant noté que les exigences qui détermineraient l’éventuelle formation d’un gouvernement d’unité de la part d’Abbas sont étroitement alignées avec celles d’Israël.
Jetons un coup d’oeil à cette liste d’exigence.
Abbas a demandé que l’AP ait le contrôle des frontières, des ministères et de la sécurité à Gaza et il a expliqué qu’il ne permettrait pas au Hamas de conserver son aile militaire. « Je n’accepterai pas la reproduction de l’expérience du Hezbollah au Liban », a-t-il affirmé.
Voilà le regard du président de l’AP sur le démantèlement de l’aile militaire du Hamas.
Abbas a également réclamé que le Hamas se soumette au contrôle de l’Organisation de libération de la Palestine – la plus grande organisation-cadre palestinienne. L’OLP a reconnu l’Etat d’Israël depuis la fin des années 1980, largement grâce à Abbas.
« La reconnaissance de l’Etat d’Israël » est donc une demande partagée entre les deux hommes.
C’est vrai que tandis que Netanyahu n’a évoqué dans sa demande que la reconnaissance par le gouvernement palestinien de l’état d’Israël, un moment auparavant, le Premier ministre avait spécifiquement mentionné la reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat juif. Abbas et son gouvernement ont juré de ne jamais reconnaître Israël en tant qu’Etat juif, et pourtant, le gouvernement de Netanyahu a continué à coexister aux côtés de l’AP et s’est assis à deux reprises à la table des négociations pour des pourparlers de paix.
Abbas a expliqué qu’absolument aucun pays ne serait autorisé à intervenir dans les affaires internes palestiniennes –
à l’exception de l’Egypte, qui facilite actuellement les discussions sur l’unification.
Si les pourparlers devaient connaître une issue heureuse et que l’AP reprenne le contrôle de Gaza – même si ce développement reste improbable – politiquement parlant, l’influence de l’Iran dans les affaires palestiniennes serait considérablement réduite dans la mesure où la puissante Egypte sunnite, alignée sur l’ennemi de toujours de l’Iran, l’Arabie saoudite, fait aujourd’hui office d’arbitre éminent, voire de décideur, dans les négociations qui ont repris.
De plus, l’Iran est le plus important soutien militaire du Hamas actuellement, selon le groupe terroriste. Et pourtant, ce sont les Etats-Unis qui financent et forment majoritairement les forces de l’AP. Il est difficile d’imaginer une situation où l’AP abandonnerait le soutien militaire apporté par les Etats-Unis en faveur des armes de l’Iran si elle devait faire face à un ultimatum de la part de Washington.
En conséquence, si un gouvernement d’unité de l’AP devait être formé et que l’aile militaire du Hamas devait être démantelée – un scénario toutefois improbable – les relations et l’influence iraniennes sur le groupe islamiste et les Palestiniens plus généralement seraient considérablement revues à la baisse.
Voilà la position d’Abbas sur « la rupture des liens avec l’Iran », avec cet avertissement préalable qu’une relation plus symbolique puisse perdurer dans le temps.
Les craintes que le Hamas gagne une légitimité nationale
Alors que les Palestiniens lancent les négociations de réconciliation, Israël craint que le Hamas, l’organisation terroriste déterminée à détruire l’Etat Juif, utilise cette nouvelle unification pour gagner une légitimité internationale en tant que partie relevant dorénavant de l’Autorité palestinienne – une partie qui garderait néanmoins toujours pour objectif de détruire Israël et chercherait à conserver ses forces armées et son arsenal militaire dans ce but.

Un haut-responsable israélien a indiqué mardi au Times of Israel que « le Hamas est en train de tenter de gagner une légitimité sans accepter le droit à l’existence d’Israël, sans désarmement et sans accepter les principes du Quartet. Le Hamas reste une organisation impitoyable qui tue en masse et qui recherche la destruction d’Israël ».
Et pourtant, Abbas a fait savoir qu’il avait l’intention de gouverner « Gaza de la même façon que la Cisjordanie ». Israël semble s’être résigné à la situation en Cisjordanie, région dans laquelle les forces de sécurité palestiniennes et l’armée travaillent ensemble à éradiquer le terrorisme.
De plus, le « quartet sur le Moyen-Orient » – Etats-Unis, Russie, Union européenne et Etats-Unis – a fait savoir qu’il ne reconnaîtrait aucune légitimité au Hamas avant que l’organisation ne renonce au terrorisme et qu’elle accepte les accords passées qui ont été signés entre Israël et l’OLP.
Dans un communiqué séparé, lundi, Jason Greenblatt, l’envoyé du président Donald Trump au Moyen-Orient, s’est fait l’écho de ce sentiment en disant que tandis que Washington se réjouissait de l’effort visant à la reprise de contrôle de Gaza par l’AP, tout gouvernement d’unité résultant des négociations entre les factions palestiniennes « doivent sans ambiguïté et explicitement s’engager à la non- violence, à la reconnaissance de l’Etat d’Israël, à l’acceptation des accords et des obligations signés dans le passé et à des négociations pacifiques ».
Abbas et la communauté internationale semblent alors être sur la même longueur d’onde : Pas de légitimité pour le Hamas si ce dernier n’abandonne pas son arsenal militaire et qu’il ne reconnaît pas Israël.
Actuellement, les discussions sur l’unité semblent se trouver dans une impasse fatale. Le Hamas a fait savoir qu’il n’abandonnerait pas les armes et Abbas a annoncé qu’il ne renoncerait pas aux coupes faites dans le budget de Gaza, qui avaient entraîné une aggravation des crises de l’électricité et de l’eau dans la bande, avant que l’AP n’ait repris le contrôle de Gaza.

Ces coupes budgétaires, en plus de l’isolement international et des pressions mises par l’Egypte, sont à l’origine du démantèlement par le Hamas de son propre gouvernement fantôme et du lancement conséquent du processus de réconciliation.
Le leader du Hamas Ismail Haniyeh a déclaré mardi que son groupe est « prêt à payer n’importe quel prix pour la réussite de la réconciliation nationale palestinienne ». Sauf, précisons-le, à répondre à ces demandes essentielles –
parmi lesquelles le désarmement.
Pour sa part, l’establishment sécuritaire israélien a déclaré de manière répétée que Gaza est une poudrière et qu’un quatrième round de conflit avec le Hamas pouvait éclater à n’importe quel moment.
Plutôt qu’une réconciliation qui survienne « au détriment » de l’existence d’Israël, il pourrait y avoir une chance d’éviter un nouveau conflit. Mais cela nécessiterait qu’Abbas obtienne ce qu’il a demandé – ce qu’a également demandé Netanyahu. Et cette perspective, malgré une réconciliation en grande pompe qui envahit les gros titres, reste en effet encore éloignée.
Raphael Ahren a contribué à cet article.