Israël en guerre - Jour 341

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Analyse

Qui a besoin de l’accord du siècle en ce moment ? Seulement deux personnes

La Cisjordanie est anormalement calme ces temps-ci. Le plan de paix américain, favorable à Israël et en profond désaccord avec les positions palestiniennes pourrait changer cela

Avi Issacharoff

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Le président américain Donald Trump, (à gauche), accueille le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche, à Washington, le 25 mars 2019. (Crédit : Manuel Balce Ceneta/AP)
Le président américain Donald Trump, (à gauche), accueille le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche, à Washington, le 25 mars 2019. (Crédit : Manuel Balce Ceneta/AP)

La présentation de l’“accord du siècle” de l’administration Trump, prévue pour la semaine prochaine, intervient au cours de l’une des périodes les plus étranges que la Cisjordanie/Judée-Samarie ait connues depuis des décennies.

La Cisjordanie est demeurée relativement calme – tout est toujours relatif – tant du côté palestinien que du côté israélien, avec un niveau de friction et de violence assez bas.

Cela soulève la question : Qui bénéficiera de la publication du plan de paix de l’administration en ce moment précis ?

La réponse est un cliché et elle est claire. Seules deux personnes ont réellement besoin de ce plan, à l’heure actuelle : Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président américain Donald Trump.

Quant aux Palestiniens et aux résidents israéliens de Judée-Samarie, il est douteux que le plan améliore la situation sur le terrain. Bien au contraire.

Examinons d’abord le côté juif. Bientôt, peut-être même cette année, le nombre d’habitants juifs en Judée-Samarie (à l’exclusion de Jérusalem-Est) atteindra 500 000. Il n’y a pas si longtemps, l’idée d’un demi-million de résidents aurait semblé être une chimère. Aujourd’hui, même la vision d’un million de résidents semble réalisable. Les implantations, petites et grandes, y compris les grandes villes, se développent. Le sentiment de sécurité des habitants s’améliore, même s’il y a toujours le danger d’attaques et de tentatives d’attaques.

Qu’en est-il du côté palestinien ? Ici, il y a un mélange d’apathie publique et de stabilité économique relative – ce que les Palestiniens en sont venus à considérer comme une « occupation normalisée ».

Il n’y a, par exemple, aucun barrage routier dans les zones de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie. Un habitant de Jénine qui se rend à Hébron ne sera pas arrêté à un barrage routier en cours de route – ce qui, jusqu’à récemment, aurait semblé être un lointain fantasme. 95 % des jeunes Palestiniens ont un smartphone. Les épiceries sont pleines de produits. De nouveaux hôtels et restaurants ouvrent leurs portes. L’immobilier est en hausse depuis des années.

Travaux de construction dans le quartier de Dagan dans l’implantation d’Efrat, en Judée-Samarie, le 22 juillet 2019. (Gershon Elinson/Flash90)

Le taux de chômage en Cisjordanie est d’environ 18 %, mais ce chiffre ne tient pas compte des Palestiniens qui entrent chaque jour en Israël pour travailler illégalement.

Quelque 70 000 à 80 000 travailleurs entrent légalement en Israël, et 30 000 autres travaillent dans les implantations. Mais 30 000 à 40 000 autres entrent en Israël illégalement. Presque personne ne les arrête et ils passent généralement sans problème de la Cisjordanie en Israël via d’innombrables brèches dans la barrière de sécurité. Dans le passé, Israël a essayé d’arrêter ce phénomène. Mais ces efforts se sont en grande partie arrêtés au cours des derniers mois. Le dispositif de sécurité facilite essentiellement l’entrée des clandestins.

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, (au centre), préside une session de la réunion hebdomadaire du cabinet, dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, le 29 avril 2019. (AP Photo/Majdi Mohammed, Pool)

C’est une question de priorités et d’aspects pratiques : Au total, 130 000 à 150 000 ouvriers palestiniens du bâtiment qui gagneraient 100 shekels (25 euros) par jour dans les zones de l’Autorité palestinienne gagnent jusqu’à 400 shekels (100 euros) par jour auprès de leurs employeurs israéliens. Et bien sûr, la motivation de ces travailleurs et de leurs familles à mettre en péril cette situation en menant ou en essayant de mener des attaques est relativement faible.

Il convient également de noter le rôle de l’Autorité palestinienne (AP) dans le maintien du calme relatif. Le président de l’AP, Mahmoud Abbas, qui approche de son 85e anniversaire, a été élu président il y a 15 ans. Depuis lors, l’AP, avec ses dizaines de milliers d’employés, a veillé à une stabilité impressionnante (relativement parlant, bien sûr). La coordination de la sécurité entre Israël et l’Autorité palestinienne se poursuit comme d’habitude, et les services de sécurité d’Abbas arrêtent chaque semaine des agents du Hamas, du Jihad islamique et même du Fatah qui prévoient de perturber ce calme.

Tout cela a créé un climat économique raisonnable, certainement bien meilleur que celui qui prévaut à Gaza ou dans les États arabes voisins. Il n’y a pas de comparaison entre la croissance économique en Cisjordanie et la croissance économique en Israël, mais là encore, du point de vue de nombreux habitants de Cisjordanie, c’est l’occupation qui est devenue une occupation de luxe.

Néanmoins, cette réalité est fragile. Un facteur qui pourrait la changer concerne Abbas lui-même. Que se passera-t-il lors de « l’après-Abbas » ? C’est très difficile à prévoir, mais il y a certainement une possibilité d’une sorte de soulèvement populaire, à la manière du printemps arabe, contre l’Autorité palestinienne ; l’AP n’est pas populaire parmi les Palestiniens de Cisjordanie.

Et puis, bien sûr, il y a toujours le danger d’une sorte de développement dramatique et inattendu dans le domaine diplomatique ou sécuritaire qui pourrait déstabiliser radicalement la situation et déclencher une violence boule de neige : une attaque terroriste palestinienne majeure. Terrorisme juif. Une annonce israélienne d’annexion de territoire. L’annonce par l’Autorité palestinienne qu’elle cesse de fonctionner… Ou encore l’annonce par ce qui est considéré comme une administration américaine hostile d’un « plan de paix ».

L’annonce prévue dans quelques jours d’un plan qui devrait être particulièrement favorable à Israël, et profondément en contradiction avec la position palestinienne, pourrait produire une réaction extrême du côté palestinien – renversant les tendances qui prévalent du côté palestinien et du côté israélien.

On peut se demander si cela a été pris en compte par l’administration. Et si oui, si ces préoccupations ont été marginalisées par rapport à la volonté de renforcer l’allié de Trump, Netanyahu, dans les six semaines précédant les prochaines élections en Israël. Et en effet, pour renforcer Trump avec sa base, aussi.

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