Qu’il envahisse Gaza ou qu’il démolisse des maisons, Israël restera critiqué
Jérusalem n’est pas prête à un conflit de grande envergure contre Gaza, mais même une intervention réduite sera limitée par un arsenal juridique
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a promis mardi soir de
« frapper vigoureusement des membres et des infrastructures du Hamas » en Cisjordanie et de continuer d’agir contre l’organisation terroriste dans la bande de Gaza – et, si nécessaire, même « d’étendre la campagne » dans l’enclave palestinienne.
Pourtant, tout indique qu’Israël ne se lancera probablement pas dans une vaste opération militaire pour venger les trois adolescents assassinés.
Les ministres ou les députés à travers tout le spectre politique du pays s’accordent à dire qu’Israël ne peut pas rester les bras croisés après ce triple meurtre.
Certains ministres ont appelé à ce qu’Israël rentre à Gaza et renverse le Hamas, mais le ministre de la Défense Moshe Yaalon a déclaré mardi que le cabinet prendra des décisions « au niveau du cerveau et non au niveau des tripes », faisant allusion à une réaction beaucoup plus réservée.
Netanyahu, aussi, donne l’impression de chercher à éviter une opération majeure qui pourrait dégénérer en une guerre à grande échelle. S’exprimant avant une réunion de son cabinet de sécurité, il a présenté trois objectifs pour les prochains jours : « D’abord, atteindre les assassins et tous ceux qui ont participé à l’enlèvement ».
Le Premier ministre a promis de punir les personnes impliquées dans l’enlèvement – en d’autres termes, un petit groupe basé à Hébron qui a planifié et exécuté l’enlèvement, plutôt que l’ensemble de l’organisation.
L’armée israélienne continuera également de frapper des cibles terroristes du Hamas à Gaza, a promis Netanyahu, et de mener des mesures de rétorsion et de dissuasion contre les attaques de roquettes sur le sud d’Israël.
En outre, « nous devons vigoureusement frapper les membres du Hamas et ses infrastructures en Judée-Samarie », a déclaré Netanyahu. « Nous avons déjà arrêté des centaines de militants du Hamas. Nous avons fermé des dizaines d’institutions. Nous avons détruit des habitations. Nous sommes encore très actifs ».
En d’autres termes, plutôt que d’envahir la bande de Gaza ou de reprendre les éliminations ciblées de dirigeants du Hamas – étapes qui provoqueraient certainement une riposte par une pluie incessante de tirs de roquettes sur le sud et le centre d’Israël – l’Etat hébreu se contentera probablement de mesures moins sévères.
Israël pourrait, par exemple, continuer l’arrestation des membres du Hamas en Cisjordanie et revenir à ses politiques d’expulsion des terroristes à Gaza ou de démolition de leurs maisons, étapes qui, tout en punissant le Hamas, ne provoqueront probablement pas de réaction massive.
Mais Jérusalem ne peut pas s’auréoler de faire preuve de retenue malgré tout, et les démolitions de maisons et les expulsions sont considérées comme illégales en vertu du droit international.
La Quatrième Convention de Genève, article 53, interdit «toute destruction par la puissance occupante de biens réels ou personnels appartenant individuellement ou collectivement à des personnes
privées ».
Les critiques de démolitions de maisons affirment qu’elles constituent une punition livrée sans procès, que cela revient à une punition collective – ce qui en soi est illégal en vertu du droit international – et que des recherches ont montré que, de toute façon, elles ne sont pas efficaces pour dissuader les terroristes de mener leurs plans.
« Il y a plusieurs années, Israël a utilisé largement les démolitions de maisons, mais avec le temps nous sommes allés remplir les maisons de briques et de mortier au lieu de les démolir », a déclaré Joel Singer, qui fut chef du département de droit international au sein de l’armée israélienne et plus tard conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères.
Remplir la maison du terroriste et donc la rendre inutile a été choisi comme une punition pour deux raisons, explique Singer : c’est quelque chose de réversible et, puisque ce n’est pas une destruction complète, on n’a pas vraiment violé l’interdiction de démolitions de maisons.
De toute façon, la Haute Cour de justice israélienne a dans le passé rejeté la demande selon laquelle les démolitions sont illégales, arguant du fait qu’elles ne sont pas destinées à punir les habitants de l’immeuble, mais plutôt comme une mesure de dissuasion.
Mardi, le tribunal a rejeté un appel interjeté par une ONG et a permis à l’armée israélienne de démolir la maison de Ziad Awad, qui a été inculpé pour le meurtre du policier Baruch Mizrahi le 14 avril. Lundi soir, l’armée a fait sauter une partie de la maison de Marouane Kawasmeh, l’un des deux terroristes du Hamas soupçonné d’avoir enlevé et abattu les adolescents israéliens.
L’expulsion des membres du Hamas de Cisjordanie à Gaza est interdite par la quatrième Convention de Genève, article 49, qui stipule que « les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif ».
Avant la première Intifada, la Haute Cour a permis au gouvernement d’expulser des terroristes de la Cisjordanie vers la bande de Gaza, arguant qu’une telle mesure était nécessaire pour des raisons de sécurité. En outre, le tribunal a considéré que la Cisjordanie et Gaza faisaient partie de la même entité territoriale, et donc l’expulsion a été requalifiée en tant que « résidence forcée ».
Mais Israël a mis fin à cette politique controversée, sans même la reprendre pendant les jours sanglants de la deuxième Intifada. Si Israël devait reprendre cette politique maintenant, il aurait du mal à défendre sa légalité, affirme Eyal Gross, un expert en droit international à l’Université de Tel-Aviv.
« La Convention de Genève est catégorique sur l’interdiction des expulsions », affirme-t-il. Il y a vingt ans, Israël a abandonné cette politique principalement en raison de l’importance croissante accordée au droit international, comme en témoigne la création de la Cour pénale internationale et la menace croissante de poursuites judiciaires pour un responsable israélien voyageant à l’étranger, a-t-il expliqué.
« Ce n’est pas un hasard si Israël n’a pas utilisé les déportations pendant la seconde Intifada ».
Menachem Hofnung, de l’Université hébraïque de Jérusalem, qui est en quête du bon équilibre entre les besoins de sécurité et la primauté du droit, a déclaré que la probabilité demeure très faible qu’Israël expulse les terroristes responsables de l’assassinat des adolescents à Gaza.
« D’abord, nous devons les trouver. Et je suppose qu’une fois que vous les avez trouvés vous ne voulez pas les expulser, mais les faire passer en justice. Une fois qu’ils sont jugés, ils doivent purger une peine ici en Israël ».
Certains politiciens israéliens de droite, notamment le ministre de l’Economie Naftali Bennett, ont appelé à la réintroduction de la peine de mort pour les terroristes. Cette étape est extrêmement improbable. Mais elle ne violerait pas le droit international – tant que la personne est reconnue coupable dans un procès équitable.
« Finalement, quoi que vous fassiez, vous devez équilibrer la légalité et l’efficacité de la mesure », professe Singer, qui a conseillé l’armée et le ministère des Affaires étrangères. « Si c’est à la fois juridique et efficace – parfait. Mais parfois il y a des mesures qui sont efficaces mais pas juridiques. Alors, vous devez trouver des moyens d’atténuer vos actions d’une manière qui vous permette d’avoir le meilleur équilibre possible ».