Réaction des élus israéliens au financement américain lors des élections de 2015
Une enquête bipartisane a conclu que l’attribution de ressources à V15 n’était pas illégale, mais réprimande le département d’Etat pour avoir cherché à influer sur la politique intérieure d’un allié
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le gouvernement des Etats-Unis a soutenu une association qui a essayait de déloger le Premier ministre Benjamin Netanyahu l’année dernière à hauteur de presque 350 000 dollars, soit 1, 3 million de shekels, a conclu une enquête du Sénat américain publiée mardi.
L’enquête a écarté toute malversation du département d’Etat.
L’enquête bipartisane n’a trouvé aucune activité illégale au financement du groupe OneVoice, qui est devenu la campagne V15 pour évincer Netanyahu, bien que son rapport ait réprimandé le département d’Etat pour ne pas avoir empêché que des fonds publics soient utilisés, même légalement et indirectement, pour influencer un processus politique interne d’un pays allié.
Zeev Elkin, ministre Likud des Affaires de Jérusalem, a critiqué « l’intervention impitoyable dans le processus démocratique israélien, qui ne fait que prouver la nécessité de la loi de transparence pour les organisations politiques financées par des gouvernements étrangers. »
Il a ajouté que « le peuple d’Israël a élu un gouvernement pour être attentif aux intérêts nationaux et sécuritaires des citoyens de l’Etat d’Israël, et pas pour mener les projets dangereux que des états étrangers essaient de nous créer. »
Les conclusions de l’enquête « prouvent définitivement qu’il y a eu une intervention claire et brute du département d’Etat dans les affaires internes d’Israël », a déclaré le député du Likud Yoav Kisch dans un communiqué. « C’est scandaleux, une tentative impitoyable de remplacer le gouvernement d’Israël via des financements du gouvernement américain. »
Il a promis de promouvoir son propre « projet de loi V15 », qui restreindra l’utilisation de financements étrangers dans les campagnes électorales israéliennes.
Selon le rapport, écrit par la sous-commission permanente sur les enquêtes de la commission de la sécurité intérieure et des affaires gouvernementales du Sénat, le département d’Etat a donné des financements totalisant 349 276 aux branches israélienne et palestinienne de OneVoice « pour soutenir les négociations de paix » sur une période de 14 mois qui s’est achevée en novembre 2014.
Après cette période, l’infrastructure organisationnelle créée avec ces financements a été utilisée par V15, une organisation qui a activement appelé Israël à voter pour « n’importe qui sauf Bibi [Netanyahu] » pendant les élections générales de l’année dernière.
Nimrod Dweck, l’un des fondateurs de V15, a déclaré que le rapport « montre clairement qu’aucun des financements [du département d’Etat] n’a été utilisé pour la campagne du mouvement. La campagne a été financée par des individus israéliens et des juifs en Israël et à l’étranger. »
La députée Tzipi Livni, numéro deux de l’Union sioniste, le principal parti d’opposition, était laconique en s’exprimant mercredi à ce sujet.
« Que les Américains vérifient où va leur argent est légitime, et si de l’argent a été utilisé pour autre chose que ce qui était prévu, cela doit être vérifié », a-t-elle déclaré à la radio publique israélienne.
Elle a souligné que « l’Union sioniste n’avait aucun connexion d’aucune sorte aux associations qui ont fait campagne pendant les élections. Cela aurait été illégal » selon la loi israélienne de financement des campagnes.
Netanyahu avait appelé la Knesset à voter pour se dissoudre le 2 décembre 2014, ce qui avait entraîné de nouvelles élections en mars 2015. V15 a placé des efforts considérables pour essayer de convaincre les électeurs israéliens que Netanyahu devait être remplacé par un candidat du centre gauche. Le Likud, le parti de Netanyahu, et d’autres groupes de droite avaient raillé à ce moment le groupe pour son utilisation de « financements étrangers » pour essayer de le destituer.
OneVoice, l’organisation parente de V15, n’a pas violé les termes de son financement du département d’Etat, a conclu l’enquête du Sénat. Mais l’infrastructure et les ressources de la campagne qu’elle a mise en place en partie avec les fonds du département d’Etat ont ensuite été utilisées pour soutenir la campagne anti-Netanyahu de V15, a déterminé l’enquête.
« Au service de V15, OneVoice a déployé sa plateforme de réseaux sociaux, qui a plus que doublé pendant la période de financement par le département d’Etat ; utilisé sa base de données d’informations sur les électeurs, notamment leurs adresses email… et enrôlé son réseau de militants formés, dont beaucoup ont été recrutés et formés au moment du financement, pour soutenir et recruter pour V15 », a établi l’enquête.
‘L’argent des contribuables américains a été utilisé pour construire une infrastructure de campagne qui a ensuite été déployée contre le dirigeant de notre plus proche allié au Moyen Orient’
Ce « pivot de la politique électorale » faisait partie de la stratégie que OneVoice avait adressé en avance au département d’Etat, bien que le diplomate américain qui a reçu le plan a dit ne jamais l’avoir examiné.
John Kirby, porte-parole du département d’Etat, a déclaré mardi soir qu’il n’avait pas eu le temps d’étudier attentivement le rapport.
« Le rapport précise qu’il n’y a pas de preuve que OneVoice ait dépensé un financement quelconque pour influencer l’élection israélienne », a-t-il ajouté.
Le document, écrit par les sénateurs Rob Portman (républicain, Ohio) et Claire McCaskill (démocrate, Missouri) a conclu que les actions de OneVoice n’étaient pas illégales et n’avaient pas violé l’accord de financement signé avec le département d’Etat, puisque ce dernier n’avait placé aucune limite sur l’utilisation après le terme du financement des ressources acquises pendant cette période.
Cependant, le département d’Etat aurait dû être alerté par l’activisme politique de OneVoice pendant les précédentes élections israéliennes, en 2013, a affirmé le rapport.
McCaskill a souligné qu’ « aucune malversation » n’avait pu être trouvée par l’administration. Elle a cependant déclaré à Politico que l’enquête « met évidemment en lumière les déficiences des politiques du département qui devrait être traitées pour protéger au mieux l’argent des contribuables. »
Portman, co-auteur républicain du rapport, a été plus sévère dans son jugement.
« Le département d’Etat a ignoré les signes d’alerte et a financé un groupe politiquement actif dans un environnement politique sensible sans barrière adéquate », a-t-il déclaré selon Politico.
« Il est tout à fait inacceptable que l’argent des contribuables américains ait été utilisé pour construire une infrastructure de campagne qui a été déployée, immédiatement après la fin du financement, contre le dirigeant de notre plus proche allié au Moyen Orient. »
Dans un communiqué, OneVoice a souligné que le rapport n’avait trouvé aucune malversation du groupe et a déclaré qu’il avait été « franc » en rapportant son travail au département d’Etat.
« OneVoice continuera son important travail de promotion de la paix et de la réconciliation entre Israéliens et Palestiniens », a déclaré le communiqué.
Et pourtant, le rapport conclut que les diplomates américaines « n’ont pris aucune mesure pour se protéger du risque que OneVoice puisse s’engager dans des activités politiques en utilisant une campagne populaire financée par le [département d’]Etat après la période du financement. »
« La conduite de OneVoice Israël a pleinement respecté les termes de son accord avec le département d’Etat et les directives gouvernant les financements, est-il écrit dans le rapport de 30 pages. L’expérience du financement de OneVoice révèle cependant la simplicité avec laquelle les organisations récipiendaires peuvent réutiliser certaines ressources de la diplomatie publique pour des activités politiques. »
Le département d’Etat peut être accusé de ne pas avoir anticipé et ne pas s’être protégé contre une telle occurrence, a établi l’enquête. OneVoice était clair sur ses précédentes activités politiques et sur son intention d’utiliser l’argent donné par le gouvernement pour construire une infrastructure qui pourrait être utilisée pour des activités politiques partisanes, même après la fin de la période de financement, a-t-il ajouté.
« Malgré le fait qu’influencer une élection étrangère est une ‘ligne rouge’ pour les récipiendaires, toutes ses activités étaient permises dans les directives du département et les termes du financement », a conclu le rapport.
La campagne V15, qui a au final échoué, a été touchée par des accusations, pendant la campagne électorale, d’être liée au président Barack Obama et d’être un effort masqué de l’administration pour évincer Netanyahu.
Certaines de ces accusations ont tourné autour de Jeremy Bird, ancien directeur de terrain national de la campagne Obama qui a travaillé sur la campagne OneVoice – V15.
Quelques jours après l’élection de mars 2015, un responsable israélien avait accusé la Maison Blanche d’être directement impliqué dans une tentative pour écarter Netanyahu.
Le responsable, qui avait parlé à l’époque sous condition d’anonymat au Times of Israël avait déclaré que « ce n’est pas un secret » que l’administration Obama avait tenté d’influencer le résultat de l’élection, et avait été en partie motivée par un désir de revanche après le discours polarisant de Netanyahu au Congrès en mars 2015, qui cherchait à ébranler une initiative de politique extérieure majeure du président, l’accord nucléaire avec l’Iran.
« La Maison Blanche est menée par trois motifs principaux, avait déclaré le responsable. Le premier est la revanche [après le discours au Congrès]. Le deuxième est la frustration : ce n’est pas un secret qu’ils étaient impliqués dans une tentative pour abattre le gouvernement Netanyahu, quelque chose dont nous sommes informés, et ont échoué. Le troisième [motif] est la tentative de l’administration de détourner l’attention des négociations avec l’Iran vers le problème palestinien. »
Rebecca Shimoni Stoil, Avi Issacharoff et l’équipe du Times of Israël ont contribué à cet article.