Réaménager l’ancien QG de Hitler revient-il à créer un « Disneyland » néo-nazi ?
Pour un historien, le plan polonais de reconstitution historique du site où les décisions de la Shoah avaient été prises est "dément et scandaleux"
Les responsables polonais sont en train de restaurer la Wolfsschanze, la Tanière du loup en français, ancien quartier-général d’Adolf Hitler de 1941 à 1944 et site d’une tentative d’assassinat à l’encontre du leader nazi. Cette initiative de réaménagement pourrait, selon les critiques, transformer le site en un Disneyland morbide pour les pèlerins néo-nazis.
Le porte-parole du district de la forêt de Srokowo, Sebastian Trapik, a dit à la BBC que « tous les efforts possibles » seraient livrés pour conserver « le sérieux et le respect nécessaires à la vérité historique » dans le cadre de cette tentative destinée à attirer plus de touristes au sein du complexe.
Presque 300 000 visiteurs se rendent à la Tanière du loup chaque année, avec une majorité de Polonais et d’Allemands.
Des rénovations et de nouvelles expositions sont programmées ainsi que des structures d’accueil améliorées, avec notamment un hôtel et un restaurant.
Trapik a dit que des plans de réaménagements historiques auraient lieu sur le site dès cet été.
L’historien polonais spécialiste de la Seconde Guerre mondiale Pawel Machcewicz a indiqué à la BBC que la présence d’acteurs en uniforme nazi sur le site serait « démente et scandaleuse », ajoutant que « les cicatrices laissées par la guerre doivent être préservées et présentées comme une leçon, une mise en garde… Les expositions doivent expliquer l’histoire, contextualiser les lieux mais ne pas totalement les éclipser ».
Machcewicz a noté que les nazis avaient pris les décisions qui avaient concerné la Shoah à la Tanière du loup et il a mis en garde contre la création d’un « Disneyland morbide qui pourrait promouvoir une sorte de fascination envers l’Allemagne nazie et Hitler ».
La Tanière du loup était la plus importante des dix bases de commandement utilisées par Hitler dans toute l’Allemagne et dans l’Europe occupée.
C’est là-bas que Claus von Stauffenberg et autres conspirateurs de haut-rang au sein du régime nazi avaient tenté d’assassiner Hitler à l’aide d’une mallette piégée, le 20 juillet 1944.
Le complot visait à prendre le contrôle du régime et à faire la paix avec les alliés occidentaux, afin de mettre un terme à la Seconde Guerre mondiale. Mais Hitler avait survécu à l’explosion et Stauffenberg et d’autres personnalités clés du régime, impliquées dans l’opération Valkyrie, avaient été exécutés la nuit même.
La bombe avait tué trois officiers et le sténographe, mais Hitler n’avait été que légèrement blessé.
Trapik a indiqué que le réaménagement du site comprendra une reconstitution de la scène de l’attentat manqué, avec des « personnalités symboliques grandeur nature qui dépeigneront ceux qui étaient présents à ce moment-là ».
L’Allemagne a rendu hommage, le mois dernier, à von Stauffenberg et aux autres personnalités qui avaient tenté d’assassiner Hitler il y a 75 ans.
Lors d’une cérémonie à Berlin durant laquelle de nouveaux soldats allemands avaient prêté serment, la chancelière Angela Merkel avait souligné l’importance du souvenir de l’anniversaire de cette tentative d’assassinat à l’heure où les forces d’extrême-droite et leurs agendas nationalistes retrouvent de la vigueur.
Il est important de « conserver vivante la mémoire des conspirateurs » ainsi que celle de tous les Allemands qui avaient résisté aux nazis parce que leurs actes peuvent être considérés comme un « avertissement » pour la société d’aujourd’hui, avait-elle ajouté.
« Ils nous rappellent d’être vigilants. Ils nous rappellent que nous devons résolument combattre l’extrémisme de droite, l’antisémitisme et le racisme sous leurs différentes formes », avait poursuivi Merkel.
« Il y a des moments où la désobéissance peut être un devoir », avait-elle conclu.