Un vétéran de Tsahal blessé invente une source d’énergie pérenne pour les robots
Fondateur de la startup CaPow, Mor Peretz a trouvé le moyen de "recharger" les robots lors de leurs déplacements dans les entrepôts et usines, sans besoin d'arrêt pour se recharger

L’histoire de la start-up CaPow, spécialiste des questions de mobilité, n’a pas commencé au sein d’une unité de renseignement de l’armée ou dans un garage, comme nombre d’entreprises israéliennes, mais dans un laboratoire universitaire de Beer Sheva, dans le sud d’Israël.
Pendant plus d’une dizaine d’années, Mor Peretz, professeur d’électronique à l’université Ben Gurion du Neguev, et deux de ses doctorants, ont tenté de mettre au point une technologie de charge sans fil capable d’alimenter des robots autonomes lors de leurs déplacements.
« Je ne suis pas le professeur-type – que ce soit dans mon apparence ou dans mon champ de compétence, à la fois très expérimental et appliqué à la nature », explique au Times of Israel un Peretz revêtu de son sempiternel T-shirt.
« Une grande partie de ma carrière s’est passée en lien très étroit avec l’industrie. »
L’université n’a pas été la vocation première de Peretz, aujourd’hui âgé de 45 ans et père de deux garçons, mais un accident lors de son service militaire l’a laissé handicapé à vie, privé de l’usage d’une jambe. Lors de sa longue rééducation, on l’encourage à s’inscrire à l’école d’ingénierie Sami Shamoon de Beer Sheva.
Peretz est accepté dans un programme accéléré de génie électrique et électronique, dont il a pu suivre les cours dans le cadre d’un programme à la carte lui permettant de concilier ses études et ses fréquents traitements de physiothérapie et hydrothérapie.
Son ambition et ses résultats font rapidement de lui le premier diplômé de l’université à faire une maîtrise à l’université Ben Gurion et le tout premier diplômé universitaire de sa famille. Il finit par décrocher un doctorat et devient professeur titulaire à l’âge de 40 ans.
La présence de robots capables de rivaliser avec les humains dans l’exécution de tâches automatisées ne cesse de progresser – que ce soit dans les grands entrepôts logistiques, les usines ou dans les tâches à usage général –, mais la question de leur approvisionnement en énergie sans interruptions ni temps d’arrêt continue de poser problème, explique Peretz.
Sur la base de ses recherches appliquées dans le domaine de la distribution d’énergie et en collaboration avec les doctorants Alon Cervera et Eli Abramov, il entreprend de développer sa « sauce secrète » pour faire sauter les immanquables goulets d’étranglement énergétiques.
« Que l’on parle d’épiceries qui effectuent des livraisons automatisées ou de grands centres d’exécution, logistique et fabrication, le problème est le même, à savoir le temps d’arrêt important nécessaire à la charge des robots, car alors ils ne fonctionnent pas », explique Peretz. « Ce que nous voulons, c’est neutraliser la question énergétique en trouvant la meilleure façon de faire fonctionner les flottes robotisées à 100 % du temps, sans exceptions. »
Ces dernières années, les progrès technologiques ont permis de réduire ce temps de charge, mais cela ne cadre pas avec un futur fait de systèmes robotiques totalement autonomes, poursuit Peretz, essentiellement parce qu’il faut malgré tout toujours que les robots s’arrêtent pour se recharger. Chaque minute de stationnement d’un robot pour se recharger est une minute perdue pour l’entreprise.
« Aujourd’hui, le rapport travail/charge est d’environ trois pour un, soit trois heures de travail pour une heure de charge », précise-t-il. « Donc si vous avez 100 robots, vous avez besoin d’au moins 130 robots pour gérer les temps d’arrêt. »

Dans le but de résoudre ce casse-tête énergétique, les scientifiques dirigés par Peretz se sont intéressés aux champs électriques, au lieu des champs magnétiques, pour bâtir un réseau d’énergie sans fil permettant de charger en continu les robots en mouvement à l’aide des ondes de radiofréquence. Avec cette solution sans fil, on s’épargne l’installation de stations de chargement, qui prennent de la place, les temps d’arrêt, les changements de batterie et les interruptions de travail.
Après plusieurs simulations en laboratoire à l’université, Peretz fonde en 2018, avec ses collègues Cervera et Abramov, CaPow, jeu de mots évocateur des comics et inspiré des mots puissance capacitive. Leur idée est d’alimenter les robots déployés dans de grands entrepôts et centres logistiques tels que ceux d’Amazon ou encore dans des lieux de production comme ceux de l’industrie automobile.
En mars dernier, CaPow a levé 15 millions de dollars grâce à Toyota Ventures, la branche d’investissement du géant de l’automobile.
« De la même manière qu’une radio recherche une station et reste à l’écoute même si vous conduisez ou que les conditions météorologiques changent – pluie ou nuages -, CaPow reste branché », explique Peretz. « Notre modèle recherche la meilleure station d’énergie ou le meilleur canal d’énergie disponible et le système ajuste ses caractéristiques en fonction du transfert de puissance optimal. »
Des racines dans le Neguev
Ancien élève de l’université Ben Gurion, Peretz a souhaité que la start-up ait son siège à Beer Sheva, dans l’idée de fare vivre l’excellence technologique au-delà du centre d’Israël.

« Nous croyons dur comme fer au Neguev », dit-il avec conviction. « Nous avons grandi ici et nous tenons à ce que nos racines restent ici. »
Le système phare de CaPow s’adosse à un système de transfert d’énergie sans fil capacitif qui place de minces « autocollants » de charge ou des antennes de transmission modulaires au sol, le long des zones clés à fort trafic ou autres stratégiques des entrepôts, couplés an récepteur d’alimentation interne placé à l’intérieur du robot. Lorsque le robot roule sur l’autocollant conçu pour lui délivrer une « rasade d’énergie », le récepteur embarqué convertit en énergie l’énergie du socle, au sol, jusqu’à l’autocollant suivant.
« Pendant que les robots travaillent, ils sont stimulés, que ce soit le long d’une allée désignée ou dans la file d’attente, en attendant d’être chargés ou déchargés », résume Peretz. « Au lieu d’épuiser totalement la batterie et d’avoir à la recharger complètement, il est possible de la charger par petites touches, ce qui prolonge sa durée de vie. »

« Il est possible de déployer cette solution sur tout type de surface – béton, métal, bois, étagères… – et nous l’avons expérimentée sur une vingtaine de modèles de robots », ajoute-t-il.
Selon la startup israélienne, le système permet aux opérateurs de robots mobiles des entrepôts, usines et centres logistiques de ne plus avoir de temps d’arrêt de charge, de réduire la taille de la flotte robotique jusqu’à 20 % et de récupérer l’espace au sol perdu en cas de zones de charge.
Peretz assure que ses clients ont signalé une baisse allant jusqu’à 32 % du coût total associé aux systèmes d’automatisation.
« Nous nous sommes donnés beaucoup de mal pour développer une solution prête à l’emploi, simple et transparente du point de vue de l’intégration et du déploiement », insiste Peretz. « Ce qui fait la différence, c’est la fourniture d’énergie en mouvement, la facilité de déploiement et les gains de productivité. »
Peretz ajoute que CaPow permet également de limiter les risques associés à la charge traditionnelle des batteries, que ce soit la surchauffe ou l’exposition aux conducteurs électriques, ce qui en fait un choix plus sûr dans des environnements industriels.
« Notre invention permet également de limiter la dépendance aux batteries lithium-ion qui alimentent la quasi-totalité des appareils modernes, des smartphones aux vélos électriques, et qui sont non seulement coûteuses mais présentent un risque élevé de combustion », explique Peretz.
La start-up israélienne CaPow est le développeur d’un système énergétique qui fournit aux robots une alimentation sans interruption pendant qu’ils sont en mouvement. (Courtesy CaPow)
CaPow a conclu un partenariat avec Hyundai Glovis, la division logistique de Hyundai Motor Group, laquelle a annoncé la semaine dernière la fin des tests de la plate-forme d’énergie en mouvement dans son usine de Corée du Sud.
L’essai a permis une augmentation de 15 % de l’efficacité opérationnelle en éliminant les temps d’arrêt de charge en comparaison aux méthodes de charge traditionnelles.
Hyundai Glovis exploite des flottes de véhicules à guidage automatique, y compris des chariots élévateurs et d’autres palettes de transport, dans des entrepôts logistiques et des usines de production perfectionnées.
Toyota n’est pas le seul à avoir investi dans CaPow : on trouve également IL Ventures, Payton Planar Magnetics LTD., Mobilion ou encore Doral Energy-Tech.
Peretz explique que les fonds serviront à faire connaitre la start-up, aux États-Unis puis sur le marché européen, développer ses opérations internationales et sa R&D et enfin doper sa production.
« Notre objectif est de produire plusieurs centaines d’unités, voire 1 000 unités par mois d’ici deux ans, plus ou moins, contre une centaine, en moyenne, par mois en ce moment », conclut Peretz.
« Notre vision de long terme concerne l’alimentation de plus grands véhicules automatisés, comme les chariots élévateurs et flottes de remorqueurs, et celle des humanoïdes, pour leur permettre de fonctionner 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sans goulet d’étranglement énergétique. »
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