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Refonte judiciaire : La démocratie « est menacée », prévient Yuval Noah Harari

Pour l'historien, "l'aspect le plus précieux de la démocratie libérale n'est pas le règne de la majorité, mais la limitation du pouvoir des dirigeants pour protéger les droits"

L'historien Yuval Noah Harari dans un entretien avec la Deuxième chaîne, le 4 mars 2022 (Capture d'écran d'une vidéo)
L'historien Yuval Noah Harari dans un entretien avec la Deuxième chaîne, le 4 mars 2022 (Capture d'écran d'une vidéo)

L’historien Yuval Noah Harari a déclaré, jeudi, que la démocratie israélienne était menacée par le plan controversé de réforme judiciaire qui est actuellement en cours d’examen par le gouvernement.

« La démocratie est menacée en Israël & dans d’autres pays. Dans une démocratie, ce n’est pas le vainqueur qui remporte tout. Si tel est le cas, alors ce n’est plus une démocratie », a-t-il écrit sur Twitter. Il est la dernière personnalité de haut-rang à condamner le plan.

« L’aspect le plus précieux de la démocratie libérale n’est pas le règne de la majorité, mais la limitation du pouvoir des dirigeants pour protéger les droits des citoyens », a ajouté l’auteur de livres bestsellers.

Dans une version légèrement différente du tweet, écrite en hébreu cette fois, Harari a écrit que « dans une démocratie, the winner doesn’t take it all (pour paraphraser ABBA). »

Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi soir dans tout le pays pour dénoncer le projet gouvernemental dont certaines composantes doivent être présentées en première lecture au Parlement dans la journée de lundi. Un projet de législation doit être approuvé lors de trois lectures pour devenir loi et la coalition a indiqué qu’elle cherchait à mener une campagne éclair à la Knesset visant à faire adopter son projet de réforme d’ici le mois d’avril.

Par ailleurs, les organisateurs du mouvement de protestation ont appelé à une grève nationale lundi pour coïncider avec les premiers votes des députés sur les projets de loi, ce qui constitue une nouvelle escalade dans les manifestations contre les propositions controversées. Il y aura également un rassemblement de masse devant la Knesset à Jérusalem lundi à midi, ainsi que des manifestations simultanées dans d’autres villes.

Des soldats de réserve israéliens, des anciens combattants et des activistes rassembl »s devant la Cour suprême pour protester contre la réforme du système judiciaire prévue par le gouvernement, à Jérusalem, le 10 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le projet de refonte du ministre de la Justice Yariv Levin, qui est soutenu par Netanyahu, prévoit de restreindre de manière importante la capacité de la Haute-cour à invalider des lois et des décisions gouvernementales avec l’adoption d’une clause dite « dérogatoire » qui permettrait au Parlement de surseoir aux décisions de la Cour suprême avec un vote à la majorité simple de 61 députés. Ces propositions prévoient aussi de donner au gouvernement le contrôle total de la sélection des juges ; de faire disparaître la notion juridique du « caractère raisonnable » du code pénal israélien, une notion sur laquelle s’appuient les magistrats pour juger une législation ou une décision prise par la coalition et elles prévoient également que les ministres seront autorisés à nommer leurs propres conseillers juridiques au lieu de devoir faire appel à ceux qui opèrent sous les auspices du ministère de la Justice. Le plan a suscité des critiques intenses et des avertissements de la part des plus éminents experts, ainsi que des manifestations massives et des pétitions publiques lancées par des officiels variés, des professionnels et des entreprises privées, qui ont tous averti que ces réformes porteront atteinte à la démocratie et à l’économie.

Ces réformes gouvernementales ont été critiquées avec force par la présidente de la Cour suprême Esther Hayut et la procureure-générale Gali Baharav-Miara.

L’ancien procureur-général Avichai Mandelblit a pour sa part estimé dans un entretien diffusé jeudi que cette refonte radicale des systèmes juridique et judiciaire constituerait « un changement de régime » qui « éliminera complètement l’indépendance du système judiciaire ».

Mandelblit a aussi accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu de prôner cette réforme afin de mettre un point final à son procès pour corruption, et il a insisté sur le fait qu’il avait eu raison de mettre en examen le Premier ministre malgré l’instabilité politique qui en avait résulté.

Netanyahu est actuellement traduit devant les juges dans trois affaires de corruption. Il doit répondre de fraude et d’abus de confiance dans deux dossiers et de corruption, fraude et abus de confiance dans le troisième. Il ne cesse de clamer son innocence et déclare que les charges ont été fabriquées de toutes pièces dans le cadre d’un « coup d’état politique » mené par la police et par le parquet.

Des étudiants et des enseignants manifestant contre le projet de remaniement judiciaire du gouvernement, à Tel Aviv, le 5 février 2022. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Le plan a aussi entraîné des critiques sévères dans le secteur des affaires israélien, mais aussi à l’étranger – avec des professionnels des technologies, des gestionnaires de fonds et des institutions financières qui ont averti qu’il pourrait entraîner une fuite des cerveaux, le retrait des fonds placés au sein de l’État juif et une baisse des investissements internationaux. D’anciens gouverneurs de la Banque d’Israël ont aussi mis en garde contre ses conséquences néfastes.

La coalition de la ligne dure de Netanyahu a accordé la priorité à ce remaniement spectaculaire du système judiciaire qui accorderait au gouvernement le contrôle sur ce dernier. Les critiques affirment qu’en plus d’autres législations prévues, ces réformes radicales auront un impact sur la nature démocratique du pays en bouleversant son système de contre-pouvoirs, accordant presque tous les pouvoirs à l’exécutif et laissant sans protection les droits individuels et ceux des minorités.

Netanyahu a rejeté ces critiques d’un revers de la main.

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