Remis en liberté, le rédacteur en chef du Jerusalem Post dénonce son arrestation et dit n’avoir tiré « aucun avantage » de son voyage au Qatar
Selon Zvika Klein, dans le cadre de l'enquête sur des fonds qataris versés à des collaborateurs de Netanyahu, la police lui a pris son téléphone, l'a interrogé pendant 12 heures et interdit tout contact avec sa famille

Pour ses toutes premières déclarations officielles depuis sa désignation comme suspect dans l’enquête sur le Qatargate, le rédacteur en chef du Jerusalem Post, Zvika Klein, a déclaré jeudi qu’il n’aurait jamais imaginé, même a-t-il dit « dans mes pires cauchemars », son arrestation cette semaine. Il a par ailleurs assuré n’avoir tiré absolument aucun avantage de son reportage sur le Qatar, qui lui a valu un voyage dans l’État du Golfe l’an dernier.
Klein est l’un des quatre journalistes convoqués par la police dans le cadre de l’affaire dite du Qatargate, mais le seul à avoir été interrogé sous caution, en raison de son implication présumée dans des infractions présumées pour lesquelles deux proches collaborateurs du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, font l’objet d’une enquête et ont été placés en détention cette semaine.
Klein, qui nie toute implication dans cette affaire, a vu, jeudi, la levée de son assignation à résidence, sans autre restriction.
La procureure générale, Gali Baharav-Miara, et le procureur de l’État, Amit Aisman, ont déclaré jeudi par voie de communiqué que Klein avait été interrogé sous caution en tant que suspect en raison de ses déclarations lors d’un interrogatoire qui, selon eux, le reliaient clairement aux activités du Premier ministre pour donner une image positive du Qatar moyennant finances.
L’interrogatoire en question portait sur un voyage effectué par Klein au Qatar, lequel avait donné lieu à un article en avril 2024 : au cours de ce voyage, il aurait rencontré le Premier ministre qatari, Mohammed bin Abdulrahman al-Thani, entre autres représentants des autorités.
« Cette semaine, j’ai été interpellé », a-t-il écrit dans une chronique du Jerusalem Post. « J’ai été placé en résidence surveillée. En un instant, je suis passé de fonctionnaire à suspect. Même dans mes pires cauchemars, je n’aurais jamais imaginé une chose pareille. »
Il poursuit en donnant des détails sur sa visite au Qatar : « J’ai contacté des responsables au sein du gouvernement qatari et, le temps de caler les choses, j’ai été le tout premier journaliste israélien à interviewer le Premier ministre du Qatar. L’histoire complète a été publiée avec beaucoup de fierté par mon journal. Il n’y a rien de caché. Tout a été fait en toute transparence, conformément aux règles journalistiques les plus exigeantes. »
Baharav-Miara et Aisman ont déclaré pour leur part que Klein avait, au départ, été convoqué pour déposer en qualité de témoin – et non de suspect -, mais que lors de l’interrogatoire, « un soupçon assez fort était apparu – celui que le journaliste faisait lui aussi, tout comme les collaborateurs du Premier ministre, partie du plan consistant à percevoir des avantages du Qatar en échange de la promotion de ses intérêts ».
Dans sa chronique, Klein assure n’avoir « rien reçu en retour. Ni avantage, ni argent, ni autres promesses. Je suis rentré en Israël et, manifestement, quelque chose a intrigué la police : le fait que je n’aie rien reçu, justement. Un responsable des relations publiques lié à la délégation a proposé de promouvoir l’article dans d’autres médias. J’ai accepté. Les interviews ont été diffusées sur les ondes de la chaine N12 et de la 13e chaîne. Je n’ai rien caché. Au contraire, tout s’est déroulé au grand jour. »
Selon Klein, lorsqu’on lui a demandé de témoigner à la police, il a « obtempéré, en tant que citoyen respectueux des lois. Je pensais pouvoir être utile, rien de plus. Mais tout a basculé. »
Il a déclaré que son téléphone avait été saisi, qu’on ne l’avait pas laissé contacter sa famille mais aussi interdit de parler publiquement pour laver son honneur. « Mon téléphone m’a été pris sans mandat ni explication. J’ai été interrogé pendant une dizaine d’heures, seul, sans pouvoir contacter ma femme – qui se trouvait à l’étranger – ou mes enfants, et ce durant de nombreuses heures. Les conditions furent difficiles. »
Il a par ailleurs écrit : « Lorsque des fuites sur cette enquête sont sorties – ce qui est toujours le cas au moment où j’écris ces lignes – je n’ai pas pu y répondre. Il m’était interdit de parler aux médias. »
« Ma réputation a été entachée, avant même que la vérité ne puisse éclater », a-t-il ajouté.
« Ce n’est qu’après plusieurs jours de silence que le tollé public a éclaté », a-t-il noté. Des collègues – journalistes, rédacteurs, professionnels des médias – se sont demandé : comment se fait-il qu’en Israël, un journaliste soit détenu et interrogé pour n’avoir fait que son travail ? Fort heureusement, on m’a libéré hier – sans aucune restriction. Ce sont mes arguments juridiques – à savoir que je ne pourrais rien publier tant que l’enquête serait en cours – qui a convaincu les enquêteurs de me laisser partir.

En février dernier, la Treizième chaîne israélienne avait indiqué que le déplacement de Klein au Qatar avait été organisé par Eli Feldstein, l’ex-porte-parole de Netanyahu qui, avec le collaborateur de Netanyahu, Jonathan Urich, est l’un des deux principaux suspects de cette affaire.
Klein avait nié cette information en écrivant sur X qu’il s’était rendu au Qatar à l’invitation directe du gouvernement qatari, qu’il n’avait alors jamais rencontré Feldstein et qu’il ne lui avait parlé pour la première fois qu’à son retour du Qatar, pour organiser des interviews télévisées à propos de sa visite sur les chaînes N12 et la Treizième chaîne. Klein n’avait pas précisé de quelle manière il était entré en contact avec Feldstein, ni s’il savait que Feldstein travaillait pour Netanyahu.
Dans sa chronique de jeudi, Klein a écrit : « Le temps viendra où toute l’histoire pourra être racontée. », se disant « fier d’être un journaliste israélien dans un pays démocratique. J’espère seulement que les forces de l’ordre s’en souviendront aussi. »