Mur Occidental : les dirigeants de l’AIPAC parlent à Netanyahu des voix “discordantes et dissidentes” aux Etats-Unis
Nita Lowey, membre du Congrès, recommande vivement à Netanyahu d'honorer l'accord initial portant sur la zone de prière pluraliste permanente

Une délégation du lobby pro-israélien de l’AIPAC a rencontré en urgence le Premier ministre Benjamin Netanyahu jeudi suite au gel d’un accord portant sur la prière pluraliste au mur Occidental, soulignant les voix « discordantes et dissidentes » issues de la communauté pro-israélienne aux Etats-Unis en résultat de cette initiative. Un membre du Congrès a, pour sa part, appelé Netanyahu à honorer l’accord initial.
La délégation formée de trois membres de l’AIPAC, la présidente sortante Lillian Pinkus, son successeur Mort Fridman et le vice-directeur général Richard Fishman, est immédiatement retournée aux Etats-Unis après la réunion. L’AIPAC a refusé de commenter l’entretien, qui s’est concentré sur la décision prise dimanche par le cabinet israélien de geler un accord minutieusement négocié qui aurait permis l’établissement d’une zone de prière pluraliste permanente à l’Arche de Robinson, supervisée conjointement par des groupes religieux non-orthodoxes.
Un reportage diffusé sur la Deuxième chaîne a indiqué que l’AIPAC s’inquiétait de ce que l’initiative mise en place pour le mur Occidental – et l’approbation par les ministres d’un projet de loi qui consoliderait le monopole ultra-orthodoxe sur les conversions au judaïsme en Israël – sapent les « incitations à travailler pour Israël » des militants et auraient causé une « crise de confiance ». Il aurait également été précisé au Premier ministre que de hauts-responsables, des militants et des donneurs menaceraient de quitter le lobby, a fait savoir le reportage.
Une source proche du dossier a insisté, dans la soirée de jeudi, sur le caractère « catégoriquement mensonger » du reportage. La source a indiqué qu’ « il n’y a pas eu de discussion lors de la rencontre sur l’impact de la décision au sein de l’AIPAC, pas plus qu’il n’y a eu de suggestion de crise de confiance, pas plus qu’il n’a été suggéré qu’il y aurait un manque de soutien à la position pro-israélienne dans ce pays. »

L’AIPAC, pour sa part, n’a pas commenté publiquement le contenu de la réunion mais cette source a fait savoir que l’équipe de l’organisation avait offert « une évaluation de l’impact de la décision sur la communauté pro-israélienne » aux Etats-Unis… et indiqué qu’il existe un potentiel de division parce qu’on entend déjà des voix dissidentes et discordantes s’exprimer au sein de la communauté sur cette décision ».
Le point de vue de l’AIPAC, a dit la source, est que « il s’agit d’une décision qui doit être réglée dans le cadre du processus politique israélien ».
Le reportage de la Deuxième chaîne a également expliqué que des membres juifs du Congrès américain avaient, sous couvert d’anonymat, mis en garde le gouvernement israélien, estimant que la décision « troublante et néfaste » de geler l’accord du mur Occidental venait « enfreindre nos valeurs partagées ». Il spéculait par ailleurs sur la possibilité de l’envoi d’un courrier de protestation.
Tzahi Braverman, secrétaire de cabinet chargé (aux côtés du ministre Tzahi Hanegbi) de résoudre la crise, a visité jeudi la structure actuelle de prière temporaire, située à l’Arche de Robinson.
A Washington, la représentante démocrate Nita Lowey, qui représente une large circonscription juive de New York, a vivement recommandé à Netanyahu d’honorer l’accord du mur Occidental forgé au mois de janvier 2016.

« En tant que membre du Congrès ayant prôné la relation américano-israélienne tout au long de ma carrière, je recommande vivement au gouvernement d’Israël de changer sa décision de suspendre l’accord précédemment convenu portant sur la création d’un pavillon pluraliste de prière au mur Occidental », a-t-elle déclaré au Times of Israël.
« La majorité des Juifs du monde entier considèrent Israël comme leur foyer ancestral et Israël devrait offrir à tous les Juifs, hommes et femmes, le droit à la prière égalitaire au mur Occidental », a-t-elle ajouté.
Depuis l’annonce de dimanche, survenue après des pressions exercées sur Netanyahu par les partenaires ultra-orthodoxes de sa coalition qui réclamaient l’abandon de l’accord, un conflit mutuellement destructeur a éclaté entre le gouvernement israélien et de nombreuses organisations juives mondiales.
Les groupes juifs américains ont été indignés par ce revers. La vaste majorité de la communauté juive américaine – environ 90 % – est non-orthodoxe, selon le Centre de recherches Pew. Trente-cinq pour cent des Juifs américains sont affiliés au mouvement réformé et 18 % au mouvement conservateur.
Le représentant républicain Lee Zeldin, également de New York, a appelé les parties à trouver un accord qui mette un terme à la querelle qui, selon lui, divise le monde juif.
« La question d’un espace de prière au mur Occidental cause des tensions et sème la division dans la communauté juive du monde entier », a-t-il commenté dans une déclaration au Times of Israël. « J’encourage fortement les parties à trouver rapidement un accord de façon à ce que les Juifs du monde entier puissent être unis à un moment où l’unité est plus que jamais nécessaire ».
Plus tôt, Ted Deutch et Jerrold Nadler, membres juifs du Congrès, avaient indiqué que de nombreux électeurs s’étaient manifestés pour déplorer la décision.
La Conférence des présidents des organisations juives majeures a fait savoir que la crise pourrait déchirer en lambeaux le tissu des liens israélo-américains.
« Un manque d’unité peut conduire à une érosion du soutien qui a été identifié par le Conseil de sécurité nationale israélien comme un atout sécuritaire majeure pour Israël », a fait savoir le groupe.
Natan Sharansky, qui préside l’Agence juive, a noté que les communautés juives et les individus pourraient reconsidérer leurs voyages ou leurs dons à Israël en raison de cette décision.
Le rabbin Rick Jacobs, qui dirige le mouvement réformé, a déclaré à la deuxième chaîne : « Il y a une limite à la manière dont des décisions gouvernementales peuvent nous repousser puis, cinq minutes après, qu’on nous demande de faire X ou Y, ce que nous nous sentons engagés à faire. Vous ne pouvez pas faire cohabiter ces deux choses. Il y a donc un moment où nous disons clairement et à voix forte ‘Day kvar‘ (C’est déjà assez !). »
« Miser sur les ultra-orthodoxes au détriment de tous les Juifs non-orthodoxes n’est pas sage », a ajouté Jacobs, et « il serait convenable que le Premier ministre et que le gouvernement d’Israël comprennent que cela a des conséquences, et que les choses ne seront pas réparées par quelques promesses supplémentaires. »