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Renseignement australien : le transfert de l’ambassade déclenchera des violences

Un message top secret met en garde contre la reconnaissance de Jérusalem ; le Premier ministre Morrison qualifie le parti travailliste de la Nouvelle-Galles du Sud d'"antisémite"

Le Premier ministre australien Scott Morrison à Canberra, le 24 août 2018. (Crédit : Lukas Coch/AAP Image via AP)
Le Premier ministre australien Scott Morrison à Canberra, le 24 août 2018. (Crédit : Lukas Coch/AAP Image via AP)

L’agence de renseignement australienne aurait averti le gouvernement cette semaine du fait que la reconnaissance officielle de Jérusalem comme capitale d’Israël pourrait provoquer de nouveaux troubles violents dans la région.

Un message top secret rédigé par l’Organisation australienne du renseignement de sécurité [Australian Security Intelligence Organization – ASIO] et obtenu par The Guardian a affirmé que le changement proposé par le Premier ministre Scott Morrison dans la politique étrangère traditionnelle du pays « attirerait l’attention internationale ».

M. Morrison a déclaré mardi à la presse qu’il était « ouvert » aux propositions visant à reconnaître officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël et à y transférer l’ambassade de son pays; une rupture radicale avec la politique des gouvernements australiens successifs depuis des décennies.

« Nous nous attendons à ce que toute annonce concernant la relocalisation possible de l’ambassade d’Australie à Jérusalem ou la possibilité de voter contre les Palestiniens à l’ONU puisse provoquer des protestations, des troubles et peut-être de la violence à Gaza et en Cisjordanie », déclarait le message distribué aux ministres avant l’annonce de Morrisson.

L’ASIO a déclaré que cette décision « pourrait être perçue comme une position pro-israélienne/anti-iranienne » et a averti que les intérêts diplomatiques et commerciaux de l’Australie en Iran pourraient être la cible de manifestations.

Une affiche électorale du candidat du parti libéral d’Australie Dave Sharma est accrochée dans une rue du quartier de Wentworth à Sydney, le 18 octobre 2018. (Photo par Peter PARKS / AFP)

M. Morrison a déclaré que le changement de politique étrangère lui avait été suggéré par un ancien ambassadeur en Israël, Dave Sharma, qui est candidat du parti libéral conservateur au pouvoir dans une élection partielle cruciale tenue samedi dans un quartier de Sydney qui compte une importante population juive.

Toute avancée politique pourrait entraîner des tensions avec les pays à majorité musulmane, notamment l’Indonésie voisine (le ministre des Affaires étrangères indonésien a d’ailleurs fait part de sa vive inquiétude).

Après l’annonce de Morrison, les parlementaires de l’opposition l’ont accusé de soulever la question pour influencer l’élection partielle de Wentworth et pour compromettre les négociations en cours avec Jakarta sur un accord de libre-échange qui devrait être signé en novembre.

M. Morrison a affirmé que la question ne perturberait pas l’accord commercial indonésien et ne nuirait pas au soutien de longue date de Canberra à la solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien.

Mais les déclarations des responsables palestiniens et indonésiens ont clairement indiqué qu’ils étaient déçus par la position australienne.

Le Premier ministre australien Scott Morrison (au centre) accompagné du président indonésien Joko Widodo, (à gauche) lors d’une cérémonie de bienvenue au palais présidentiel à Bogor, dans la partie ouest de Java, Indonésie le 31 août 2018. (Mast Irham/Pool Photo via AP)

Le ministre indonésien des Affaires étrangères, Retno Marsudi, a fait part de la « grande préoccupation » de son gouvernement et a déclaré que cette mesure représentait une menace pour le processus de paix.

La délégation de l’Autorité palestinienne (AP) en Australie a qualifié l’annonce de Morrison de « profondément inquiétante ». Dans son communiqué au Guardian, la délégation a averti Canberra que sa position dans le monde arabo-musulman serait compromise, et a exhorté le gouvernement « à examiner sérieusement les conséquences d’une telle décision ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est félicité de l’annonce de Morrison. Il a déclaré dans un communiqué mardi qu’il est « très reconnaissant » envers le Premier ministre pour le changement de politique qu’il a envisagé.

Entre-temps, Morrison a rejeté les insinuations selon lesquelles son annonce est le résultat de pressions américaines, ou liée aux élections partielles de Wentworth. Il a déclaré à l’agence de presse The Australian, lundi, que la reconnaissance de Jérusalem a déjà fait l’objet de discussions entre les principaux membres du cabinet, dont l’ancienne ministre des Affaires étrangères Julie Bishop, après que le président américain Donald Trump a annoncé la reconnaissance de la capitale israélienne par les États-Unis en décembre dernier.

Les électeurs de Wentworth se rendront aux urnes samedi alors que Sharma est à la traîne dans cette dernière ligne droite. La défaite du candidat de Morrison – dans une circonscription comptant une importante population juive – signifierait la fin de la majorité parlementaire de son gouvernement et un sombre avenir pour son passage au sein du tumulte politique australien.

Jeudi, Morrison a déclenché un tollé au Parlement lorsqu’il a accusé le parti travailliste de Nouvelle-Galles du Sud d’antisémitisme lors d’une discussion sur la question.

La chef adjointe de l’opposition Tanya Plibersek a qualifié l’annonce de Morrison de « décision de politique étrangère la plus cynique de l’histoire récente », affirmant que son comportement « désespéré et imprudent » le rendait inapte à diriger le pays.

Morrison a riposté en accusant le parti d’opposition d’avoir exclu le New South Wales Jewish Board of Deputies du Labor Union Multicultural Action Committee.

« Nous avons donc un parti travailliste de New South Wales qui se comporte d’une manière antisémite », a-t-il accusé. « Et ils veulent faire croire au peuple australien qu’ils sont des partisans d’Israël. Vraiment ? Sérieusement ? »

Cette remarque a suscité des protestations véhémentes de la part des députés, qui ont tenté en vain de faire retirer cette déclaration au Premier ministre.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite) serre la main du Premier ministre australien Malcolm Turnbull lors d’une conférence de presse conjointe au Cabinet du Premier ministre à Jérusalem, le 30 octobre 2017. (Yonatan Sindel/Flash90)

Morrison est arrivé au pouvoir en août après qu’une révolte des conservateurs radicaux du parti libéral a évincé son prédécesseur plus modéré, Malcolm Turnbull.

Le gouvernement de Turnbull avait explicitement pris ses distances avec la décision de Trump de déplacer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, estimant qu’elle ne « rendait pas service » au processus de paix.

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