Révélations sur le silence de Tsahal avant et après le massacre de Nova
Selon les militaires, la rave n'a pas été prioritaire parce que la police l'avait déclarée évacuée et les soldats ne sont arrivés en grand nombre qu'en milieu d'après-midi
La veille de la rave Supernova du 7 octobre, les services de sécurité chargés de la sécurité de l’événement ont à plusieurs reprises demandé des informations sur le risque terroriste venu de Gaza sans obtenir de réponse des hautes autorités de Tsahal, selon un reportage de la Douzième chaîne israélienne.
La surintendante adjointe Nivi Ohana du poste de police d’Ofakim, tout proche, chargée de superviser la sécurité de l’événement, aurait même interrogé explicitement l’armée sur un risque d’infiltration terroriste, sans obtenir de réponse.
Dans son reportage de 24 minutes, la chaine de télévision donne des détails extraits de documents datant de quelques jours avant le festival, qui donnent à entendre et voir l’inquiétude de l’équipe de sécurité du festival, les communications entre la police et l’armée lors du massacre et les images récemment publiées des combats lors du pogrom.
Le festival aurait dû se dérouler du jeudi 5 octobre au samedi 7 octobre, mais seuls les deux premiers jours ont été autorisés, révèle le reportage.
« J’ai vu que l’armée n’avait pas autorisé le 7 octobre, et me suis donc tourné vers l’officier supérieur du Commandement Sud pour lui demander : Y a-t-il un problème de sécurité dont je devrais être au courant ? », se souvient Eyal Azulai, le commandant responsable du festival.
« La réponse a été que le problème n’avait rien à voir avec la sécurité. »
En réalité, le Commandement Sud s’inquiétait bien de l’activité du Hamas le long de la barrière frontalière pour la journée du samedi.
Jeudi, au premier jour du festival, l’armée avait autorisé la demande dans sa première version. Les officiers supérieurs suivaient avec inquiétude l’évolution de la situation à Gaza et évoquaient le risque d’une infiltration en Israël dans les jours à venir.
« Nous avons demandé s’il serait possible d’avoir une présence militaire, des véhicules blindés. L’armée nous a informés que sa décision était d’organiser ce qu’on appelle la ‘sécurité spatiale’, et non la sécurité par des soldats », se souvient Azulai.
Le 6 octobre, une fois la nuit tombée, les officiers organisent plusieurs réunions sur la situation – comme cela a déjà été rapporté – sans que jamais la rave Supernova ne soit évoquée, explique la Douzième chaîne.
« La police israélienne n’a pas été informée que quelque chose se passait. Peut-être que si nous avions participé à ces réunions, nous aurions pris la décision de mettre fin au festival », ajoute Azulai.
Le lendemain matin, sous les soudains tirs de roquettes depuis Gaza, le festival est immédiatement annulé et les festivaliers reçoivent l’ordre de se mettre à l’abri, puis d’évacuer dès que possible.
À 6h32, le commandant du district sud de la police, Amir Cohen, appelle le major général Yaron Finkelman, du commandement sud de Tsahal, pour lui demander si quelque chose s’est passé pendant la nuit à Gaza pour expliquer ces tirs.
« Pas à ce que je sache », lui répond Finkelman, selon le reportage télévisé.
Vers 7 heures du matin, les terroristes commencent à entrer en territoire israélien en passant par la barrière frontalière de Gaza : les forces de sécurité privées et la police mettent en place un point de contrôle et se positionnent à la porte du site.
Selon la Douzième chaine, le Hamas ne sait alors rien de la rave et il lui faut une heure quarante environ pour comprendre, après quoi de nombreuses forces d’élite de l’organisation terroriste, en route vers Netivot, font demi-tour pour retourner à la rave.
Pendant des heures, forces de sécurité privées et policiers, avec leurs seules armes de poing, font en sorte de repousser les terroristes du Hamas, eux armés de fusils d’assaut, de grenades et d’autres armes lourdes.
Touché, le sergent-major de police Aaron Arthur Markovich se bat jusqu’à ses dernières munitions, avant d’être tué.
Peu de temps après, un char arrive pour repousser l’assaut du Hamas et parvient à tuer des dizaines de terroristes jusqu’à être neutralisé par un missile antichar.
Le combat autour du char dure des heures. Ce n’est qu’une fois l’unique survivant de l’équipage du char mis à l’abri, à 500 mètres de là, que les terroristes prennent d’assaut le véhicule, que les forces du Hamas franchissent la barrière de police et envahissent le site du festival.
Plus tard, deux policiers et un officier de la division de Gaza se retrouvent autour du char et défendent une cinquantaine de festivaliers durant des heures, avant d’être secourus.
À 11h45, les forces de Tsahal ne sont toujours pas là, alors que les terroristes ont déjoué les défenses improvisées.
Selon la Douzième chaine, toujours, la sergent major Yulia Vakser de la police israélienne, en poste au festival, appelle le commandement sud de Tsahal pour les alerter que les festivaliers encore présents risquent d’être tués. Le commandant des opérations à l’autre bout du fil lui dit qu’il y a plusieurs zones de combat actives. Vakser est tuée une demi-heure plus tard.
A 11h45, le chef de la police de l’époque, Kobi Shabtai, appelle le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, pour lui dire que les forces ne sont pas arrivées sur les lieux du festival.
« Nous le savons. Nous avons concentré nos forces près de Reim », lui répond Halevi en parlant du kibboutz voisin, où ils ne parviendront que bien plus tard dans la journée.
Selon des membres de l’armée témoignant pour la Douzième chaîne, la police aurait dit à l’armée que la zone de la rave avait été évacuée, raison pour laquelle l’armée n’avait pas donné la priorité au déploiement de forces en ces lieux.
Sans personne pour les arrêter, les terroristes du Hamas établissent un poste de commandement sur le terrain, où ils commencent à ramasser des corps et faire des otages pour les emmener dans la bande de Gaza.
Avec l’autorisation des familles, la Douzième chaine a diffusé des images de l’enlèvement d’Almog Meir Jan, Evyatar David et Guy Gilboa-Dalal. Jan a été secouru en juin lors d’une opération des forces armées, avec trois autres otages enlevés lors de la rave.
Pour Ilan, le père de Dalal, les images lui donnent l’espoir que son fils est en bonne santé.
« Cela me donne de l’espoir parce que nous avons vu comment des gens ont été kidnappés là-bas. Blessés, coupés, épuisés. Lui, marche. Il a l’air en bon état. Un peu choqué, mais physiquement en parfaite santé », confie-t-il à la Douzième chaîne.
Selon la Douzième chaine, à midi, les terroristes pillent, assassinent et violent en toute impunité.
Des images diffusées par la chaîne donnent à voir des terroristes en train de tirer une femme en dehors d’une Toyota blanche. Quelques minutes plus tard, elle réapparaît à l’écran, les mains au-dessus de la tête : on lui tire dessus.
Ce n’est qu’à 12 h 30 que quelques soldats arrivent, et à 15 heures, un renfort plus conséquent est déployé.
Au moins 364 festivaliers ont été tués et plus de 40 otages ont été emmenés à Gaza. Nombre d’entre eux sont encore et toujours en captivité.
En analysant les lieux où se trouvent les personnes tuées, le reportage montre de quelle manière les festivaliers ont été tués dans toute la zone frontalière de Gaza.
L’un a réussi à s’enfuir à Sderot avant d’être tué, un autre a été tué à hauteur du monument de la Flèche noire, 63 ont été tués au kibboutz Mefalsim, 14 au kibboutz Alumim, 8 au kibboutz Beeri, 1 au kibboutz Reim, 13 dans des zones inhabitées situés à l’est de la rave, 7 sur la route de Netivot, 26 au sud de Reim, 17 dans un abri à la jonction de Gama, 12 le long de la route 232, 15 dans un abri aux environs de Beeri, 27 dans un abri situé à l’est de Reim, 15 dans un abri à l’ouest de Beeri, 10 au poste de police à l’entrée de la fête et 153 sur les lieux-mêmes du festival.
Ce reportage télévisé est la dernière illustration en date de l’incapacité des services de sécurité à anticiper et prévenir le massacre de civils qui a eu lieu le 7 octobre.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu refuse lui obstinément de diligenter une commission d’enquête d’État chargée de faire la lumière sur les défaillances des autorités à empêcher le pogrom du 7 octobre, ce qui n’a pas empêché des organisations représentatives des rescapés du Hamas et des proches de victimes de mettre elles-mêmes en place une enquête indépendante pour « découvrir la vérité et éviter de nouvelles catastrophes ».
Selon Netanyahu, les enquêtes de l’État se feront à l’issue des combats : à plusieurs reprises, il a refusé de s’engager à établir une commission d’État, organe d’enquête investi des plus larges pouvoirs en vertu de la loi israélienne.
En ce douzième mois de guerre, la pression se fait plus forte, à commencer par celle de son propre ministre de la Défense, désireux de lancer une enquête sur les événements.
L’armée israélienne a pour sa part diligenté ses propres enquêtes internes. En juillet dernier, elle a rendu publiques les conclusions de son enquête sur le massacre du kibboutz Beeri, qui n’ont laissé aucun doute sur son incapacité à répondre à l’invasion massive de terroristes.
Au total, ce sont 1 205 personnes, pour la plupart des civils, qui ont été tuées en Israël le 7 octobre, auxquelles s’ajoutent 251 otages. A ce jour, 97 personnes sont toujours séquestrées à Gaza, sans oublier deux civils israéliens entrés de leur plein gré dans la bande de Gaza, respectivement en 2014 et 2015, et les corps de deux soldats israéliens tués en 2014.