Rivlin : Israël ne peut se contenter « d’une demie-démocratie »
L'ex-président appelle à un système doté "d'une séparation claire des pouvoirs" alors que des négociations ont actuellement lieu pour trouver un compromis
Dans un contexte de négociations sur le projet de réforme judiciaire actuellement avancé par le gouvernement – des pourparlers organisés sous les auspices du président Isaac Herzog – son prédécesseur, Reuven Rivlin, a indiqué que les discussions devaient garantir qu’Israël conserverait sa nature démocratique.
« Il est impossible de se retrouver dans une situation où nous nous satisferions d’une demie-démocratie en oubliant l’autre moitié », a dit Rivlin devant les caméras de la Treizième chaîne au cours d’un entretien qui a été diffusé samedi – sa première interview télévisée depuis qu’il a quitté la présidence, il y a deux ans.
Rivlin a indiqué qu’il n’avait pas à critiquer Herzog pour avoir lancé les négociations avec l’espoir qu’elles aboutissent, tout en recommandant vivement à son successeur d’exercer « ses pouvoirs ».
« Chaque citoyen est en mesure de décider s’il fait de bonnes choses ou non », a dit Rivlin.
Cela fait presque deux mois que des équipes représentant la coalition et l’opposition se sont engagées dans des pourparlers qui ont pour objectif de trouver un compromis dans le cadre du projet de refonte du système de la justice israélien – mais aucun progrès tangible n’aurait été réalisé, selon des sources proches des discussions.
L’ancien président a déclaré qu’il soutenait un système « doté d’une claire séparation des pouvoirs », mettant en garde contre les conséquences d’un déséquilibre des pouvoirs – qu’il soit du côté de la Cour suprême ou de la Knesset.
« Notre démocratie, celle dont nous sommes si fiers, se trouverait handicapée », a-t-il noté.
Dans un extrait de l’interview qui a été diffusé jeudi, Rivlin a expliqué avoir été déchiré suite à sa décision prise de ne pas exprimer son désaccord avec le limogeage par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, au mois de mars, du ministre de la Défense Yoav Gallant – ce dernier avait été ultérieurement réintégré à ses fonctions – parce que Gallant avait justement appelé à stopper l’avancée de la réforme judiciaire.
« Pourquoi ne suis-je pas descendu dans les rues ? C’est la question que je me suis posée », a précisé Rivlin. « Je n’ai pas pu descendre dans les rues parce que j’étais le président du pays avant et que ce n’est pas quelque chose d’habituel. Je n’ai pu descendre dans les rues par respect pour la présidence, mais j’aurais pu le faire en tant que citoyen né au sein de l’État d’Israël ».
« Cela a été une nuit de très forte anxiété face à ce qui était en train de se passer dans le système tout entier », a-t-il ajouté.
Netanyahu avait suspendu le projet de réforme du système judiciaire israélien suite à des mouvements de protestation et à des grèves massives qui avaient eu lieu après le renvoi de Gallant – qui devait reprendre son poste quelques semaines plus tard. Cette suspension avait ouvert la voie au lancement de négociations.
Ancien ministre du Likud, Rivlin a été président de 2014 à 2021. Dans un discours prononcé au mois de décembre, il avait déclaré que le plan de réforme du système de la justice était une tentative visant à « détruire » les tribunaux et il avait estimé qu’il avait été proposé par « esprit de vengeance ».
Jusqu’au mois de mars, la coalition avait fait avancer devant le Parlement, à un rythme effréné, des projets de loi visant à placer les nominations des juges dans le pays sous le contrôle du gouvernement et à réduire les capacité de supervision de la Haute-cour de justice.
Selon les critiques, ce plan ôtera à la Haute-cour son rôle de contre-pouvoir face à une potentielle toute-puissance gouvernementale, ce qui porterait dangereusement atteinte au caractère démocratique d’Israël. Pour ses partisans, le projet est nécessaire pour freiner des tribunaux qu’ils considèrent comme outrageusement activistes.
Une fois que le budget de l’État sera approuvé, il est probable que la coalition reportera son attention sur ce plan controversé.
La loi consacrée à la nomination des juges – qui passerait ainsi sous la mainmise d’une majorité au pouvoir – est dorénavant prête pour ses deux derniers votes à la Knesset, qui sont susceptibles d’être organisés pratiquement à n’importe quel moment. Il est toutefois pratiquement certain qu’une telle initiative entraînerait une reprise des troubles publics intenses qui ont balayé le pays.