Sara Funaro, première femme et première juive élue maire de Florence, en Italie
Née d'un père juif et d'une mère catholique, la nouvelle maire s’est convertie au judaïsme dans sa vingtaine mais ne fait pas de son identité religieuse un axe central de sa politique

JTA – Lorsqu’en avril dernier, un groupe d’activistes anti-Israël a fait pression sur la mairie de Florence pour obtenir la démission du consul honoraire d’Israël, ils se sont également attaqués à une personnalité politique, Sara Funaro, qui se présentait aux élections municipales de la ville.
« Nous déplorons l’absence de toute condamnation officielle des actions du gouvernement israélien de la part du [consul honoraire] Marco Carrai », se sont indignés les activistes. « Le silence de la conseillère Funaro est tout aussi frappant ; d’autant plus qu’elle aurait adressé à cette personne ses meilleurs vœux de réussite dans son travail. »
Funaro n’a pas répondu publiquement à ces accusations. Deux mois plus tard, elle remportait les élections municipales, devenant ainsi la première femme et, qui plus est, la première juive à diriger cette ville réputée pour être le berceau de la Renaissance italienne.
Cet épisode reflète la posture de Funaro, 48 ans, en tant que politicienne juive en Italie.
Elle a exprimé son soutien à Israël et partagé son cheminement vers le judaïsme à l’âge adulte et après le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, au cours duquel les terroristes du Hamas ont assassiné plus de 1 200 personnes et pris 251 otages, Funaro a été placée sous protection policière en raison des actes antisémites dont elle a fait l’objet.
Toutefois, elle n’a jamais fait de son identité juive ou de son lien avec Israël un pilier de sa carrière politique, s’efforçant plutôt de répondre à la haine qui lui était adressée en adoptant une attitude impassible et en centrant son image publique autour des racines profondes de sa famille dans la ville toscane.

« Lorsque vous vous engagez dans une campagne électorale pour devenir maire, vous savez que certains chercheront à exploiter certains aspects contre vous », a déclaré Sara Funaro au Corriere della Sera, l’un des principaux quotidiens italiens, après avoir été la cible d’invectives antisémites l’année dernière sur les réseaux sociaux. « Cela m’est déjà arrivé par le passé. J’ai toujours répondu avec une grande sérénité. »
Funaro, qui a décliné une demande d’interview de la Jewish Telegraphic Agency, est issue d’une famille qui a joué des rôles importants dans la politique de Florence et au sein de sa communauté juive.
Selon son site web, la communauté juive de Florence est mentionnée pour la première fois au 14e siècle. Aujourd’hui, la ville compte environ 1 000 Juifs parmi une population de plus de 350 000 habitants, ainsi qu’une grande synagogue célèbre pour son architecture néo-mauresque datant de la fin du 19e siècle. Le père de Funaro, architecte, est président de l’Opera del Tempio Ebraico di Firenze, dédiée à l’entretien de la synagogue.
La grand-père maternel de Funaro, est Piero Bargellini, un centriste catholique qui fut maire de Florence dans les années 1960. Son mandat est principalement associé à la montée des eaux catastrophique de l’Arno en 1966, qui fit des dizaines de morts et dévasta la ville ainsi que de nombreuses œuvres d’art. Bargellini fut par la suite élu sénateur italien.
Funaro est née et a grandi à Florence, où elle a étudié la psychologie à l’université de Florence. À 20 ans, elle a commencé à travailler avec des enfants handicapés et, peu de temps après, elle est devenue éducatrice dans un foyer de soins pour patients psychiatriques.
Funaro raconte qu’elle et son frère ont été élevés sans religion officielle. Mais il y a vingt ans, alors qu’elle travaillait avec des enfants défavorisés au Brésil, elle a décidé de se convertir officiellement au judaïsme. Les communautés juives officielles d’Italie, comme les mouvements juifs traditionnels du monde entier, adhèrent à la norme selon laquelle seules les personnes nées d’une mère juive sont juives, mais Funaro a confié au Corriere della Sera « qu’en réalité, je ne me suis pas convertie ; j’ai embrassé le judaïsme ».

« Mon père et ma mère étaient très croyants, mais ils savaient que c’était un choix individuel et très important », a raconté Funaro dans une interview. « En grandissant, j’ai commencé à étudier la Torah et le Talmud. J’avais de longues conversations avec le rabbin. À 26 ans, lors de mon expérience au Brésil auprès d’enfants défavorisés, j’ai pris ma décision. »
Funaro reste impliquée dans la communauté juive de Florence et fréquente la synagogue pour les fêtes, selon Ugo Caffaz, un ami de son père. « Elle a étudié pendant de nombreuses années pour se convertir ; elle le voulait vraiment », a-t-il déclaré.
Elle s’est d’abord présentée au conseil municipal sous la bannière du candidat de centre-gauche à la mairie, Matteo Renzi, futur Premier ministre italien. Bien qu’elle ait perdu cette première élection, elle a remporté un siège cinq ans plus tard avec le Parti démocrate de centre-gauche et a été réélue en 2019.
Au sein du conseil municipal, le maire de l’époque, Dario Nardella, lui a confié la responsabilité des dossiers liés à l’aide sociale, au logement, à l’intégration et à la promotion des femmes. Funaro a axé sa carrière politique sur l’inclusivité, le soutien aux personnes défavorisées et la diversité. Elle a insisté pour assister à la parade de la fierté de Florence et a contribué à la création de la première mosquée de la ville.
Elle s’est également mobilisée contre l’antisémitisme, dénonçant notamment l’utilisation d’étoiles jaunes, symbole de la Shoah, par des manifestants anti-vaccins pendant la pandémie de COVID-19. En 2022, elle a critiqué un événement organisé par deux membres d’extrême gauche du conseil municipal, dont les affiches accusaient Israël d’être un État d’apartheid.
« Florence a toujours été une ville de paix et de dialogue et ne tolère pas les messages de division qui incitent à la haine », avait-elle déclaré. « Il est inacceptable d’afficher dans notre ville des messages qualifiant Israël d’État d’apartheid. »

À l’été 2023, Sara Funaro a été victime d’une attaque antisémite sur les réseaux sociaux. Un utilisateur d’Instagram l’a qualifiée de « sioniste jusqu’à la moelle » et de lobbyiste pour Israël. Par la suite, elle a reçu des menaces de mort. Selon le Corriere della Sera, elle a commencé à bénéficier d’une protection policière à partir d’octobre 2023, le mois où a eu lieu le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël.
Nardella a condamné la publication Instagram de 2023, la qualifiant de « méchante et révoltante ». Il a ajouté : « Sara est une femme forte et intelligente, et je suis sûr qu’elle ne se laissera pas intimider par ces attaques insultantes. »
À l’instar d’Elly Schlein, dirigeante du Parti démocrate italien et également issue d’un père juif, Funaro soutient « de manière absolue » la solution à deux États, impliquant la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. « Quiconque s’est rendu en Israël et en Palestine comprend que la seule manière de résoudre ce conflit est de reconnaître les peuples, les identités et les cultures d’appartenance », avait-elle déclaré au Corriere della Sera en juillet dernier.
Dans les jours qui ont suivi l’assaut meurtrier du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, Funaro a affirmé que « nous devons continuer à vivre au jour le jour, comme nous l’avons toujours fait », un message qu’elle a dit avoir entendu de dirigeants juifs locaux et nationaux. Elle a ajouté « penser que c’est dans cet esprit qu’il faut agir, en tenant compte bien sûr des inquiétudes et de la douleur causées par ce qui s’est passé ».
Comme ailleurs en Italie et dans le monde, Florence a connu une recrudescence d’antisémitisme après le pogrom du 7 octobre.
« Des enfants juifs ont été malmenés à l’école, des insultes antisémites ont été proférées devant la synagogue, des graffitis ont été tagués, et des incidents regrettables se sont produits à l’université », a rapporté Enrico Fink, président de la communauté juive de Florence. « Cependant, nous nous sommes toujours sentis soutenus par les autorités, qui ont renforcé la sécurité sur les sites juifs. »

L’identité juive de Funaro et sa position sur Israël n’ont pas attiré une attention particulière lors de la campagne de cette année et n’ont suscité aucune controverse, malgré une pétition en avril qui la critiquait. Depuis son élection, Funaro a constamment évité de s’exprimer sur ces sujets, refusant notamment de commenter le vote du conseil municipal de Florence, quelques jours avant le premier anniversaire du 7 octobre, qui demandait à l’Italie de reconnaître l’État de Palestine.
Agnese Pini, rédactrice en chef du quotidien florentin La Nazione, a affirmé que les électeurs florentins ne considéraient pas leur nouvelle maire à travers le prisme de sa religion.
« Je pense que les habitants de Florence voient plutôt Funaro comme l’héritière de [son grand-père] Bargellini, et je ne pense pas que sa religion ait joué un quelconque rôle dans son élection, ni en bien ni en mal », a affirmé Pini. « Comme beaucoup d’autres, elle a été ciblée par des trolls sur Internet, mais davantage en raison de son genre que de son judaïsme. »
Enrico Fink, président de la communauté juive de Florence, a néanmoins souligné que dans un contexte post-7 octobre, l’élection de Funaro constitue un signe positif pour la communauté juive locale.
« Je connais très bien Sara, et je pense que c’est une femme de grande qualité et une politicienne compétente », a-t-il déclaré. « Elle a toujours été fière de son identité et de son histoire, tant juive que non juive, et à Florence, tout le monde le sait. Il n’y avait donc aucune raison d’approfondir ce sujet pendant sa campagne. »
Funaro a mené campagne sous le slogan « Florence au pluriel – Beaucoup d’idées, une seule ville ». Son programme de 89 pages mettait l’accent sur l’égalité, la sécurité, la durabilité et le bien-être. Parmi ses propositions figuraient un salaire minimum pour les employés municipaux, le maintien des garderies publiques et des écoles ouvertes jusqu’à 18h30 pour aider les parents, la présence policière accrue dans les parcs publics où le taux de criminalité est élevé, ainsi que l’augmentation du nombre de logements abordables dans la ville.
Pini a ajouté qu’elle ne serait pas surprise de voir Funaro évoluer un jour sur la scène politique nationale.
« Être maire de Florence ouvre de nombreuses perspectives », a-t-elle expliqué. « Tous les maires de Florence ont eu une carrière au niveau national ou international. Si Funaro décide de suivre cette voie, elle aura de solides chances de réussir. »
Pour l’heure, Funaro reste concentrée sur ses responsabilités municipales. Elle a déclaré au Corriere della Sera ne pas avoir peur malgré les attaques dont elle a été victime.
« Je me suis toujours sentie en sécurité dans ma ville », a-t-elle affirmé.
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