Sderot, mutilée par les roquettes, attend la prochaine guerre
Au premier jour de la trêve, les habitants de la ville frontalière avec Gaza sont pessimistes sur les perspectives d’un calme à long terme

Le ciel de Sderot est calme pratiquement pour la première fois en deux mois, mercredi, au premier jour du cessez-le-feu, mais à l’intérieur, les résidents de la ville frappée sans relâche par les roquettes bouillonnent face à ce qu’ils considèrent comme une opération non achevée – qui n’a rien changé à la situation.
« Je n’ai pas foi en ce cessez-le-feu ; [le Premier ministre Benjamin Netanyahu] n’a eu aucune influence », dit Keren Turgeman. « Regardez les gens qui vivent à la frontière de Gaza où les roquettes pleuvent. Il faut mettre un terme à cela. Avec toute la douleur de la perte de soldats, nous devons totalement occuper Gaza. »
Turgeman a perdu son emploi cet été pour avoir eu trop peur de quitter sa maison pour aller travailler. La résidente de Sderot reste depuis 7 ans dans la région, mais assure qu’elle partira dès la prochaine série de combats.
« J’ai encore tellement peur, je ne crois pas à ce cessez-le-feu », dit-elle. « Vous ne pouvez pas élever des enfants ici. J’ai une fille d’un an qui voit que nous l’attrapons et courons quand quelque chose ne va pas. Les gens sont endettés et ils ne peuvent pas partir, ils ne savent pas quoi faire. »
Mercredi, Sderot était étrangement calme pour un après-midi de jour de semaine.
Certaines personnes commencent timidement à s’aventurer dans les cafés et les magasins du centre-ville, mais de nombreux stands du souk restent fermés, tandis que les citoyens lassés jugent si oui ou non il faut croire en cette 12e tentative de trêve de l’été.
« Vous auriez dû être là hier. Hier, c’était terrible. Il a dû y avoir 10 alertes rouges, l’une après l’autre », raconte Sian Avner, propriétaire de la boulangerie Sian à Sderot.
Derrière lui, une demi-douzaine de boutiques du souk sont volets fermés. « Il n’y a pas de circulation, il n’y a donc aucune raison que les commerçants ouvrent », dit Avner.
Si aujourd’hui c’est calme, dit-il, tout le monde croit que les missiles retomberont à tout moment. « Vous ne pouvez pas dormir, alors vous êtes toujours épuisé. Vous n’avez pas envie de manger. Je suis toujours traumatisé. Chaque fois que la porte claque je sursaute, chaque fois que j’entends un bus qui passe, je pense que c’est le bruit d’un missile ».
A présent, bien sûr, il y a aussi la nouvelle peur des tunnels de Gaza. « J’ai peur de me promener un soir et qu’un terroriste émerge du sol », dit-il.
« J’espère qu’il y aura une paix réelle et non ce ‘calme’ dont ils parlent », dit Simha Nagar.
Nagar, assistante sociale à la retraite, donne un coup de main à la boulangerie Avner juste pour sortir un peu et parler avec les gens.
Après avoir terminé son travail bénévole, elle se rend à la pharmacie pour obtenir les six médicaments qu’elle prend, à cause au stress, de l’hypertension artérielle et de l’insomnie. « Je n’avais jamais l’habitude d’aller chez le médecin ; maintenant regardez tous ces médicaments que je prends », dit-elle, brandissant une longue liste de prescriptions et un avis pour consulter un psychologue.

De nombreux habitants sont furieux contre le gouvernement.
« Bibi est sorti faible, son taux de popularité est passé de 85 % à 28 %, et il baisse tous les jours », dit Dubi, directeur d’un supermarché à Sderot. « Nous avons perdu 64 soldats et rien ne s’est passé. Aucun accord politique, pas de paix. Certes, nous avons détruit des tunnels. Nous avons tué des dirigeants du Hamas. Mais je veux le calme. »
« Nous arrivons à un point où tout à coup, le centre du pays commence à comprendre ce que nous traversons », dit Shimon Kadvig, résident de Kiryat Malachi qui travaille dans le même supermarché. « Si je bois un café le soir avec ma femme, je dois toujours penser où courir, qui saisira quel enfant. J’ai six enfants, deux fois des jumeaux, alors il nous faut tout prévoir ».
« Nous sommes dans la même situation qu’au début de cette guerre, et de la dernière guerre et de l’avant-dernière », ajoute Kadvig. « Cela doit être comme en Cisjordanie : nous devons contrôler toute la bande. »
« D’un côté, nous ne voulons pas que des soldats tombent, mais de l’autre, nous sommes épuisés de 14 ans de tirs de roquettes », dit Edi Saidov, le propriétaire d’un magasin de bijoux. Il s’assoit et attend la clientèle, mais les rues du centre-ville sont la plupart du temps désertes. Pendant toute la journée, seulement trois personnes sont entrées dans sa boutique, dont l’auteure de ces lignes.
Comme beaucoup d’autres personnes, y compris des politiciens, Saidov s’oppose au cessez-le-feu entré en vigueur mardi à 19 heures.
« Nous ignorons avec qui nous avons signé. Il n’y aura pas de paix véritable, de paix réelle. Je suis contre le type de ‘paix’ que nous avons maintenant. C’est dommage qu’ils n’aient pas mené la guerre jusqu’au bout, c’est dommage qu’il n’y ait pas de solution politique », dit Saidov.
« Nous attendons simplement la prochaine guerre. Je suis vraiment triste que ces soldats soient tombés pour rien. »
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