Séisme: En Turquie, les secours bravent le froid et le chaos pour sauver les victimes
Des quartiers entiers de Kahramanmaraş ont été anéantis sous la violence de la secousse ; les sauveteurs et les résidents sont engagés dans une course contre la montre pour la vie

KAHRAMANMARAS, Turquie – La dévastation qui règne dans la ville de Kahramanmaraş, une localité du sud de la Turquie, depuis le tremblement de terre de lundi dépasse l’entendement humain – avec des quartiers entiers détruits, des immeubles résidentiels anéantis, plus d’électricité, plus d’eau. Ce sont des milliers de personnes qui, selon les estimations, seraient piégées à l’intérieur des constructions rasées, détruites, mais l’immensité des dégâts signifie qu’il n’y a pas suffisamment de secouristes sur le terrain pour pouvoir venir en aide aux victimes coincées sous les décombres.
Le centre-ville, qui accueillait un grand centre commercial, n’existe plus. Presque tous les autres bâtiments se sont effondrés, et seuls des meubles et des objets du quotidien qui apparaissent sur les gravats sont là pour rappeler qu’il y a quelques jours encore, des familles vivaient dans leurs étages. Les structures encore debout sont endommagées, instables, penchant parfois d’un côté.
Le spectacle est accablant partout où le regard se porte : Un bus renversé, des voitures entremêlées dont il est dorénavant impossible de saisir la forme, des arbres cassés en deux, des femmes et des hommes qui sanglotent. La barrière de la langue empêche de savoir très exactement ce qui les fait précisément pleurer à ce moment-là : Est-ce un être cher perdu ? Le traumatisme général, la tragédie qui s’est soudainement, cruellement abattue sur eux ? Sans autre refuge où aller, de nombreux résidents sont restés, allumant des feux sur les ruines de ce qui était il y a peu le logement familial ou arpentant sans but les rues environnantes.
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L’un d’eux, un homme nommé Eren, n’habitait pas le quartier. Eren, qui refuse de donner son nom de famille, explique que sa famille vit dans un quartier plus récent de la ville et que son foyer a été épargné par le cataclysme, même si il a senti la secousse. Mais cela n’a pas été le cas du centre-ville, où il vivait dans le passé et où il a gardé des amis et des relations.
« Mon professeur d’université vivait dans ce bâtiment », dit-il, montrant du doigt un amas de décombres qui, la semaine dernière, était encore un immeuble résidentiel. « Ils pensent qu’il est toujours à l’intérieur ».
Eren, chimiste de profession, n’a aucune formation en matière de premiers secours – mais, dit-il, il a ressenti le besoin de venir. D’apporter son aide. Il a donc décidé d’envoyer son épouse, ses enfants et ses beaux-parents à Istanbul – ils ont pris le bus – et il est venu.
« Il fallait que j’apporte mon aide et je ne pouvais pas le faire si je m’inquiétais par ailleurs pour la sécurité de mon épouse et pour celle de mes enfants », dit-il dans un anglais fluide et teinté d’accent turc.

Il n’est pas le seul. Parce qu’il manque beaucoup d’hommes, les résidents locaux font eux-mêmes une large partie du travail. Avec des pelles, des pioches, des marteaux, des outils électriques légers, ils œuvrent à extraire les corps des ruines et ils les placent dans des sacs en plastique noir, les enveloppant seulement dans une couverture quelquefois.
Le plus dur, pour un secouriste, c’est de dire « non » à quelqu’un
Occasionnellement, ils viennent voir l’équipe de recherche et de secours israélienne pour demander de l’aide. Ils sont presque toujours éconduits : dans l’état actuel des choses, ces équipes ont plus de travail à faire que de temps pour l’effectuer. Elles se concentrent aussi sur la nécessité de sauver les vivants enfouis sous les gravats, se détournant des morts.
« Le plus dur, pour un secouriste, c’est de dire ‘non’ à quelqu’un », confie un secouriste israélien de l’organisation United Hatzalah.
L’air est épais à Kahramanmaraş avec toutes les poussières qui se dégagent des décombres des immeubles en béton et en brique qui se sont effondrés, une poussière qui pénètre dans les yeux, dans le nez, dans les oreilles et dans la bouche à chaque fois qu’une brise glaciale se lève, c’est-à-dire souvent. En résultat, les yeux des personnes qui se tiennent dans la rue, autour de moi, sont injectés de sang, larmoyants.
C’est là, au cœur de cette localité dévastée, que les équipes de secours israéliennes concentrent leurs efforts. Dans le cadre d’une opération conjointe, des sauveteurs de l’armée turque, de Tsahal, de l’unité nationale de recherche et de secours israélienne et de l’organisation United Hatzalah tentent de libérer un homme piégé dans les débris d’un immeuble résidentiel de plusieurs étages qui s’est effondré comme un château de cartes lundi matin.
Il y a encore deux heures et demie, l’homme était encore vivant, communiquant avec les forces israéliennes. Curieusement, quand le bâtiment s’est effondré, la pièce dans laquelle il se trouvait, au second étage, n’a pas été écrasée et il est donc resté à l’intérieur, dans un espace de 1,80 mètres de largeur, 1,80 de longueur et de presque un mètre de hauteur, ce qui lui a donné suffisamment de place pour se déplacer. Outre des douleurs à la poitrine et des difficultés à respirer, il n’a pas été grièvement blessé. Mais il fait froid, l’homme n’a pas bu et n’a pas mangé depuis le tremblement de terre et les secouristes israéliens se sont engagés dans une véritable course contre la montre pour arriver jusqu’à lui.

C’est un travail exténuant, délicat d’extraire une personne bloquée dans un immeuble effondré. Aller trop vite peut faire bouger les décombres et entraîner un nouvel affaissement de la structure. L’équipe israélienne a commencé à tenter de faire sortir l’homme dans l’après-midi de mercredi et au moment de l’écriture de cet article – il est 21 heures – ils y œuvrent toujours.
Les sauveteurs savent que deux jours et demi après le tremblement de terre initial, il y a encore des chances de retrouver des vivants – mais que ces chances s’amenuisent rapidement à chaque heure qui passe.
Pendant toute la journée, les forces israéliennes ont extirpé un certain nombre de personnes des décombres. A environ 20 heures, une équipe conjointe formée de membres de l’unité de recherche et de secours de l’armée et de l’organisation United Hatzalah ont libéré une jeune adolescente de 15 ans, enfouie sous les gravats de son immeuble résidentiel.
Pendant deux jours et demi, elle était restée piégée, seule, dans un froid glacial. Il a fallu à peu près douze heures pour la dégager. Alors que les secouristes se préparent à la faire sortir, un petit groupe de résidents se réunit, apparemment en quête apparente d’une nouvelle lueur d’espérance.
L’adolescente est dans un état grave – elle a été grièvement blessée à ses jambes – mais elle est vivante. Sa sortie des décombres est saluée par les applaudissements. Elle est ensuite immédiatement évacuée vers un hôpital voisin en ambulance, où les médecins vont stabiliser son état et où elle passera un scanner.
« Le chemin va être long pour elle mais elle est en vie », s’exclame le médecin israélien qui l’accompagne à l’hôpital.
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