Serge Klarsfeld veut l’interdiction de la réédition des pamphlets antisémites de Céline
"Je réclame" une "interdiction en tant que président de l'Association des fils et filles de déportés", a déclaré le chasseur de nazis
Serge Klarsfeld, défenseur de la cause des déportés juifs de France, demande que soit interdite la prochaine réédition des pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline, dans un entretien publié mercredi par L’Obs.
Gallimard prévoit de sortir, à une date inconnue, sous le titre « Écrits polémiques », un volume rassemblant les trois textes antisémites et racistes de Céline: « Bagatelles pour un massacre » (1937), « L’Ecole des cadavres » (1938) et « Les Beaux draps » (1941).
La veuve de l’écrivain, Lucette Destouches, 105 ans, s’était jusqu’alors toujours opposée à cette réédition, conformément aux souhaits de Céline.
« Je réclame » une « interdiction en tant que président de l’Association des fils et filles de déportés », réplique Serge Klarsfeld, inlassable militant de la mémoire de la Shoah.
« S’il est possible de demander une interdiction préventive – puisque finalement ces textes sont connus et qu’on peut imaginer les faire lire à un magistrat avant la republication prévue par Gallimard -, nous le ferons », indique l’avocat et historien.
Dans un courrier adressé le 12 décembre à l’éditeur, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Frédéric Potier, avait demandé des garanties quant à « la qualité de l’appareillage critique » qui accompagnera cette réédition.
Mais pour Serge Klarsfeld, « aucun appareillage critique ne peut alléger la teneur » des propos « abjects » de Céline.
Ses pamphlets « tombent tout simplement sous le coup de la loi », affirme-t-il encore. « On interdit Soral (essayiste d’extrême droite condamné pour négationnisme, ndlr), mais pour moi, Soral ou Dieudonné (polémiste habitué des tribunaux pour ses sorties antisémites), en matière d’antisémitisme, c’est une sarbacane, alors que Céline, c’est une bombe atomique ».
Dans un communiqué transmis à l’AFP, les éditions Gallimard assurent que leur « intention est d’encadrer et de replacer dans leur contexte des écrits d’une grande violence, marqués notamment par la haine antisémite de l’auteur ». L’appareil critique et l’avertissement seront établis par Régis Tettamanzi, un spécialiste de l’oeuvre célinienne, Pierre Assouline signant la préface.
Les écrits de Céline tombant dans le domaine public en 2031 (soit 70 ans après sa mort), « il a paru juste » à Gallimard « de prendre en charge l’ensemble de cette œuvre, de l’expliquer plutôt que de la laisser à la libre interprétation de lecteurs mal avertis », fait valoir la maison.
Serge Klarsfeld précise qu’il n’est « pas pour une censure totale du texte »: « Que les universitaires étudient ce livre pour comprendre, aillent en bibliothèque pour le consulter, pas de problème ».
Mais « imaginer qu’on puisse rentrer dans une librairie et trouver ça dans dans les rayonnages, je trouve ça insupportable », confie-t-il.