Serwotka : Israël est derrière la crise de l’antisémitisme au Labour
Le chef d'un syndicat britannique a estimé que la controverse dans laquelle sont embourbés Jeremy Corbyn et son parti est "une histoire qui n'existe pas"
Le leader de l’un des principaux syndicats britanniques a laissé entendre jeudi qu’Israël était responsable de la crise récente de l’antisémitisme qui a frappé le parti travailliste, clamant qu’elle avait été créée de toutes pièces pour masquer les « atrocités » contre les Palestiniens.
Mark Serwotka, chef du syndicat britannique chargé des services publics et commerciaux (PCS), a expliqué à des délégués réunis lors de la conférence du Trades Union Congress (TUC) qu’Israël pourrait avoir créé « une histoire qui n’existe pas ». Le discours a été publié dans le journal britannique The Independent.
Lors de l’événement organisé par le groupe Palestine Solidarity Campaign qui a eu lieu en marge de la conférence, Serwotka a suggéré que l’Etat juif était responsable de la mise au point du scandale contre l’antisémitisme qui touche le parti et son chef, Jeremy Corbyn.
« Maintenant, je ne suis pas un théoricien du complot », a-t-il affirmé. « Mais je vais vous dire – l’une des meilleures manières, en fait, de cacher les atrocités qu’on commet est de passer à l’offensive et de créer une histoire qui n’existe pas, en y impliquant les membres de cette plate-forme, ceux du mouvement des syndicats ou, je dois le dire, le chef du parti travailliste ».
Il a expliqué aux délégués réunis à Manchester qu’il y avait eu « une tentative systématique de réduire au silence tous ceux qui réclament la justice pour les Palestiniens d’une manière qui devrait troubler tous ceux qui ont le désir d’exposer les injustices ».
Il a commencé son discours en dénonçant l’antisémitisme.
« Notre syndicat le dit clairement : Notre position est que nous sommes, chacun d’entre nous, contre l’antisémitisme, et contre tout préjugé contre nos frères et soeurs juifs, parce que c’est mal et que l’antisémitisme n’a pas sa place dans le mouvement du Labour », a-t-il dit.
Il a ajouté que la question aurait dû être mieux gérée par le parti britannique d’opposition.
« Je pense qu’il est malheureux que le parti du Labour ait permis l’enlisement de cette situation d’une manière qui n’aura finalement aidé personne », a-t-il dit.
Serwotka, à la tête du syndicat depuis 2 000, a ensuite souligné que le parti travailliste devrait plutôt se concentrer davantage sur son soutien aux Palestiniens contre les « atrocités » israéliennes.
Il a dénoncé la décision prise par le président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y transférer l’ambassade depuis Tel Aviv, ainsi que la fin de l’aide américaine aux Palestiniens.
Il a également noté que le Labour devait réclamer la fin du blocus contre Gaza qu’Israël a imposé depuis que le groupe terroriste palestinien du Hamas a pris le contrôle de la bande.
Serwotka a dénoncé la mort d’environ 125 Palestiniens, tués par des soldats israéliens au cours d’émeutes violentes sur la frontière avec Gaza. Le Hamas et d’autres groupes terroristes ont ultérieurement affirmé que des douzaines de morts étaient membres de leurs groupes. Le chef syndical a ensuite déclaré que les victimes incluaient « de nombreux, très nombreux enfants… Des civils non-armés et innocents ».
« Est-ce que ce n’est pas un drôle de monde que celui où au lieu de nous tenir sur le front, de dénoncer ces atrocités, de demander un état indépendant et souverain pour le peuple palestinien, nous passons l’été à nous demander si les dirigeants du Labour sont d’une manière ou d’une autre antisémites ? », s’est-il interrogé.
Serwotka avait été expulsé du parti travailliste pendant les années 1990 en raison de son adhésion au groupe d’extrême-gauche de l’Alliance pour la liberté des travailleurs. Il est revenu au sein du parti après que Corbyn a été nommé à sa tête.
Les propos de Serwotka ont été dénoncés par des groupes pro-israéliens et par ceux qui s’opposent à l’antisémitisme au sein du Labour.
« Les paroles de M. Serwotka sont méprisables. Il y a un problème d’antisémitisme dans le parti à cause des antisémites et de l’incapacité de Jeremy Corbyn à les gérer, pas à cause d’Israël », a dit Jennifer Gerber, présidente du mouvement Labour Friends of Israel.
« Que le secrétaire-général d’un syndicat majeur fasse allusion aux théories du complot tout en attribuant aux Juifs la responsabilité de leur propre persécution montre l’ampleur du problème que nous constatons aujourd’hui à gauche », a-t-elle ajouté.
Un porte-parole du mouvement Labour Against Antisemitism a indiqué que le discours de Serwotka montrait combien l’antisémitisme était ancré au coeur du parti.
« Laisser entendre que le gouvernement israélien est d’une manière ou d’une autre responsable de la crise de l’antisémitisme au Labour qui a déchiré le parti du Labour est un mensonge sans fondement », a dit Euan Philipps.
« Ces propos rejettent froidement les inquiétudes graves et légitimes de la communauté juive tout en s’appuyant sur des tropes antisémites (notamment la double loyauté et la théorie du complot) pour détourner l’attention de ce qui est un problème reconnu de discrimination contre les Juifs dans la gauche politique ».
Il a qualifié « d’absurde »et « d’offensante » cette théorie et il a réclamé la démission de Serwotka de son poste.
Prenant la parole lors du même événement, Hugh Lanning, du mouvement Palestine Solidarity Campaign a dit qu’Israël était « un État raciste », venant défier la définition de l’antisémitisme mise au point par l’IHRA (Holocaust Remembrance Alliance) qui a été récemment adoptée par le parti du Labour, a fait savoir le journal The Independent.
« S’il agit et se comporte comme un État d’apartheid, nous devons le qualifier d’État apartheid – et ne pas avoir peur de le faire », a-t-il dit sous les applaudissements.
Il a demandé le boycott de l’État juif, disant à ses délégués de « marquer le tournant » de façon à ce que les syndicats et le parti travailliste acceptent cette politique.
La crise de l’antisémitisme au sein du Labour – et notamment son incapacité, jusqu’au début du mois, d’approuver la définition de l’antisémitisme mise au point par l’IHRA – a causé un clivage majeur dans ses rangs et a amené les Juifs à exprimer leur crainte concernant leur avenir dans le pays.
Presque 40 % des Juifs britanniques « réfléchiraient sérieusement à émigrer » si Corbyn devait devenir Premier ministre, selon un sondage récent réalisé par le Jewish Chronicle.