Sharansky : Beaucoup pensent que le judaïsme réformé est une secte hostile
Le président sortant de l'Agence juive se réjouit de l'essor de l'alyah, déplore les échecs en termes de communication et l'ignorance qui compliquent les liens avec la diaspora
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Après neuf années, Natan Sharansky a quitté son poste à la tête de l’Agence juive.
Il ne devrait probablement pas disparaître des gros titres pour autant. Il a fait du bruit durant toute sa vie – en tant que militant emblématique des droits de l’Homme et prisonnier de Sion au sein de l’ex-Union soviétique. Membre de la Knesset, leader de parti et ministre en Israël, l’homme aura payé un prix personnel élevé pour s’imposer. Plus récemment encore, il a été le responsable d’un mammouth bureaucratique critiqué sans relâche auquel il a apporté une logique nouvelle, de la cohérence et un esprit combatif.
Sharansky est fier de ses années passées à la barre de l’Agence. De manière plus importante, il cite des chiffres montrant que sa présidence aura été marquée par un renforcement de l’alyah – avec une hausse spectaculaire de l’alyah « par choix » (en opposition à l’immigration par nécessité). Il a également le sentiment que l’Agence a donné une nouvelle dynamique à l’identité juive dans le monde. En effet, sa révolution a été, dit-il, de démontrer – en donnant le flanc aux critiques – que la dynamisation de l’alyah et le renforcement de la diaspora sont des objectifs non pas contradictoires mais complémentaires.
Mais tout ne va clairement pas bien entre Israël et le reste du monde juif, et en particulier entre Israël et la communauté juive forte de plusieurs millions de personnes d’Amérique du nord. La séparation géographique des différentes populations juives a entraîné souvent des priorités et des besoins différents et il y aura toujours des désaccords entre eux, reconnaît-il. Mais ces frictions et ces tensions sont exacerbées par des degrés d’ignorance frappants et l’échec continu d’une communication routinière, ouverte et constructive.
Il est stupéfiant, par exemple, explique-t-il, que de nombreuses personnes en Israël – et pas seulement dans la communauté ultra-orthodoxe – considèrent le judaïsme réformé comme une secte hostile, « cherchant des moyens de pénétrer en Israël ».
Il est également remarquable de voir la rapidité avec laquelle les législateurs ont reconnu, alors que l’Agence avait emmené les députés passer le Shabbat auprès de communautés américaines, que le judaïsme non-orthodoxe « est le vrai judaïsme – ces gens vivent pleinement des vies juives… à combattre en faveur d’Israël, à lutter contre l’antisémitisme ».

Il n’y a aucune formule magique qui permette de satisfaire les demandes des Juifs non-orthodoxes d’avoir le droit de prier comme ils le souhaitent au mur Occidental, par exemple, et pas de règlement facile des conflits sur les politiques de conversion au judaïsme.
Mais Sharansky estime que, malgré tout, des progrès ont eu lieu et peuvent encore être accomplis et il a des suggestions en réserve pour apaiser au moins un peu l’amertume qui entoure les débats. De manière plus cruciale, dit-il, les impératifs contradictoires d’Israël et de la communauté juive de la diaspora ne doivent pas se développer jusqu’à devenir « une forte menace éternelle à notre capacité à vivre en tant que peuple uni ».
Cette interview s’est déroulée dans son bureau de l’Agence juive, au début du mois de juillet. Après son départ, il enseignera au Shalem College de Jérusalem, il donnera des conférences dans le pays et à l’étranger, et il assumera un rôle de leadership laïc au sein de l’Agence juive à la tête de sa hiérarchie de shlichim — émissaires. Peut-être dans l’idée de lui donner ultérieurement une fonction dans l’établissement d’une « Knesset consultative » qu’il prescrit ici comme une panacée aux souffrances entre Israël et la diaspora – Au cas où, en somme, les responsables seraient vraiment désireux de s’attaquer au caractère urgent de ses préoccupations.

Times of Israel : Que devons-nous penser du processus de nomination et de l’identité de votre successeur Isaac Herzog [ancien chef du parti de l’Union sioniste et leader sortant de l’opposition, dont la désignation a été désapprouvée par Netanyahu] ?
Natan Sharansky : C’est un type formidable…
Mais ce n’était pas celui que voulait le Premier ministre. [Netanyahu voulait placer le ministre de l’Energie Yuval Steinitz à ce poste]. Le gouvernement d’Israël et l’Agence juive sont supposés travailler de manière coordonnée.

Il y a une procédure officielle. Le Premier ministre doit donner sa recommandation. Ce processus est le même depuis longtemps.
La première fois que j’ai dit que j’allais partir, c’était il y a plus d’un an. Il y avait pas mal de candidats respectables. La commission [de nomination] a demandé son avis au Premier ministre mais il ne l’a pas eu. Nous avions une procédure obligatoire, celle de nous entretenir avec tous ceux qui étaient prêts à ça. Et lorsque le Premier ministre a finalement donné sa recommandation, une décision avait déjà été prise.
Techniquement, est-ce que le Premier ministre a eu le temps de faire part plus tôt de son avis ? La réponse est oui. Y a-t-il eu une opportunité de prendre en compte son avis, même au tout dernier moment ? Peut-être. Mais c’est un processus. Bougie [surnom d’Isaac Herzog] a été élu. Est-ce qu’il comprend le travail qu’il aura à faire ? C’est sûr.
Votre relation avec le gouvernement – la relation de l’Agence – a été de plus en plus difficile ?
C’était important d’être une voix indépendante, de représenter les intérêts et les opinions des communautés juives mondiales dans le dialogue avec le gouvernement, et nous avons incarné une voix véritablement indépendante.
S’il y avait une crise, ce que nous ne désirions bien évidemment pas, nous n’étions jamais stoppés dans notre élan pour autant. Mais d’un autre côté, le gouvernement est aujourd’hui bien plus un partenaire que cela n’a jamais été le cas dans de nombreux projets de l’Agence juive en Israël et ailleurs, dans le renforcement de l’identité juive.
Il s’est donc avéré possible d’être un partenaire stratégique du gouvernement dans la représentation des intérêts d’Israël et du peuple juif dans le monde entier et, en même temps, d’être la voix indépendante de la communauté juive mondiale dans le dialogue avec le gouvernement.
L’implication du gouvernement dans nos projets, au cours des dernières années, a augmenté de 57 millions de dollars [par an]. C’est un chiffre énorme. Presque un tiers de notre budget est lié à la coopération avec le gouvernement. Nous avons un programme intitulé Jumelage d’écoles, qui a commencé avec trois établissements et qui regroupe dorénavant 300 à 500 écoles dans le monde entier. Le gouvernement dit maintenant qu’il versera encore 2 millions de dollars par an au programme si nous ajoutons de notre côté 5 millions de dollars, parce qu’il l’adore.
C’est quoi, exactement ?
Un partenariat. Si vous avez une école à Moscou et une école à Haïfa. Un jumelage. Los Angeles et Tel Aviv. C’est devenu un succès incroyable.
Seulement des écoles juives ?
Oui.
Qu’est-ce que cela implique ?
Des échanges de cours. Un grand nombre d’activités mutuelles par le biais d’Internet… Les uns ne connaissent pas les Juifs de la diaspora, les autres ne connaissent pas Israël. Il y a des leçons conjointes. Des entretiens. Ces jumelages naissent souvent de partenariats entre des fédérations locales et une ville [en Israël].
Nous avons les mechinot, les programmes militaires de six mois, qui sont également une invention de l’Agence juive. [Le ministre de l’Education Naftali] Bennett donne dorénavant de l’argent pour ça. Il m’a dit qu’il avait découvert que c’était le moyen le plus rapide d’introduire des changements sociaux au sein de certaines familles problématiques.
Ce sont des programmes de six mois pour les Israéliens ?
Principalement pour les Israéliens même si des Australiens, par exemple, viennent et passent du temps au sein de ces mechinot. Mais ces programmes sont avant tout destinés aux Israéliens de la périphérie, qui viennent des familles à problèmes. C’est très différent…
Différent des mechinot d’un an, plus élitistes ?
Oui. Et parce que cela ne dure que six mois, pas besoin de reporter votre service militaire dans l’armée. En quelques mois, les élèves deviennent plus ambitieux. Ils viennent d’endroits où il s’agit seulement de survivre au quotidien et de gagner assez d’argent pour permettre ça et tout à coup, ils deviennent plus ambitieux pour leurs vies. C’est incroyable. Le gouvernement adore ce programme et il est en train de devenir notre partenaire. Et il y a aussi le programme MASA.
Nous avons abattu tous les murs entre les objectifs de l’alyah et les objectifs de l’éducation juive. En résultat, il n’y a plus qu’une seule organisation dorénavant
Les fédérations donnent un peu moins d’argent. Le gouvernement en donne plus. C’est un processus naturel. Il n’y a pas de contradictions. Nous sommes un partenaire sérieux, avec une contribution unique et le gouvernement, qui veut vraiment avoir une influence sur l’identité juive, la lutte contre le BDS, a réalisé que nous sommes ses meilleurs partenaires possibles. Alors s’il y a de la rancoeur sur certains sujets, le gouvernement continue à devenir pour nous un partenaire de plus en plus important.
Je considère ça comme un accomplissement formidable qui montre que nous sommes là où il faut être – une voix indépendante de la communauté juive mondiale dans nos conversations avec le gouvernement et un partenaire très puissant du gouvernement quand ce dernier s’adresse aux Juifs du monde entier.
Quand j’étais en train de prononcer mon discours final après l’élection de Bougie, je lui ai dit qu’il était très important de maintenir ce rôle double en symbiose. L’un des défis qu’il aura à relever sera de s’assurer que ce conflit entraîné par son élection restera derrière nous. Parce que si on regarde l’historique des relations entre lui et le Premier ministre, il y a une grande chance qu’il ne reste pas derrière nous.
Et pourtant, il y a des crises. Je pense à plusieurs. La question du Kotel [mur Occidental], celle de la conversion, et la perception d’Israël en tant que sujet de plus en plus partisan aux Etats-Unis, ce qui affecte grandement les Juifs américains. Qu’en est-il ? A quoi votre successeur devra-t-il s’attaquer ?
Ce sont des sujets très importants. A première vue, ils n’ont rien à voir avec la mission première de l’Agence juive.
Parlons tout d’abord de ce que Bougie va devoir faire en ce qui concerne cette mission principale. L’organisation a traversé une révolution identitaire. Au centre de cette organisation, il y avait le mot alyah. C’est ce mot qui est le mandat de cette organisation. Cette dernière est, en quelque sorte, un commissaire du sionisme, qui consistait à mobiliser et à faire venir les Juifs en Israël. Il y a d’autres sujets qu’il faut gérer. L’éducation juive, et ainsi de suite.
Et nous nous sommes dit qu’il fallait être réaliste. L’alyah, aujourd’hui, c’est principalement un choix.
Il y a toujours une nécessité de secourir les Juifs. Nous avons fait venir quelques dizaines de Juifs du Yémen. Cela a été une opération énorme, avec toutes sortes d’éléments particuliers. Il a également fallu amener des Juifs en Israël depuis l’Ukraine, avec la guerre, parfois avec l’aide de nos amis chrétiens.
Mais, à une écrasante majorité, nous gérons une alyah choisie. Israël n’est pas un parent pauvre. C’est un genre de relation différent.
Le principal, c’est de renforcer l’identité juive. Pour qu’il y ait davantage d’alyah, il doit y avoir plus de Juifs. Et pour qu’il y ait plus de Juifs, il faut des communautés plus fortes. Cette idée était considérée comme extrêmement contestable et problématique.

Vous voulez dire, l’idée d’allouer des ressources à la diaspora, de renforcer là-bas les communautés était considérée comme problématique ?
Un ministre a dit qu’il fallait retirer ce mandat à l’Agence juive parce qu’il se trouvait maintenant entre les mains du ministère du Tourisme – qui fait venir des jeunes de la diaspora par le MASA puis qui les renvoie [pour qu’ils soient actifs au sein de leurs communautés dans la diaspora]. Birthright [Taglit]. C’est quoi ? Que le ministère du Tourisme l’organise donc.
Et nous, on dit que c’est comme ça qu’on encourage l’alyah aujourd’hui. Que c’est comme ça qu’on combat l’antisémitisme. Notre approche l’a emporté. Au cours de mes années de présidence, l’alyah a augmenté, passant de 16 à 17 000 personnes à 29 à 31 000 personnes. Cette hausse est principalement due à des personnes qui sont venues ici grâce au programme MASA et qui sont restées, qui sont venues à nos séminaires, dans nos camps d’été.
Nous avons abattu tous les murs entre les objectifs de l’alyah et les objectifs de l’éducation juive. En résultat, il n’y a plus qu’une seule organisation dorénavant. Nos shlichim [émissaires] à Moscou, par exemple, ne sont pas en conflit. Le shaliach de l’alyah et le shaliach de l’éducation bénéficiaient dans le passé du soutien de l’organisation mais sur la base de concepts contradictoires ou qui, plutôt, semblaient contradictoires.
Je me souviens d’avoir rassemblé une fois tous nos shlichim de l’ex-Union soviétique dans une pièce. Il y avait une telle tension… Il y avait de la haine. Les shlichim chargés de l’éducation criaient : Quelle alyah ? Il n’y a pas de Juifs. Vous faites venir tous les goyim. Il doit y avoir une éducation juive. (Les shlichim chargés de l’alyah hurlaient) : Quelle éducation juive ? Autant mettre du vernis sur les ongles d’un cadavre. L’éducation juive ? Qui en a besoin ? Il faut les faire venir ici !
Birthright et MASA étaient comme deux pays différents n’entretenant aucune relation diplomatique
Ce qui est bien, c’est que tous les deux ou trois ans, il y a de nouveaux shlichim. Aujourd’hui, ils n’ont aucune idée qu’il y a pu avoir des problèmes dans le passé. Le monde entier ne forme plus qu’une seule équipe. On peut être le shaliach de Hashomer Hatzair ou de Bnei Akiva, sur un campus, pour une fédération, une synagogue, dans une école. Une équipe. C’est la nouvelle grande révolution sioniste qu’a traversé, selon moi, cette organisation. Maintenant, c’est une organisation unifiée que je vais présenter à Bougie, qui comprend cela très bien.
Il fallait aussi connecter Birthright-Taglit et MASA. Ils étaient comme deux pays différents n’entretenant aucune relation diplomatique. L’un était contre l’Agence juive (Taglit). L’un était au sein de l’Agence juive (MASA). Et maintenant, les programmes travaillent de concert parce qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux. Ceux qui viennent via Birthright peuvent se rendre à un salon du MASA et découvrir quelles sont les différentes pistes à explorer. Et MASA est connecté à l’alyah par le biais de nombreux programmes. Le résultat en est une hausse de l’alyah, qui découle principalement de ça.

Comment se fait-il que nous ayons aujourd’hui presque 50 % de shlichim de plus qui ont en moyenne 12 ans de moins ? La moyenne d’âge était de 38 ans, elle est maintenant de 26. Et pourtant, nous dépensons moins de nos fonds de base pour les shlichim. Les communautés locales paient pour eux.
Dans la majorité des cas, à l’Agence, nous payons 50 % maximum. Et il y a de nouveaux types de shlichim. Sur les campus, le nombre [de shlichim] est passé de 25 à 175 et très rapidement, ils devraient atteindre les 300 parce que l’armée a découvert que c’était très positif pour elle. Il n’y avait pas de shlichim dans les synagogues. Les choses se sont améliorées au moment où le shaliach n’a plus été un commissaire du sionisme mais où il a partagé des objectifs mutuels [avec la communauté juive locale pour renforcer l’identité juive].

Comment pouvons-nous nous renforcer les uns les autres ? On a commencé à se parler directement, au même niveau, et ça nous donne l’opportunité de jouer un rôle plus déterminant dans le dialogue lorsqu’on en vient à des questions comme la conversion, le Kotel et autres. Quand l’approche des deux parties était caractérisée par le paternalisme, on obtenait ce qui équivalait à une campagne de relations publiques mais il n’était pas possible d’avoir une discussion sérieuse. C’est en résultat de ces changements que l’Agence juive joue dorénavant un rôle plus important.
Mais à partir du moment où on assume un rôle important dans ces questions, il y a inévitablement des crises politiques. Ce type de dialogues que nous avons eus sur le Kotel, j’aurais vraiment aimé les organiser quand j’étais ministre. Mais il n’y avait aucun moyen dans la structure politique d’organiser un dialogue sérieux entre le gouvernement et les mouvements réformé et massorti.
Et là, nous avons réussi. Cela semble être un gros échec mais c’est une réussite, même si nous n’avons pas encore connu un vrai happy end. Mais ça avance dans la bonne direction. Parce que le gouvernement est toujours vulnérable face aux considérations de coalition, rien ne se passera jamais en douceur. Et là, il faut être prêt à dire des choses que les ministres ne sont pas prêts à dire pour leur part. Il n’y a aucune autre organisation pour le moment qui puisse représenter les courants [dans leurs échanges] avec le gouvernement. C’est pour ça qu’il y a eu une crise.
Avec Miri Regev (ministre de la Culture qui a démissionné de la commission ministérielle chargée de gérer la construction du pavillon pluraliste de prière), le Premier ministre se sent toutefois obligé d’aller de l’avant et, grâce à Dieu, nous avons trouvé quelqu’un au sein du Likud [Steinitz] qui n’est pas effrayé par sa prise de position au sein du comité central du Likud. Netanyahu se sent obligé parce qu’il y a eu ces quatre ans de négociations [sur l’accord du mur Occidental]. Il y a eu des contraintes définies. Et je suis très content qu’il y ait eu ces contraintes.

D’un autre côté, nous ne voulons pas d’un sens unique – que l’Agence juive soit le moyen de pression qui puisse aider les mouvements réformé et massorti à presser le gouvernement d’Israël. Lorsque Rick Jacobs, notre formidable partenaire, a tenu un propos malheureux sur le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, j’ai dit publiquement ce qu’en j’en pensais. Il m’a appelé. Nous avons eu une conversation téléphonique de deux heures et le mouvement Réformé a dit de nombreuses choses positives à ce sujet, après.
Maintenant il y a un problème très grave que nous, dans le cadre de l’Agence juive, ne pouvons pas résoudre. Il y a eu récemment une nouvelle série de sondages. Les Juifs américains adorent Obama et ils haïssent Trump, et c’est le contraire en Israël. Les raisons en sont très claires. Cela n’a rien à voir avec « Bibi l’arrogant » ou « les impulsions suicidaires des Juifs réformés ». Toutes ces stupidités.

Israël considère la menace nucléaire de l’Iran comme étant la plus importante de toutes. Bibi [Netanyahu] a toujours été très clair là-dessus de 1996 jusqu’en 1998, quand on travaillait ensemble. En tant que haut responsable, c’est son rôle de s’attaquer à ça. Et en cela, il est soutenu par la majorité de la population. Et le fait qu’Obama ait été prêt à transformer le régime iranien en superpuissance locale sans même demander qu’il cesse de menacer Israël l’a rendu objectivement très impopulaire dans le pays, de toute façon.
D’un autre côté, il y a les Juifs américains, pour eux, leur survie passe par la nécessité de renforcer la société américaine libérale, tolérante envers ses minorités. Pour eux, Trump est devenu un symbole de la menace faite à la société-même dans laquelle ils peuvent survivre et prospérer avec joie, en tant que Juifs.
Allons-nous transformer cette asymétrie en sorte de menace éternelle planant sur notre capacité à vivre en tant que peuple uni ? Je pense que nous devons comprendre qu’il y aura toujours des choses sur lesquelles nous serons en désaccord et que nous devons en permanence tenter d’élargir le spectre des éléments sur lesquels nous sommes d’accord pour assurer la survie des Juifs.
Comment voyez-vous aujourd’hui se finir la crise du Kotel en cours ?
Bibi a décidé – c’était très spectaculaire, je pourrais même dire tragique – de se retirer du compromis. Il a dit : « Je le gèle parce qu’il y a deux points que je ne peux pas mettre en place maintenant et auxquels nous devons réfléchir, et un autre, physique, que je peux réaliser ».
Celui qu’il ne peut pas assurer, c’est le contrôle conjoint, et le deuxième, c’est ?…
Une entrée commune.

Comment les avons-nous réunis autour d’une table pour commencer les négociations ? Nous avons dit [aux dirigeants des courants non-orthodoxes du judaïsme], je ne peux pas vous promettre que vous obtiendrez le même partage au niveau du temps que sur la place principale. Mais je pense que votre demande d’égalité sera reçue avec compréhension par le Premier ministre. J’avais parlé, bien sûr, avec le Premier ministre.
Alors quand ils sont arrivés à la table, leur demande était d’obtenir une égalité absolue. Mais c’est très rapidement devenu impossible. En premier lieu, ce n’était pas logique parce qu’après tout, il y a tellement de gens qui viennent plutôt ici (du côté orthodoxe). Et deuxièmement, la Jordanie ne permettrait pas que le pavillon pluraliste soit au même niveau en termes de taille. Et troisièmement, l’archéologie ne permet pas un développement. Il y a donc un grand nombre de restrictions.
L’image qui les a inspirés – on peut dire que je les ai séduits – elle est là. [Sharansky désigne une première esquisse de l’arrangement qui avait été envisagé]. Voilà une place, et voilà l’autre. Elle est au même niveau dans le sens de la hauteur. Elle aurait été aussi visible.
Et à partir du moment où la visibilité est la même, peu importe par où les gens arrivent [sur la place du mur Occidental]. Mais c’est devenu impossible.
Seulement à cause de la Jordanie ?
La Jordanie, comme vous pouvez vous en rappeler, a dit au moment où les négociations débutaient qu’un ancien ministre de droite créait des implantations illégales à proximité d’Al-Aqsa et qu’elle ne permettrait pas ça. Il y avait eu des conversations avec les Jordaniens. Nous avons compris qu’on ne pouvait vraiment pas le faire.
Les archéologues non plus ne l’ont pas autorisé.
Le grand rabbinat voulait que personne ne puisse seulement apercevoir des Juifs réformés. Ils ne devaient pas être vus. Cela a été sa position initiale. Personne ne serait jamais amené à les voir – parce que c’était une mauvaise chose pour les enfants.
Il y a eu des négociations pendant des années. La seule chose qui aurait pu toutefois symboliser l’égalité, c’était une entrée commune. Tout le monde arriverait à travers cette entrée avant de décider d’aller vers la gauche ou vers la droite.
Une entrée commune vers où, vers toute la place du mur Occidental ?
Tout le monde se serait introduit par le biais d’une grande entrée à la porte des Maghrébins, à Shaar HaAshpot. Puis on aurait décidé d’aller là [au Kotel habituel] ou là [à la zone pluraliste].
Le grand rabbinat voulait que personne ne puisse seulement apercevoir des Juifs réformés. Ils ne devaient pas être vus. Cela a été sa position initiale. Personne ne serait jamais amené à les voir – parce que c’était une mauvaise chose pour les enfants. C’était un extrême.
[La position du grand rabbinat était que] il n’était pas possible d’avoir le même espace. Il n’était pas possible d’avoir la même visibilité. Alors, qu’est-ce qu’on pouvait avoir ? Une entrée. Mais il n’était pas possible de garantir une entrée.
Est-ce qu’il n’y a pas une entrée commune maintenant, au stade où en sont les choses, au Kotel ?
Non. Pour aller au secteur réformé, pas besoin seulement de passer la sécurité. On pourrait penser que c’est plus pratique. Non, ça signale que la zone pluraliste, ce n’est pas bien. Parce que cela montre que si vous devez vous rendre sur un site vraiment important, alors traverser la sécurité est une nécessité. Mais que si vous allez sur ce site pluraliste, ce n’est pas nécessaire.
Ils se fichent qu’il puisse y avoir une explosion.
C’est ce qu’ils disent : Il y a d’un côté la porte des Maghrébins, puis un site sans importance. Personne ne le voit. Personne ne le connaît.
C’est une question de reconnaissance et de dignité. C’est que l’Etat juif reconnaît également qu’il y a des gens qui vont prier sur la place pluraliste. Vous ne pouvez pas savoir pendant combien de mois on a débattu d’éléments tels que ce qui pouvait être visible de là ou de là. Pour le rabbin du Kotel, il était très important que là où vont les « vrais croyants », il ne soit pas possible de voir les Juifs réformés prier.
C’est une violation de l’accord. Mais soyons de vrais sionistes. Prenons ce que nous pouvons obtenir et continuons à négocier. C’est ainsi que l’Etat d’Israël a été construit
Alors il faut avoir au moins une entrée et un contrôle de sécurité. Et là, tout le monde reconnaîtra qu’ils ont le même statut aux yeux du gouvernement – que les terroristes ne seront pas autorisés sur la place pluraliste.
Mais ça, Netanyahu ne peut pas le faire. Et il ne peut pas faire non plus le contrôle conjoint. Mais peut-il faire le pavillon ?
Il a dit qu’il pouvait le faire. Il a promis.
Comment peut-il le construire ? Est-ce qu’il n’est pas trop intrusif, trop élevé ?…
Non, c’est ce qui a été convenu… Je l’ai dit aux réformés et aux conservateurs, il faut que nous prenions ce que nous pouvons obtenir. On ne peut pas dire que c’est suffisant : Bien sûr que ce n’est pas le cas. C’est une violation de l’accord. Mais soyons de vrais sionistes. Prenons ce que nous pouvons obtenir et continuons à négocier. C’est ainsi que l’Etat d’Israël a été construit.
Certains disent que non, s’il ne peut pas faire le reste, il ne sera pas capable de faire ça non plus. Et c’est très exactement pour cela qu’il est testé actuellement.
On peut voir qu’avec certains ministres qui devaient faire des travaux pratiques, techniques, donner des approbations techniques, il y a maintenant des problèmes. Mais il semble que Bibi soit déterminé à honorer sa promesse.
Ce qui doit être fait physiquement, ça a déjà commencé : la construction d’une plateforme confortable, permanente, avec une belle entrée. Il y aura des toilettes publiques. Un endroit pour le Sifrei Torah. Tout ce qui sera nécessaire.
Combien de temps ça prendra ?
Un an – si les archéologues ne rendent pas les choses trop difficiles. J’ai parlé avec eux et j’ai été surpris de leur degré d’hostilité.
Pour des raisons archéologiques ?
Parce que tout ça est insensé, disent-ils – Ils [les Juifs non-orthodoxes] ne veulent pas vivre là, ils ne prient pratiquement pas ici – et maintenant on va gâcher l’un des plus importants sites archéologiques. Ils disent qu’on ne peut voir nulle part un tel assemblage formidable de pierres.
Cela me rappelle un peu quand Teddy Kollek [maire de Jérusalem de 1965 à 1993] tentait de me convaincre que la synagogue Hurva, dans la Vieille Ville, ne devait pas être reconstruite – parce que tout le monde verrait ce qu’on nous a fait subir [elle serait restée en ruines]. Moi, en tant que ministre du Logement, j’avais pris la décision de la faire reconstruire. J’ai dit qu’il y avait suffisamment d’endroits où on pouvait voir ce qu’on nous avait fait subir.

Mais ici, on ne parle pas de couvrir [une grande partie du site]. Une très petite partie doit être couverte. Il y a tant d’endroits dans le monde qui sont importants au niveau archéologique, où il y a un plafond de verre.
Les archéologues sont heureux d’avoir des partenaires avec qui torpiller le projet. Bibi doit être prêt à également gérer ça. Mais ils n’ont pas de pouvoir politique.
Vous le voyez agir en ce sens ?
Je pense qu’il va tenir sa promesse.
Alors votre successeur doit faire avancer ça puis retourner plus tard aux autres problèmes ?
Je pense qu’après les élections, les deux autres questions feront leur réapparition.
Est-ce qu’il n’aurait pas été préférable d’avoir un M. Steinitz qui serait tombé à propos plutôt que l’ex-leader de l’opposition Herzog, à la tête de l’Agence qui dirige tout ça ?
Je ne sais pas. Je suis arrivé ici comme allié de Bibi. J’espère que je continue à l’être. Je pense qu’il pense que je suis son allié. Il a été toutefois très troublé lorsque j’ai pris publiquement position. Et il y a eu des conversations très déplaisantes.
Une personne dotée d’intégrité, qui comprend combien elle est importante dans ce type de relations peut offrir un excellent service au peuple juif et à notre Premier ministre.

Je pense qu’il était dans l’intérêt du Premier ministre que je m’oppose à lui. S’il n’y avait eu aucune pression, il aurait tout abandonné. Bien sûr, je suis troublé qu’il ait dû abandonner certains engagements par ailleurs.
Une personne dotée d’intégrité, qui croit en ce que signifie sa position, sortant du Likud ou d’un autre parti, peut jouer un rôle très important. Steinitz a prouvé qu’il pouvait voter, même en tant que ministre du Likud, contre une proposition du Premier ministre. Pour Bougie, ce sera plus facile. Qui sait ? D’un autre côté, Bougie, pas moins que Steinitz ou d’autres, comprend qu’il a besoin du soutien du gouvernement pour réussir et il a besoin de défendre les intérêts de la communauté juive mondiale aussi pour réussir.
Ces deux autres questions où il n’y a pas de progrès constaté sont prisonnières de la politique israélienne de coalition ?
Absolument.
Rien n’avancera sans changement dans cette coalition ?
Mon objectif est qu’à un moment, le Premier ministre décide que son leadership n’est pas en danger ou que c’est important.
Comment pouvons-nous aider sur cette question ? Il faut travailler en direction de l’opinion publique. Nous faisons venir de nombreux membres de la Knesset dans des communautés juives du monde entier pour qu’ils voient que ce n’est pas une fiction. Que c’est réel. Après tout, personne ne veut qu’une grande partie de la communauté juive mondiale ait le sentiment de ne pas être chez elle en Israël.
Et qu’entendent donc ces députés lorsqu’ils vont dans les fédérations, vers les Juifs du monde entier ? Qu’Israël est en train de les perdre ?
Ils comprennent que le judaïsme non-orthodoxe, c’est le vrai judaïsme – ces gens vivent d’authentiques vies juives. Ils luttent en faveur d’Israël. Ils luttent contre l’antisémitisme. Israël fait partie de leur histoire. Les députés passent le Shabbat avec eux. Ils découvrent. C’est très facile quand vous en entendez parler de penser que [le judaïsme non-orthodoxe] est une sorte de secte, hostile au judaïsme, qui ne vit que sur l’assimilation, parce qu’ils ont déjà réussi à assimiler les Américains et qu’ils recherchent maintenant des moyens de pénétrer Israël.
Il y a beaucoup de gens qui sont remplis de préjugés. Et pas seulement des Haredim, au fait. De nombreux laïcs également. Qui disent : Pourquoi devrait-on seulement avoir affaire à ces sectes étranges, avec leurs demandes étranges ?
Ces sectes étranges qui contractent des mariages mixtes ?
Qui contractent des alliances mixtes. Qui abandonnent ce qui est juif en eux. Le mariage mixte est l’expression la plus puissante, non seulement du renoncement à la transmission du judaïsme à la génération suivante, mais même dans leurs propres vies.
De par mon expérience, pour les membres de la Knesset qui ne vont pas habituellement à la synagogue, les amener directement lors du Shabbat dans une synagogue réformée n’est pas toujours une bonne chose. Les amener dans une synagogue massortie est bien mieux. Parce qu’une synagogue massortie n’est pas tellement différente des synagogues où ils évoluent. Mais passer le Shabbat au niveau communautaire, peu importe – réformé ou conservateur.
Soudain, ils comprennent – que plus de la moitié de la communauté juive américaine vit comme ça. Lorsqu’ils rencontrent des membres de l’AIPAC, ils apprennent que 85 % d’entre eux sont réformés et conservateurs. C’est une chose que je leur dis lors de rencontres ou au gouvernement. C’est une sorte de propagande pour eux. Mais lorsqu’ils le voient par eux-mêmes – ça a ouvert les yeux à de nombreux membres de la Knesset.
Est-ce que Miri Regev a fait un tel voyage ?
Miri Regev n’en a pas eu besoin. Parce qu’elle est déjà d’accord avec nous [sur les termes de l’accord du Kotel]. Maintenant, il y a eu un changement. Maintenant, elle a fait un voyage différent – elle a fait un voyage au comité central du Likud.

Vous voyez, Miri Regev a le droit d’avoir une opinion. Le fait qu’elle ait écrit qu’elle ne pouvait pas travailler au sein de la commission qui construit le pavillon parce qu’il s’agissait d’un « cas de conscience » était une erreur. Si c’était un cas de conscience, les choses n’auraient pas pu évoluer ainsi en deux ans. Si c’est une décision politique, alors oui. Bibi a dit qu’il pensait que c’était un bon compromis. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui s’y opposent. Mais nous avons une coalition que j’ai la responsabilité de maintenir. Et c’est pour ça que j’avance cette résolution de geler l’accord. Il n’a pas dit que c’était sa conscience qui l’en empêchait…
Où en est la crise sur la conversion ?
J’ai exprimé quelques désaccords avec [Moshe] Nissim qui a récemment fait des propositions sur le sujet mais je pense qu’il a fait un effort énorme. Je lui ai demandé de changer deux ou trois mots, et je suis prêt à le soutenir. Il a dit que Shas ne l’accepterait jamais. Je lui ai répondu que Shas n’accepterait jamais ses plans en l’état non plus.
Mais regardez, depuis la commission Neeman [qui avait émis des propositions il y a 20 ans] jusqu’à Nissim, tout va dans la même direction. Il est inévitable qu’en fin de compte il y ait bien plus de conversions libérales, donnant l’opportunité à différents courants de s’impliquer… Nous avançons dans cette direction.
Comment Herzog doit-il réagir à l’inquiétude face au détachement affiché par certaines parties de la communauté juive américaine par rapport à Israël ?
C’est l’un des quelques sujets sur lesquels nous avons un dialogue permanent. Nous devons l’encourager. Je voudrais avoir un dialogue plus important à de plus hauts niveaux – avoir, comme cela a été proposé un certain nombre de fois, une sorte de Knesset consultative.
Une sorte de forum où les leaders israéliens et de la diaspora…
Peuvent se rencontrer et discuter publiquement de leurs désaccords. Le même genre que nous avons eu avec le Kotel. Mais il ne faut pas que ça prenne quatre ans à se mettre en place. Et il ne faut pas que ça se déroule à huis-clos. Au moins, toutes les parties pourront être exposées aux arguments soulevés.
Pour une grande part, la distanciation a eu lieu parce que nous ne nous parlons pas directement. Objectivement, nous sommes à des postes d’observation différents. 28 000 travailleurs étrangers – pour certains, c’est très clair : Nous devons défendre notre état juif et démocratique ; il est important de ne rien leur donner. Pour d’autres, nous sommes obligés de leur accorder la citoyenneté en tant qu’État démocratique et juif. Les deux parties ont leurs arguments propres, liés à des parties différentes de notre tradition. Mais parce que nous vivons des situations si peu semblables, nous ne faisons pas l’effort de comprendre celui qui est en face de nous.

Le fait, ici, c’est qu’il y a énormément de gens qui pensent que le judaïsme réformé est une sorte de secte, et qu’ils ne comprennent pas les choses.
D’un autre côté, la plupart des Juifs libéraux américains pensent que tout cela se résume à rendre les armes devant un petit groupe de fanatiques ultra-orthodoxes et que si le Premier ministre n’était pas si faible, tout pourrait être très différent – en ignorant les différences de base, les désirs de base, en fait.

Et quelle en est donc la raison ? C’est que pour la majorité des Juifs laïcs ici, la synagogue à laquelle ils ne mettront pas les pieds, c’est la synagogue orthodoxe. Ils ne leur viendrait même pas à l’idée de ne pas se rendre dans une synagogue réformée (rires). C’est donc un type de mentalité différente – qui nécessite une discussion permanente. Et parce que je suis moi-même impliqué dans une discussion permanente, je comprends les deux points de vue.
Vous pensez qu’il devrait y avoir une sorte de sénat ?
On ne peut l’appeler ni sénat, ni parlement – parce que l’instance n’aurait qu’un rôle consultatif. Un conseil.
Il se réunirait en permanence ?
Ce serait une bonne idée.
Le président Ezer Weizman a convoqué tous les leaders du monde juif – et il leur a demandé pourquoi ils ne faisaient pas l’alyah. Ca a été la fin de la conversation
C’est une proposition de départ pour vous ?
Cela avait été une proposition du président Katsav. Vous vous souvenez d’Ezer Weizman, avant cela ? Il avait convoqué tous les leaders du monde juif – et il leur avait demandé pourquoi ils ne faisaient pas l’Alyah. Ça avait été la fin de la conversation. Et ça a été une réussite énorme : Tout le monde est venu. Mais la première et la dernière chose qu’avaient dit le président avait été : Pourquoi êtes-vous venus pour ça ? Pourquoi est-ce que vous n’avez pas fait l’alyah ?
Il est absolument nécessaire d’avoir ce dialogue. Nous avons tenté de l’organiser.
Il y a une autre accusation – celle que nous devenons très polarisés, que le gouvernement israélien ne traite qu’avec les républicains. Ces accusations doivent être posées sur la table. Un grand nombre d’entre elles se révéleront être des coquilles vides.
Celle-là est vide ?
L’ambassadeur israélien aux Etats-Unis Ron Dermer rencontre autant de démocrates que de républicains. Le fait est qu’il y a de gros changements, une polarisation de la politique américaine. A l’époque de la lutte de la communauté juive soviétique, ce genre de polarisation n’existait pas. S’ils sont démocrates, les gens ne peuvent pas dire qu’ils voient quelque chose de bien de l’autre côté. C’est tout simplement impossible. Cela serait la fin de leur carrière s’ils disaient que Trump a fait quelque chose de bien. Et vice-versa, bien entendu.
Vous pensez qu’Israël est victime d’une Amérique polarisée ?
Oui.
Et que le pays n’a contribué en rien à cela ?
Oui. On peut discuter de cas spécifiques, tels que le déplacement au Congrès de Bibi [pour faire pression contre l’accord nucléaire avec l’Iran en mars 2015].

[Mais les choses seraient différentes] s’il n’y avait pas une telle polarisation en Amérique. Soit vous êtes pour Obama, soit vous êtes contre Obama. On a insulté mon président, qu’est-ce que cela veut dire ?
Nous avons insulté Kissinger. Oh, combien avons-nous insulté Kissinger et Nixon, nous, les Juifs soviétiques. Comment avait-il osé nous trahir en étant opposé à l’amendement Jackson ? Personne n’aurait dit à ce moment-là que nous prenions parti. Aucun républicain n’aurait pu dire que nos raisons d’agir étaient partisanes. L’atmosphère était différente.
Aujourd’hui, on dit : Comment peut-on faire subir ça à notre président ?… Nous maudissions leur président Nixon, on faisait des caricatures de lui parce qu’on pensait qu’il trahissait les Juifs soviétiques avec « Kissinger le Juif ». Et nous n’avons jamais été accusés de le faire pour venir en aide aux démocrates.
Il y a une enquête américaine sur l’intervention russe au cours des élections. Certains oligarques juifs russes sont cités comme y étant liés. Nous avons plusieurs oligarques russes qui ont la citoyenneté israélienne. Y a-t-il des gens dangereux qui ont pu devenir des ressortissants israéliens, qui pourraient tramer quelque chose financièrement et/ou politiquement ?

Lorsque notre grande alyah s’est déroulée, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, on parlait beaucoup de la mafia russe. Quand on a créé notre parti [Yisrael BaAliyah en 1995], il y avait eu sept articles parus dans le Yedioth Ahronoth qui affirmaient que la mafia russe, par le biais d’oligarques, était en train de créer un parti et de conquérir Israël. Il ne reste plus rien de cela parce que tout cela n’était qu’absurdité.
Dans l’histoire d’Israël, il y a eu des espions soviétiques exceptionnels – Markus Klingberg dans les armes biologiques, Udi Adiv. Pas des immigrants depuis la Russie. De bons Sabras. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Y a-t-il des espions qui ont été envoyés par le KGB ? Très certainement. Pour quelles tâches le KGB est-il rémunéré ? Est-ce que ça signifie qu’il faut faire attention aux immigrants russes ? Pas plus qu’aux citoyens israéliens de toute origine ou aux Sabras.
Les espions qui réussissent sont les espions idéologiques. Il n’y a pas d’idéologie aujourd’hui en Russie. Il n’y a pas d’idéologie au sein du KGB. Il y a des intérêts. Tous les services secrets peuvent trouver des gens qui ont des intérêts. Aujourd’hui, nous avons entendu parler d’un député israélien [Gonen Segev] qui serait devenu un espion iranien.
On doit tout autant craindre les Israéliens qui sont allés en Afrique, qui ont travaillé et qui ont été exposés à différentes situations que d’autres. Le fait que vous, David, posiez spécifiquement des questions sur l’alyah russe qui, au fait, a été un succès immense pour Israël, montre que vous aussi êtes exposé à ces préjugés.
Oui et non – même s’il n’y a pas de problème : Vous pouvez m’attaquer.
Pourquoi pas !
Mais vous avez vécu des choses terribles entre les mains du régime soviétique.
Oui.
D’un côté, vous protégez les Juifs soviétiques…
Non, non. Le Shin Bet ou les autres doivent faire leur travail s’agissant des menaces potentielles. Tout ce que je dis, c’est qu’il n’y a aucune raison de penser que le danger potentiellement posé par un nouvel immigrant soit d’une manière ou d’une autre plus important que celui posé par quelqu’un qui ferait son Alyah depuis l’Amérique, ou par un Israélien qui serait en Afrique, ou par un Israélien séduit par un service secret étranger.
Je ne vois pas aujourd’hui comment ces services, et sûrement pas ceux de la Russie, peuvent mobiliser les gens au niveau idéologique. Mais plutôt par les intérêts : Segev était peut-être motivé, c’est ce qu’on dit, par l’argent. On sait qu’il avait été condamné deux fois pour trafic de drogue, pour utilisation d’un passeport diplomatique…
Revenons à ma question : Vous avez été persécuté par l’Union soviétique. Et maintenant vous voyez une intervention présumée dans les élections américaines…
Les Américains doivent faire de leur mieux pour découvrir la vérité au sujet de tout ça. Les Anglais doivent faire de leur mieux pour découvrir la vérité sur l’empoisonnement de [Sergei] Skripal. Arrêtons-nous sur l’histoire de Skripal. Il était un espion américain en Russie. Il a été arrêté et condamné. La Russie n’a jamais échangé ses propres citoyens. Mais Poutine a eu besoin de libérer quelqu’un dans l’urgence et, pour la première fois de l’histoire, ils ont libéré quelqu’un. Et ils feront tout ce qui est possible pour le tuer.
Il faut découvrir la vérité. Le monde libre doit protéger des élections libres de toutes les interventions possibles.
Est-ce que le KGB peut moralement se le permettre ? Bien sûr, il peut moralement se le permettre. Si vous me demandez si nous devons garder ça en permanence à l’esprit, nous inquiéter des dangers des services secrets…
Ce n’est pas ce que je vous demande. Je vous demande si, lorsque vous voyez la Russie d’aujourd’hui – en tant que personne qui avait été persécutée par la Russie d’avant : Est-ce que c’est la même
Russie ?
J’étais activiste dans deux mouvements : le mouvement de la défense des droits de l’Homme et le mouvement juif.
En tant qu’activiste du mouvement juif, je peux dire beaucoup de paroles agréables sur Poutine. En tant que militant dans la défense des droits de l’Homme, je peux dire beaucoup de paroles désagréables contre Poutine.

Pour la première fois dans l’histoire millénaire de la Russie, le leader russe ne fait pas les Juifs.
Au contraire. Il a une attitude très positive envers les Juifs. Il pense que la vie juive est une bonne chose pour le pays, pas une mauvaise. Et c’est vraiment quelque chose de nouveau.
D’un autre côté, il est loin d’être un démocrate. Et s’il a de la sympathie pour Israël en tant que pays juif russophone – et il a véritablement de la sympathie pour Israël – ses intérêts à utiliser l’Iran et la Syrie, stratégiquement, contre l’Amérique restent beaucoup plus importants.
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