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Sheikh Jarrah : La police arrête deux jumeaux qui auraient pris part aux émeutes

Il y a eu une manifestation contre la détention de Muna al-Kurd, suivie par un million d'abonnés sur Instagram où elle poste sur les expulsions ; une journaliste a été arrêtée

Muna al-Kurd témoigne devant le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, le 27 mai 2021. (Capture d'écran/YouTube)
Muna al-Kurd témoigne devant le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, le 27 mai 2021. (Capture d'écran/YouTube)

La police a arrêté une activiste palestinienne dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, dans la journée de dimanche, alors que les tensions dans la ville sont revenues aux niveaux connus avant la guerre à Gaza qui a eu lieu le mois dernier. C’est sa famille qui a fait part de sa mise en détention.

Muna al-Kurd, qui est suivie par 1,3 million d’abonnés sur Instagram où elle consacre ses posts à l’expulsion en suspens des familles palestiniennes de Sheikh Jarrah, a été appréhendée à son domicile, accusée d’avoir pris part aux « émeutes » qui ont eu lieu dans le quartier devenu particulièrement sensible, ces derniers mois.

La police n’a pas répondu à une demande d’informations supplémentaires concernant l’arrestation de la jeune femme de 24 ans qui a par ailleurs été libérée dans la journée.

Le frère jumeau d’Al-Kurd, Muhammad, un autre activiste qui a fréquemment dénoncé les expropriations à venir dans la presse arabe, s’est rendu de lui-même dans un commissariat de la ville, dimanche, après que la police a fait savoir à ses parents qu’elle était également à sa recherche. Il a lui aussi été remis en liberté quelques heures plus tard.

« Israël combat ma fille parce qu’elle raconte l’histoire de Sheikh Jarrah », a estimé le père de Muna, Nabil al-Kurd, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux après son arrestation.

« Elle n’a jamais affiché de violence envers quiconque. L’objectif poursuivi par son arrestation est de la réduire au silence et de réduire au silence les voix qui s’élèvent en protestation dans le quartier », a-t-il ajouté.

Nabil al-Kurd a indiqué que « les policiers ont pris d’assaut la maison en grand nombre et de manière barbare ».

« J’étais en train de dormir et je les ai trouvés dans ma chambre », a-t-il continué. Les forces de l’ordre ont alors perquisitionné l’habitation et ils ont arrêté sa fille. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux la montre menottée et emmenée par la police.

« La raison de cette arrestation, c’est qu’on dit qu’on ne quittera pas nos maisons et qu’on ne veut pas que cette opinion soit exprimée, qu’on ne veut pas que la vérité soit dite », a-t-il poursuivi. « On veut nous réduire au silence ».

L’avocat du frère et de la sœur, Nasser Odeh, a déclaré aux journalistes qui s’étaient réunis devant le commissariat que ses clients ont été accusés de « troubles à l’ordre public » et d’avoir pris part à des « émeutes nationalistes ».

Les activistes ont accusé les forces de l’ordre israéliennes de tenter de « réduire au silence » les voix des opposants à Sheikh Jarrah avant l’échéance donnée au procureur-général Avichai Mandelblit pour soumettre son positionnement concernant les expulsions en suspens – un avis qu’il doit transmettre à la Cour suprême.

Ces expropriations se basent, en partie, sur une loi israélienne de 1970 qui permet aux Juifs de revendiquer des terres qui, à Jérusalem-Est, appartenaient à des Juifs avant 1948. Aucune loi similaire n’existe pour les Palestiniens ayant perdu leur habitation pendant la guerre de l’Indépendance, en 1948, sur le territoire qui forme aujourd’hui l’État juif.

Des dizaines de Palestiniens ont manifesté aux abords du commissariat de Jérusalem où al-Kurd était détenue et les agents ont utilisé des outils de dispersion d’émeutes à leur encontre, notamment des grenades incapacitantes et des fumigènes, ont montré des images postées sur les réseaux sociaux.

Ces arrestations sont survenues au lendemain de celle de la correspondante de la chaîne Al-Jazeera, Givara Budeiri, qui couvrait alors une manifestation organisée dans le quartier de Sheikh Jarrah.

Les forces de l’ordre ont affirmé qu’elle avait agressé les agents, une accusation qu’elle a niée.

Le bureau pour Israël et les Territoires palestiniens de la Foreign Press Association (FPA) a émis dimanche un communiqué de condamnation au sujet de l’arrestation de la journaliste, accusant les policiers d’avoir utilisé une force excessive lorsqu’ils l’ont appréhendée. Budeiri souffre d’une fracture du bras.

« Selon les récits des collègues qui se trouvaient là et selon les vidéos tournées par les passants, elle a été arrêtée sans s’être livrée à des provocations. Elle s’identifiait clairement comme journaliste et elle portait des équipements de protection – avec notamment une veste avec l’inscription ‘Presse’. La police a refusé qu’elle retourne à sa voiture pour qu’elle puisse leur montrer sa carte de presse émise en Israël », a dit l’organisation.

« C’est la dernière tactique en date utilisée par la police, ces dernières semaines, contre des journalistes pourtant clairement identifiés, la dernière tactique dans une longue liste de stratégies lourdes – grenades incapacitantes, gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc, une liste non exhaustive », a estimé la FPA, qui appelé la police à sanctionner les agents impliqués et à permettre aux journalistes de faire leur travail sans être victimes d’intimidation.

« Ils sont venus de partout, je ne sais pas pourquoi. Ils m’ont collée à un mur », s’est souvenue Budeiri. « Ils m’ont poussée dans la voiture de manière très dure… Ils me frappaient. Les coups venaient de partout ».

Une vidéo montre la caméra cassée de la correspondante sur le sol après son placement en détention.

Selon des informations, Burdeiri a écopé d’une ordonnance de restriction lui interdisant de se rendre dans le quartier pendant 15 jours suite à sa libération.

Selon la police, les mouvements de protestation qui étaient en cours, à ce moment-là, étaient l’occasion de jets de pierre et de pétards en direction des agents.

De plus, dimanche, Haaretz a fait savoir qu’au cours de rencontres avec le ministre de la Défense Benny Gantz à Washington, la semaine dernière, de hauts-responsables de l’administration Biden ont exprimé leurs inquiétudes face aux dernières tensions à Jérusalem, soucieux qu’ils n’entraînent d’autres affrontements à Gaza – quelques semaines seulement après le conflit de 11 jours qui a opposé l’État juif et les groupes terroristes de la bande.

Les manifestations qui avaient eu lieu dans la capitale – et en particulier à Sheikh Jarrah et sur le mont du Temple – avaient précipité les tirs de roquettes du Hamas vers Jérusalem, le 10 mai, amenant Israël à lancer son Opération Gardien des murs à Gaza, quelques heures plus tard.

De jeunes Juifs dansent avec des drapeaux israéliens aux abords de la Vieille Ville de Jérusalem, le 10 mai 2021. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)

Les tirs de roquettes avaient entraîné l’annulation de la parade annuelle des drapeaux, à Jérusalem – un événement qui a été reporté à jeudi prochain, ont annoncé ses organisateurs.

Gantz a consulté, samedi, les responsables de la sécurité concernant le défilé prévu. Il a ensuite indiqué qu’il demanderait l’annulation de la marche si cette dernière devait « nécessiter des mesures de sécurité extraordinaires » et « qu’il met en péril l’ordre public et les processus diplomatiques ».

La marche traverse habituellement la porte de Damas et le quartier musulman. Un itinéraire qui est considéré depuis longtemps comme une provocation par les critiques israéliens et palestiniens, les commerçants palestiniens locaux étant dans l’obligation, ce jour-là, de fermer leurs magasins de manière à ce que les forces de l’ordre puissent sécuriser le quartier, à majorité palestinienne, pour les participants nationalistes juifs.

Avant la marche, les responsables de Biden avaient vivement recommandé au gouvernement de Netanyahu de changer le parcours. Si l’État juif s’était, dans un premier temps, refusé à le faire, la police avait accepté quelques heures avant le défilé.

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