Shoah: Un nouveau docu sur Truus Wijsmuller qui avait sauvé 10 000 enfants juifs
Un nouveau documentaire, en streaming jusqu'au 19 mai, explore les sauvetages effectués à ses risques et périls par Truus Wijsmuller pendant la Seconde Guerre mondiale
LONDRES (Jewish News) — Nombreux sont ceux qui n’auraient jamais osé se rendre directement auprès d’Adolf Eichmann qui, en 1938, était responsable de la mise en œuvre de la politique d’émigration juive des nazis, en lui demandant d’emmener 10 000 enfants en Angleterre.
Mais Truus Wijsmuller était différente des autres.
Installée d’un côté du bureau de l’Obersturmführer SS, au siège de la Gestapo – à l’ancien palais Rothschild de Vienne – cette femme, née aux Pays-Bas, avait déclaré à Eichmann que le gouvernement anglais se réjouissait à l’idée d’accueillir de jeunes Juifs âgés de moins de 17 ans et originaires des pays nazis pour un séjour temporaire.
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« Arrangeons cela », avait-elle dit. Lui avait été sidéré. « C’est tellement aryen et tellement dément », avait-il rétorqué.
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Furieux face à cette requête, Eichmann avait proposé une mission impossible à son interlocutrice. Ainsi, si elle parvenait à faire partir en Angleterre 600 enfants, alors elle pourrait en emmener 10 000. Mais cette tâche, avait-il ajouté, devait être menée à bien avant le samedi suivant.
La logistique avait été un problème mais convaincre les parents les plus pratiquants de laisser leurs enfants voyager pendant Shabbat – ce qui est expressément interdit – avait été un obstacle à franchir très différent.
Toutefois, Wijsmuller devait donner tort à Eichmann et elle devait devenir une actrice déterminante non seulement du Kindertransport, mais également dans le sauvetage de nombreux autres enfants à travers toute l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.
Tandis que ceux à qui elle s’était étroitement liée – notamment feu l’humanitaire Sir Nicholas Winton – ont, à juste titre, vu leurs efforts salués après-guerre, la contribution de Wijsmuller reste peu connue même si elle a sauvé des milliers de vie à ses risques et périls.
Son héroïsme incroyable est aujourd’hui au centre d’un nouveau documentaire au Royaume-Uni, intitulé « Truus’ Children ». Il est disponible en streaming depuis le 1er mai grâce au Second Generation Network.
Dans le documentaire, 23 enfants sauvés par Wijsmuller – ils sont aujourd’hui octogénaires et nonagénaires – font part de leurs souvenirs bouleversants de cette femme qu’ils avaient surnommée affectueusement « Tante Truus. »
« Elle avait pensé que je valais la peine d’être sauvé », se souvient l’un des protégés de Wijsmuller qui, elle-même, devait ne jamais avoir d’enfant. « Elle était venue me voir en Angleterre après la guerre, elle m’avait pris dans ses bras et m’avait étreint. Elle m’avait ensuite installé sur ses genoux et elle m’avait appelé ‘Mon enfant’. »
Un autre se rappelle que « nous l’appelions la mère aux mille enfants ».
Difficile, pour un grand nombre de ces survivants, de trouver des mots pour exprimer leur gratitude, ou d’exprimer ce sentiment d’avoir une dette qu’ils ne pourront jamais rembourser. L’un d’entre eux s’exclame : « Elle m’a offert la vie ».
Pamela Sturhoofd et Jessica van Tijn, les réalisatrices, ont passé un peu plus de trois ans à faire des recherches sur la vie de Wijsmuller, découvrant la manière dont cette combattante de la résistance néerlandaise était montée en première ligne et avait défié les dangers pour tendre la main aux autres.
Elles ont appris qu’au lendemain de la Nuit de Cristal, Wijsmuller avait entendu des rumeurs portant sur des enfants juifs qui avaient été emmenés par leurs parents jusqu’à la frontière séparant l’Allemagne et la Hollande, les abandonnant là-bas. Elle s’était rendue elle-même sur les lieux pour en savoir davantage et elle était venue au secours des petits, qu’elle cachait sous sa jupe en les ramenant à Amsterdam. Les réalisatrices établissent que la rencontre avec Eichmann avait éveillé une méfiance profonde chez Wijsmuller, et qu’elle avait décidé de recueillir ces enfants dans sa propre habitation.
Après le début de la guerre, elle et son époux, Joop, s’étaient impliqués auprès des orphelins au Burgerweeshuis à Amsterdam.
Dans un acte particulier de bravoure, elle avait sauvé 74 orphelins le jour de l’invasion de la Hollande par les forces nazies en les emmenant au port et en s’assurant qu’ils embarqueraient sur le tout dernier bateau à destination de l’Angleterre, tandis que les bombes pleuvaient, balancées par les avions du IIIe reich.
Mais elle n’avait pas secouru seulement la communauté juive. Wijsmuller avait sauvé la vie de Thomas Benford Jr, fils d’un célèbre percussionniste afro-américain à Paris, qui n’avait que quelques jours lorsqu’elle l’avait emmené avec elle à Amsterdam.
Wijsmuller avait aussi arrangé l’évacuation de presque 7 000 enfants frappés par la faim d’Amsterdam à la campagne, de manière à ce qu’ils puissent récupérer. Elle avait mis en place l’envoi de colis alimentaires aux enfants des camps de concentration de Westerbork et, plus tard, de Bergen-Belsen et de Theresienstadt.
Même après la guerre, Wijsmuller avait continué à tendre la main aux autres. Elle avait établi un hôpital au Surinam et elle avait été l’une des fondatrices de la maison Anne Frank.
En 1966, elle avait été reconnue comme Juste parmi les nations et une statue à son effigie avait été dévoilée à Amsterdam. Pourtant, hors des frontières de son pays natal, l’histoire de Wijsmuller et ses actes altruistes restent relativement peu connus.
Certains suggèrent qu’elle n’a pas intégré les livres d’Histoire en raison de son sexe. Sturhoofd, de son côté, souligne l’extrême modestie de Wijsmuller.
« Truus n’avait jamais parlé de ce qu’elle avait fait. Elle était très extravertie mais elle était aussi une femme humble et, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, nombreux étaient ceux qui n’évoquaient pas ce qu’ils avaient fait pendant la guerre. Ce qui peut partiellement expliquer pourquoi si peu de gens connaissent son nom », déclare Sturhoofd.
Concernant le nombre de vies que Wijsmuller a pu sauver, Sturhoofd l’estime à bien plus de 10 000.
« C’était certainement plus, » indique Sturhoofd, dont le père juif avait vécu dans la clandestinité pendant la Seconde Guerre mondiale. « Truus ne dormait jamais. Elle allait ramasser des enfants partout, en Allemagne, en Pologne et dans le reste de l’Europe pour les ramener aux Pays-Bas, avant de les faire transporter en Angleterre ou en Palestine. Elle voulait vraiment aider les enfants, c’était la mission qu’elle s’était donnée. »
« Truus avait grandi en ayant conscience de la nécessité d’être présente pour les autres. Quand elle a découvert qu’elle ne pourrait jamais avoir d’enfant, elle avait été très attristée mais elle avait pris la décision de se consacrer au service des autres ».
Si les réalisatrices disent avoir été heureuses de pouvoir révéler l’histoire de Wijsmuller au public, elles affirment avoir été aussi comblées par les rencontres avec les enfants que la résistante avait sauvé des nazis.
« Cela a été vraiment particulier », note Sturhoofd. « Enfin, ils pouvaient raconter leur histoire sur cette femme qui leur avait permis de vivre. Une survivante s’est souvenue de son frère qui était enfermé dans les toilettes alors qu’elle était emmenée à la gare et qui criait ‘je t’en prie, ne pars pas, je t’en supplie, ne pars pas sans moi’. Cela avait été les derniers mots qu’elle avait entendu de sa part parce qu’il avait été tué. C’est terrible de penser aux décisions que certains parents ont été amenés à prendre ».
« Mais il y a eu aussi des histoires incroyables, comme ces quatre sœurs qui ont toutes survécu grâce à Truus. Après la guerre, elles ont retrouvé leurs parents », ajoute la réalisatrice.
« Quand je pense à ce qu’elle a accompli, cela me donne envie de pleurer. Elle a vraiment changé quelque chose parce que, comme le dit un survivant, ‘ce n’est pas moi seulement qu’elle a sauvé – elle a sauvé toutes les générations qui sont venues après’, » continue Sturhoofd.
Vous pouvez regarder le documentaire jusqu’au 19 mai en cliquant sur ce lien et en faisant un don de £8.70 aux Archives Truus Wijsmuller.
Les réalisatrices parleront du documentaire au cours d’un débat virtuel privé hébergé par le Second Generation Network le 17 mai à 18h30 GMT.
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