Israël en guerre - Jour 428

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Si on vous pose la question sur le successeur d’Abbas, n’y faites pas attention

Malgré les ennuis de santé du dirigeant palestinien, l'Autorité palestinienne continue de plutôt bien fonctionner et la population de Cisjordanie ne montre aucun signe de panique

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, en convalescence à l'hôpital, lisant un journal au verso duquel figure une caricature représentant un soldat israélien empoisonnant un bébé palestinien, 22 mai 2018. (Agence de presse Wafa)
Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, en convalescence à l'hôpital, lisant un journal au verso duquel figure une caricature représentant un soldat israélien empoisonnant un bébé palestinien, 22 mai 2018. (Agence de presse Wafa)

S’il n’y a pas de contre-indication de dernière minute, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, devrait pouvoir sortir de l’hôpital dans les jours à venir. (Il devait sortir dimanche matin, mais finalement les docteurs ont préféré qu’il reste hospitalisé)

Son état est bon, disent-ils ; il n’a pas de forte fièvre, il marche et se repose, et il reçoit en permanence des rapports sur les questions diplomatiques et de sécurité.

En bref, après presque une semaine d’hospitalisation à Ramallah, des sources affirment maintenant qu’Abbas, âgé de 83 ans, n’est pas en danger de mort.

Pourtant, son hospitalisation d’urgence dimanche, quelques jours seulement après sa sortie de l’hôpital pour une opération bénigne de l’oreille, ainsi que le flou qui, dans les premiers jours, entourait son état de santé, les rumeurs et les démentis étant omniprésents, a donné l’impression que la question de la succession était plus que jamais d’actualité.

Et pourtant, cette question n’a pas encore trouvé de réponse claire.

Jibril Rajoub, directeur de la Fédération de Palestine de football, tient une conférence de presse le 12 octobre 2016 dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie. (Abbas Momani/AFP)

D’innombrables noms ont été cités dans les médias israéliens, la plupart d’entre eux étant familiers : Le chef des sports palestiniens Jibril Rajoub, le chef du Fatah Mahmoud Aloul, le Premier ministre de l’AP Rami Hamdallah, l’ancien chef de la branche armée du Fatah, Marwan Barghouti, et peut-être même l’exilé Mohammed Dahlane, ancien chef de la sécurité de Gaza. Mais alors que les candidats au poste, et les analystes israéliens jouent au jeu des noms, les Palestiniens ordinaires de Cisjordanie ne semblent pas s’en soucier.

Ils ne sont pas vraiment intéressés par les remaniements de personnel au sein de l’Autorité palestinienne ; ils se concentrent davantage sur l’économie, les emplois et sur le calme relatif des dernières années.

L’ancien président égyptien Hosni Moubarak salue ses sympathisants depuis le balcon de sa chambre de l’hôpital militaire de Maadi, au Caire, le 29 novembre 2014. (AFP/Al-Watan journal/Mohamed Nabil)

A bien des égards, les discussions israéliennes concernant les héritiers d’Abbas rappellent le débat en Israël en 2011 sur les successeurs possibles de l’homme fort égyptien Hosni Moubarak : son fils Gamal, son autre fils Alaa, peut-être son ancien chef espion Omar Suleiman, ou encore Mohammed Tantawi, ancien chef de l’armée ?

Ce débat est devenu sans objet ; Moubarak a été destitué.

Pourrions-nous louper quelque chose de comparable en Cisjordanie en 2018 ? Alors que les Israéliens examinent les différents candidats du Fatah qui semblent prêts à prendre la place d’Abbas, existe-t-il une version palestinienne d’un printemps arabe qui attend dans les coulisses pour le jour après Abbas ?

La situation en Cisjordanie est très différente de celle de l’Egypte avant la révolution de 2011. Mais s’il y a une leçon à tirer de l’observation du Moyen-Orient ces derniers temps, c’est sûrement de ne pas trop croire aux certitudes ostensibles d’antan.

Il y a plusieurs facteurs clés qui semblent rendre improbable un bouleversement radical – ou, s’il y a un changement politique spectaculaire post-Abbas, qui pourrait atténuer les retombées.

Premièrement, la situation économique en Cisjordanie est bien meilleure qu’en Égypte ou à Gaza. La plupart des Palestiniens de Cisjordanie préféreraient le statu quo à une révolution ou à un coup d’État contre l’Autorité palestinienne – principalement pour éviter un retour au chaos qui régnait dans les villes palestiniennes au début du millénaire, avec des milices armées dans les rues et une recrudescence des attaques terroristes contre les Israéliens, ce qui a entraîné un pic correspondant dans les incursions militaires israéliennes dans les centres de population palestiniens. C’était une période d’effondrement économique que peu de Palestiniens de Cisjordanie souhaitent revivre.

Deuxièmement, comme nous l’avons découvert au cours de la « crise » actuelle de la santé d’Abbas, ce que les Palestiniens qualifient de « système » – l’Autorité palestinienne en tant que corps, en tant qu’entité – n’a pas cessé de fonctionner. Au contraire, tout fonctionnait assez normalement. Les fonctionnaires qui gèrent les rouages administratifs de l’Autorité palestinienne et de la faction du Fatah qui contrôle l’Autorité palestinienne ont montré qu’on pouvait leur faire confiance pour remplir leurs fonctions même sans supervision quotidienne directe d’en haut. Cela peut sembler évident pour des institutions politiques et administratives plus établies, mais c’est un signe positif dans le cas de l’AP.

Troisièmement, l’opinion publique palestinienne n’a montré aucun signe de panique ou d’anxiété et n’est certainement pas descendue dans la rue pour soutenir ou s’opposer à Abbas, à son successeur ou à toute forme de révolution.

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas préside une réunion du Conseil national palestinien à Ramallah le 30 avril 2018. (AFP/Abbas Momani)

Le crédit doit être accordé là où il doit l’être. Ce n’est pas seulement l’opinion publique palestinienne qui a assuré le calme ces derniers jours. Les institutions du Fatah-OLP sont bien conscientes que ce sont les années du crépuscule d’Abbas et travaillent dur pour assurer sa propre préservation en assurant la survie de ce « système ».

La longue discussion sur un héritier a largement manqué ce facteur vital : C’est l’élite au sens large qui déterminera ce qui se passe. Ils s’uniront autour d’un candidat ou, s’ils ne peuvent pas le faire, deux leaders ou plus répartiront les responsabilités d’Abbas entre les différentes institutions qu’il dirige : l’OLP, le Fatah et l’AP.

Comment cela pourrait-il se dérouler ? Rien n’est encore certain, bien sûr, mais plusieurs facteurs deviennent clairs.

Ce sont les institutions et les dirigeants du Fatah qui choisiront presque certainement le prochain dirigeant de l’AP, probablement parmi la liste des futurs héritiers nommés ci-dessus.

Mahmoud Aloul, membre du Comité central du Fatah, en janvier 2010. (Issam Rimawi/Flash90)

Aloul est le vice-président du Fatah et une figure centrale parmi les activistes du Tanzim (branche armée du Fatah) dans le nord de la Cisjordanie (il est résident et ancien gouverneur de Naplouse). Cependant, il manque d’influence dans d’autres parties de la Cisjordanie, et il est largement inconnu de la communauté internationale – une arène vitale pour le principal dirigeant palestinien. Il est également relativement peu connu du public palestinien.

Rajoub, secrétaire général du Comité central du Fatah, dispose d’une base de soutien plus solide dans le sud de la Cisjordanie. Il est issu d’un clan de Dura, au sud de Hébron, et est influent à Hébron et à Bethléem. Il est relativement populaire parmi les militants du Fatah, et ses années à la tête de la Fédération palestinienne de football l’ont rendu célèbre parmi les fans de sport et les supporters de football de Cisjordanie.

Il est également considéré comme l’un des dirigeants palestiniens les plus expérimentés sur la scène internationale, bien qu’il se soit disputé avec un allié clé du Fatah, l’Égypte. Il a également une grande expérience des relations avec Israël.

Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Rami Hamdallah, arrive à une réunion du cabinet dans la ville de Gaza le 3 octobre 2017. (AFP Photo/ Mohammed Abed)

Hamdallah, le Premier ministre d’Abbas, est un leader post-Abbas improbable, puisque sa sélection impliquerait que le Fatah choisisse un leader qui n’est même pas membre, une perspective pour le moins improbable.

S’il est important de garder l’esprit ouvert et de se préparer au pire, il y a lieu de croire que les prédictions pessimistes du chaos du « lendemain d’Abbas » sont exagérées, et que l’élite du Fatah sera prête et capable de passer le relais à une nouvelle génération sans trop de drame ou de dissensions internes.

Si cela se produit, aucun des héritiers probables d’Abbas n’est censé apporter des changements politiques majeurs ou déclencher la dissolution de l’Autorité palestinienne.

La question la plus difficile, certainement à long terme, est de savoir comment l’opinion publique palestinienne, et en particulier les jeunes, réagira lorsqu’ils comprendront précisément à quel point peu de choses ont changé depuis le décès d’Abbas. Y aura-t-il du ressentiment et quelles pourraient en être les conséquences ?

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