Six mois après le 7 octobre, des familles d’otages rejoignent les manifestations contre le gouvernement
Ne souhaitant plus cacher leur colère, des proches de captifs détenus à Gaza par les factions terroristes expriment dorénavant clairement leur rejet du Premier ministre et son cabinet
Alors que 129 otages et leurs proches ont fêté le triste demi-anniversaire de la funeste attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, certaines familles ont décidé de changer de ton et d’adopter un positionnement défavorable au gouvernement – un positionnement, disent-elle, qui reflète leur colère, leur immense chagrin et leur déception face à des responsables qui ont été jusqu’à présent dans l’incapacité d’obtenir la remise en liberté de leurs êtres chers.
« Mon frère n’est pas revenu et je considère cela comme un échec de la part du Premier ministre et du gouvernement », commente sobrement Yotam Cohen dans un entretien avec le Times of Israel.
Son frère, Nimrod Cohen, a été pris en otage, le 7 octobre, après avoir été enlevé à Nahal Oz, à proximité de la frontière avec Gaza.
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« Nous ressentons de la peur, de la colère, de la rage », ajoute Cohen. « Nous pensions que mon frère reviendrait mais un accord est encore loin d’être conclu et la seule explication logique, c’est que le gouvernement ne veut pas d’un accord », dit-il, faisant référence aux négociations indirectes et intermittentes entre Israël et le Hamas, des pourparlers où le Qatar, l’Égypte et les États-Unis tiennent le rôle d’intermédiaire.
Pendant les six mois qui se sont écoulés depuis l’enlèvement des 253 personnes qui ont été prises en otage à Gaza – qui ont été traînées de force par les terroristes du Hamas à travers les champs des kibboutz, qui ont été embarquées à l’arrière de pick-ups ou de motos, qui ont été emmenées dans des voiturettes de golfe ou en automobile à travers les rues de Gaza vers des destinations inconnues – les familles n’ont eu de cesse de se battre en faveur de leur retour.
Des familles qui ont été – et qui restent – régulièrement en contact avec les chefs d’État, avec les politiciens et avec les diplomates. Qui sont régulièrement interviewées par les médias. Qui s’expriment lors des rassemblements et des manifestations, s’efforçant en permanence de conserver la cause des captifs sur le devant de la scène.
Elles ont organisé des fêtes dansantes sur la Place des Otages ainsi que des ateliers de yoga et des cercles de prière ; elles ont consacré l’écriture de rouleaux de Torah et elles ont prélevé la hallah, elles ont créé des bannières, des tee-shirts, des panneaux et elles ont hurlé « Ramenez-les à la maison ! » à en devenir aphone.
Elles ont parcouru des kilomètres lors de marches effectuées au nom des otages pendant des jours et elles ont dormi sous des tentes qui avaient été dressées aux abords du ministère de la Défense et de la Knesset. Certaines ont même échangé avec le pape et avec Elon Musk. D’autres ont rencontré des leaders mondiaux au Forum économique mondial de Davos ou se sont entretenues avec le président américain Joe Biden.
De nombreux proches disent ne plus dormir beaucoup, ne plus manger suffisamment – chaque heure de la journée étant consacrée à une seule mission : obtenir enfin le retour de leurs êtres chers.
Mais aujourd’hui, alors que six mois se sont écoulés depuis le 7 octobre, certaines familles ont perdu toute confiance dans la capacité du gouvernement israélien, du cabinet de guerre et du Premier ministre Benjamin Netanyahu à garantir la remise en liberté de leur proche, ami ou parent.
Le frère de Nimrod Cohen, Yehuda Cohen, s’est exprimé lors de la manifestation principale qui avait été organisée en soutien à la cause des otages, samedi dernier, un rassemblement qui a lieu toutes les semaines depuis le 7 octobre. Dans un discours féroce, il a raconté avoir demandé à Netanyahu quel prix Israël était prêt à payer pour le rapatriement de son frère. Sans réponse, a-t-il ajouté.
Cohen a alors estimé que si Netanyahu n’était pas capable d’obtenir la libération de son frère, il fallait qu’il démissionne et qu’il laisse quelqu’un d’autre essayer.
« Nous avons rencontré le Premier ministre, le chef du Shin Bet, toute la chaîne politique et sécuritaire. Nous les avons tous rencontrés et ils disent qu’ils essaient – et pourtant, les otages sont toujours là-bas », a dit Yotam Cohen. « Cet échec est le leur. »
L’expression de ce sentiment de défiance face au gouvernement marque un changement significatif de ton par rapport à celui qui a été adopté par le Forum des Familles d’Otages et des disparus – un changement de message aussi, dans le fond et dans la forme. L’organisation avait été fondée soixante-douze heures après le 7 octobre, avec pour objectif de soutenir les familles des captifs.
Le Forum organise des rassemblements hebdomadaires qui ont lieu le samedi soir ainsi que des marches de quatre jours. Il s’est doté d’une équipe œuvrant à entretenir des relations diplomatiques ; il travaille avec les médias et il crée des affiches, des panneaux, des tee-shirts, des sweats à capuche ou des parapluies.
Mais si le Forum a choisi de faire preuve de diplomatie à l’égard du gouvernement dans le cadre de ses efforts en faveur de la remise en liberté des otages, certaines familles de captifs veulent dorénavant adopter un positionnement différent.
Cohen, pour sa part, explique que sa famille a longtemps tenté de rester neutre et de ne pas accabler le gouvernement – mais que ce n’est plus possible.
La famille a perdu patience et elle ne souhaite plus garder le silence, comme c’est le cas également de la famille d’Ayala Metzger – (dont le beau-père, Yoram, 80 ans a été enlevé au kibboutz Nir Oz) et de celle d’Einav Zangauker (dont le fils aîné, Matan Zangauker, 24 ans, a aussi été kidnappé à Nir Oz).
« Je n’en peux plus », explique Metzger, qui a été arrêtée par la police dans un contexte d’échauffourées entre manifestants et policiers, des heurts qui ont eu lieu, la semaine dernière, aux abords de la résidence de Netanyahu à Jérusalem, au deuxième jour d’un mouvement de protestation de quatre jours qui avait été organisé aux abords de la Knesset.
« Bibi est en train de saboter les pourparlers. Il tient son équipe à l’œil et il passe son temps à les envoyer prendre part aux négociations et à les rappeler en Israël », s’exclame Metzger, utilisant le surnom du Premier ministre. Elle fait ici référence au chef du Mossad, David Barnea, et au responsable du Shin Bet, Ronen Bar, qui participent aux discussions, pour le compte d’Israël, portant sur un accord de cessez-le-feu et de remise en liberté des otages qui sont actuellement en cours, sous l’égide du Qatar et de l’Égypte.
Les rassemblements qui ont eu lieu à proximité de la Knesset, cette semaine, ont été organisés par de multiples organisations anti-gouvernementales et groupes activistes réclamant des élections anticipées. Le Forum des Familles des Otages n’y a pas participé, un exemple qui a été suivi par de nombreux proches de captifs.
Mardi soir, Zangauker, résidente de Sderot qui déclare avoir voté pour Netanyahu dans le passé, a pris la parole devant les manifestants, disant que le Premier ministre était « un Pharaon qui nous inflige la malédiction du nouveau-né ».
« Tant que mon Matan ne connaîtra plus le jour et la nuit, vous ne les connaîtrez plus non plus », a-t-elle déclaré dans un discours interpellant directement Netanyahu. « Vous avez échoué le 7 octobre, sur tous les plans… Vous êtes un obstacle à la conclusion d’un accord sur les otages ».
Metzger partage le même point de vue. « Nous nous sommes rendus compte qu’il est un obstacle », explique-t-il, ajoutant que « nous allons le mettre dehors et, pour ma part, je ferai tout ce qui est possible pour lui faire quitter son fauteuil ».
Cohen déclare que lui et sa famille ont le sentiment qu’ils ne peuvent pas se payer le luxe de faire un choix. « Nous sommes allés à tous les rassemblements du samedi soir », s’exclame-t-il. « Aujourd’hui, nous passons à la vitesse supérieure. Nous allons davantage aux mouvements de protestation. Les rassemblements, seuls, n’apportent aucun résultat. Ce qui entraînera des résultats, c’est de pousser le gouvernement ».
Il n’a pas quitté le Forum – Metzger, elle aussi, est toujours proche de l’organisation – mais il reconnaît que toutes les familles ne voient pas les choses de la même façon.
Certaines d’entre elles, d’ailleurs, restent fidèles au Forum et à ses positionnements.
Meirav Leshem-Gonen, la mère de Romi Gonen, qui est l’une des représentantes des familles d’otage, a affirmé au Times of Israel, cette semaine, que la question des otages n’était pas de nature politique et qu’elle ne pouvait pas être utilisée comme outil politique.
« Il y a des familles qui ont des réflexions bien à elles et elles peuvent être issues de la droite ou de la gauche », a indiqué Leshem Gonen. « Mais le Forum est ouvert à tout le monde et les choses doivent rester ainsi. Le Premier ministre ne m’intéresse pas. Il a un travail, il a des responsabilités et son devoir est de faire revenir les otages ».
Quoi qu’il en soit, les contestataires n’ont pas abandonné le Forum, ni ses activités.
Cohen, par exemple, doit se rendre la semaine prochaine à Malte pour échanger avec des politiciens locaux lors d’un entretien qui a été organisé par l’équipe diplomatique du Forum.
« Nous allons encore échanger avec des politiciens et avec des ambassadeurs de tous les horizons », explique-t-il, « mais sur le territoire israélien, nous pensons que c’est une bonne chose de bousculer le gouvernement et Bibi. C’est lui le responsable ; il a été choisi et sa mission est d’obtenir le rapatriement de tous les otages ».
Charlie Summers a contribué à cet article.
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