Smotrich annonce le transfert de fonds de l’AP à des victimes du terrorisme palestinien
Washington dénonce le ministre israélien des Finances tandis que Paris octroie un don de huit millions d'euros en urgence à l'Autorité palestinienne
Dans ce qu’il a annoncé comme une décision « juste qui fera date », le ministre des Finances Bezalel Smotrich a annoncé sur X le virement aux victimes du terrorisme de près de 130 millions de shekels de recettes fiscales collectées par Israël au nom de l’Autorité palestinienne (AP).
« L’Autorité palestinienne encourage et favorise le terrorisme en versant de l’argent aux familles de terroristes, prisonniers et ex-prisonniers. Pour faire suite aux jugements qui accordent une indemnisation aux victimes de terrorisme, nous avons pris la décision de prélever ces sommes sur les fonds de l’Autorité palestinienne et de les virer aux proches des victimes de terrorisme », a-t-il indiqué.
« J’ai signé l’ordre de virement aux victimes de terrorisme de près de 130 millions de shekels, prélevés sur des fonds gelés de l’Autorité palestinienne. »
« Nous pensons qu’il s’agit d’une décision incroyablement erronée de la part de ce ministre », a déclaré à la presse le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller.
Pour Washington, « ce type de mesure du gouvernement israélien risque de déstabiliser la Cisjordanie et de nuire encore plus à la propre sécurité d’Israël », alors que la guerre dans la bande de Gaza a provoqué une flambée des violences en Cisjordanie occupée.
« Nous avons clairement indiqué au gouvernement israélien que ces fonds appartiennent au peuple palestinien. Ils devraient être transférés à l’Autorité palestinienne immédiatement, ils n’auraient pas dû être retenus, ils ne devraient pas être retardés », a affirmé M. Miller.
Le responsable américain a également fait valoir que l’Autorité palestinienne « a déployé des efforts considérables pour maintenir le calme et la stabilité en Cisjordanie au fil des ans, en particulier depuis le 7 octobre », quand le Hamas a lancé une attaque sans précédent contre Israël, déclenchant une campagne militaire de représailles sans relâche dans la bande de Gaza.
En vertu d’accords conclus dans les années 1990, Israël collecte des fonds pour l’Autorité palestinienne, puis lui reverse cet argent. Mais Israël bloque les recettes depuis le 7 octobre.
Dans un rapport en mai, la Banque mondiale avait estimé que l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas était au bord de l’asphyxie financière, du fait de l’assèchement complet de ses flux de ressources et d’une forte récession de l’économie palestinienne.
La France a de son côté annoncé jeudi l’octroi d’une aide budgétaire d’urgence sous forme d’un don de huit millions d’euros à l’Autorité palestinienne, en proie à une crise financière qui inquiète les chancelleries occidentales.
« Alors que l’ensemble des Palestiniens (est) touché par la crise, cet appui budgétaire contribuera au paiement des salaires de l’Autorité palestinienne, notamment du ministère de la Santé », indique un communiqué du consulat général de France à Jérusalem.
L’AP, qui exerce des pouvoirs limités sur une partie de la Cisjordanie – après avoir été violemment chassée de la bande de Gaza par le Hamas en 2007 – n’a pas été en mesure de verser les salaires de ses fonctionnaires ni en temps voulu ni dans leur intégralité depuis le 7 octobre.
Selon le communiqué du consulat français, Paris entend soutenir l’AP « à hauteur de 16 millions d’euros » en 2024.
Sur X, le consulat évoque un « soutien français à l’AP et à l’établissement d’un Etat palestinien à même d’exercer ses responsabilités (…) y compris à Gaza ».
« Eviter l’effondrement financier de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui c’est la priorité absolue », indique un diplomate à Jérusalem.
« Il y a déjà assez de chaos avec Gaza, pas besoin d’avoir une crise en Cisjordanie aussi, et l’AP est l’option privilégiée pour la bande de Gaza » après la guerre, ajoute-t-il.
Mardi, le Royaume-Uni a annoncé reprendre son soutien financier à l’Autorité palestinienne avec dix millions de livres (environ 11,8 millions d’euros) pour les « services de base et le paiement des salaires ».
« Une Autorité palestinienne forte et efficace est essentielle pour une paix durable », affirmait Londres dans un communiqué.
Le même jour, le Département d’Etat américain annonçait que les Etats-Unis fourniraient 404 millions de dollars (environ 375,8 millions d’euros) supplémentaires d’aide humanitaire « pour soutenir les civils palestiniens » mais pas via une aide directe à l’Autorité palestinienne.
Le 31 mai, l’Union européenne avait, elle, versé 25 millions d’euros à l’AP pour participer au versement des salaires des « fonctionnaires palestiniens de Cisjordanie (…) avant l’Aïd al-Adha », la fête musulmane rappelant le sacrifice d’Abraham, célébrée dimanche.