Suède: les Juifs luttent contre l’appel d’un parti à interdire les circoncisions
Le responsable de la communauté juive a prévenu qu' "il sera complètement impossible de vivre en tant que juif ou musulman en Suède"
Cette semaine, les Juifs suédois ont rejoint la communauté musulmane en protestant contre l’appel d’un grand parti politique pour interdire toutes les circoncisions non-médicales.
Le vote en faveur de l’interdiction de circoncisions sur mineurs s’est tenu à la conférence annuelle du Parti centriste suédois, qui a eu lieu dans la ville de Karlstad samedi. Les représentants du parti ont voté à 314 contre 166 en faveur de l’interdiction, renversant d’anciennes décisions des responsables du parti pour rejeter la mesure.
« Cela signifie que, si la proposition devient une réalité, il sera complètement impossible de vivre en tant que juif ou musulman en Suède », a prévenu le responsable juif suédois Aron Verstädig dans un entretien avec le journal Expressen.
Le vote a été condamné dans le courant de la semaine, y compris par la responsable de son propre parti Annie Lööf.
Déclarant regretter le vote de la conférence du parti, elle a insisté pour dire que le Parti centriste, qui détient 31 des 349 sièges dans le Riksdag, le Parlement suédois, était engagé à « défendre les minorités en Suède et leur possibilité d’y vivre », selon l’Expressen.

« Ce n’est pas un projet que nous voulons faire adopter au Parlement », a-t-elle ajouté.
Le numéro 2 du parti Anders Jonsson a été cité par le Local alors qu’il insistait pour dire que la décision ne visait pas directement les Juifs et les Musulmans. « Ce n’est pas une décision que les responsables du parti voulaient », a-t-il dit, ajoutant que le débat dans la conférence du parti se focalisait sur les droits de l’enfant, pas les pratiques religieuses.
Pourtant, Verständig, le responsable juif qui dirige le Conseil des communautés juives suédoises, a déclaré qu’il était « très surpris et très déçu » par la décision.
Le rabbin Pinchas Goldschmidt, basé à Moscou et président de la Conférence des Rabbins européens, s’est fait l’écho du responsable juif suédois dans sa condamnation de la décision.
« La décision du Parti centriste suédois de promouvoir une interdiction de la circoncision religieuse revient à demander aux Juifs de quitter le pays, l’Etat le plus libéral de l’Union européenne. Nous regrettons le manque de tolérance et la perte de diversité dans la Suède d’aujourd’hui », a-t-il dit.

Mohamed Temsamani, président de l’Association islamique unie en Suède et ancien politicien, a prévenu qu’une telle interdiction reviendrait à réduire la liberté religieuse dans le pays.
Lööf a déclaré aux médias suédois que la direction du parti allait examiner la décision avant de déterminer la prochaine étape.
La circoncision a été la cible d’attaques à travers l’Europe de la part de politiciens de droite qui y voient une pratique étrangère associée principalement à l’immigration musulmane, et des libéraux et athéistes de gauche qui dénoncent un forme primitive d’abus sur mineur.
En Scandinavie spécifiquement, la circoncision non-médicale d’enfants de moins de 18 ans fait l’objet d’un débat qui oppose les arguments d’autonomie et des droits des enfants aux droits et libertés des minorités culturelles et religieuses. Les défenseurs des droits de l’enfant de tous les pays nordiques – la Finlande, l’Islande, le Danemark, la Suède et la Norvège – ont publié une déclaration commune en 2013 proposant une interdiction, même si aucun de ses pays ne l’a encore appliquée.
En octobre 2018, le parti Démocrate, une formation populiste suédoise de droite, a soumis un projet au parlement appelant à une interdiction de la circoncision des enfants, que le texte a décrit comme un abus sur mineurs « d’un autre temps ».
Le JTA a contribué à cet article.