Suite à la répression des manifestations sur les campus, le syndicat de l’Université de Californie autorise une grève
Face à cette initiative - la première en son genre en lien avec la guerre à Gaza - l'administration de l'institution avertit qu'une grève décidée dans le cadre d'une querelle sans relation directe avec le travail serait "illégale"
JTA — Le syndicat représentant les travailleurs au sein de l’Université de Californie (UC) a voté en faveur d’une grève en raison, a-t-il dit, de la prise en charge des mouvements de protestation anti-israéliens par l’administration de l’institution sur ses dix campus.
Le vote majoritaire de l’UN Union, mercredi – le syndicat représente environ 48 000 employés et chercheurs – ne signifie pas que la grève aura effectivement lieu. Il est toutefois le premier vote d’un syndicat sur un sujet lié à Israël depuis le début de la guerre à Gaza, une guerre qui avait été déclenchée par le massacre commis sur le sol israélien par le Hamas, le 7 octobre.
Un vote qui est aussi survenu dans un contexte d’appels, de la part des activistes, au désinvestissement d’Israël lors de la réunion du Conseil d’administration du réseau de l’UC, une réunion qui a été organisée cette semaine. Il a aussi eu lieu plusieurs jours après le démantèlement, à Berkeley, d’un campement pro-palestinien qui avait été dressé par les étudiants – plusieurs autres camps installés sur le même modèle, dans le pays, avaient été aussi levés – une décision prise après que les administrateurs ont accepté d’examiner les options de désinvestissement. Cette entente trouvée entre les étudiants et les responsables d’université a été âprement critiquée par certains groupes juifs, qui ont dénoncé l’absence de conséquence, ou de sanction, pour les manifestants qui, selon eux, ont aidé à créer un environnement hostile pour les étudiants juifs.
Cette semaine également, le président de la Sonoma State University — qui fait partie du système distinct des universités de l’État de Californie – a été placé en congé moins de 24 heures après avoir accepté les revendications des protestataires, qui réclamaient le boycott et le désinvestissement des institutions israéliennes.
Néanmoins, l’UC Union a lié son vote à une problématique différente : celle de la liberté de manifester.
« Au cœur de tout cela se trouve notre droit à la liberté d’expression et à la liberté de manifester pacifiquement », a commenté Rafael Jaime, président du syndicat et étudiant en doctorat à l’UCLA, auprès des médias. « Si les membres de la communauté universitaire sont aspergés de gaz lacrymogène et battus parce qu’ils manifestent pacifiquement sur ce sujet, notre capacité à pouvoir nous exprimer librement est menacée. »
Le syndicat a déclaré que son vote avait aussi été motivé par l’incapacité de l’UCLA à empêcher des affrontements entre les jeunes qui avaient installé le campement anti-israélien et des contre-manifestants pro-israéliens violents, le mois dernier – il avait d’ailleurs déposé une plainte auprès de l’école suite à cet épisode. Les interventions de la police visant à démanteler les campements qui avaient été dressés sur les autres campus du réseau Université de Californie ont été un autre facteur de mobilisation, a poursuivi le syndicat. Le jour du vote, la police avait d’ailleurs dispersé l’un de ces camps sur le campus d’Irvine, arrêtant 50 personnes et notamment des enseignants, après que les protestataires ont occupé un bâtiment.
Les syndicats, dont ceux qui représentent les professeurs en Californie et au-delà, avaient déjà évoqué la question du conflit israélo-palestinien dans le passé et certains avaient même appelé au boycott d’Israël. Les soutiens du syndicat se sont réjouis du vote de ce dernier, saluant une avancée importante à la fois pour l’activisme pro-palestinien et pour le mouvement syndical.
« Des institutions obstinées peuvent résister face aux manifestations et elles peuvent appeler la police pour les disperser mais cette résistance est moins efficace contre les grèves, pour la raison simple qui est que les grévistes sont aussi les travailleurs qui permettent le bon fonctionnement de ces institutions », a écrit avant le vote, au début de la semaine, l’auteur Hamilton Nolan dans le journal In These Times. Il a ajouté que « l’univers offre une belle opportunité de démontrer comment la force de travail peut être utilisée pour atteindre des objectifs politiques plus larges ».
De son côté, l’université de Californie a mis en garde contre l’organisation d’une grève qui serait liée, selon elle, « à une querelle non-relative au travail », ce qui la rendrait illégale. Un porte-parole du bureau du président a indiqué au New York Times qu’une telle grève établirait « un dangereux précédent ».
Le syndicat a affirmé que son inquiétude était profondément liée à la question de l’emploi, déclarant que ses membres ont dû faire face « à des actes d’intimidation et de représailles sans précédent à l’encontre de nos droits, en tant qu’employés des universités ; avec des menaces planant sur la liberté d’expression, sur la liberté de manifester et sur la liberté de l’action collective ». Mais le syndicat a aussi exercé des pressions sur l’administration en faveur d’un « engagement » indispensable, de la part de l’institution, « à se pencher sur les inquiétudes soulevées par les manifestants – des inquiétudes qui se concentrent sur les investissements de l’Université de Californie dans des entreprises et dans des industries tirant des bénéfices des souffrances de Gaza » et il a aussi soutenu les demandes soumises par les protestataires.
Parmi ses autres revendications, le syndicat a demandé à l’université de Californie d’amnistier tous les étudiants ou employés qui avaient été sanctionnés ou arrêtés. Il lui a aussi demandé de révéler ses sources de financement et « de donner aux chercheurs le pouvoir nécessaire pour refuser des financements liés à l’armée israélienne ou à l’oppression des Palestiniens ».
Le vote en faveur de la grève a été adopté par 79 % des personnes présentes, ont annoncé les représentants du syndicat. Il a accordé au conseil exécutif de ce dernier, qui est affilié au United Auto Workers, le droit d’appeler à la grève à n’importe quel moment. Les responsables ont expliqué qu’ils s’intéressaient à la perspective d’organiser des « stand-up strikes », des grèves dont l’intensité se renforce avec le temps, semblables à celles qui avaient été organisées, au début de l’année, par l’UAW, qui rassemble les employés du secteur automobile.
Ce vote a été l’un des actes de perturbation, au sein de l’université, à avoir apparemment été organisé en relation avec la rencontre du Conseil d’administration de cette semaine. A Oakland, des anarchistes ont libéré des centaines de cafards à l’intérieur de l’un des bâtiments de l’université, disant qu’ils voulaient « afficher leur solidarité avec la résistance palestinienne ». Et immédiatement après la conclusion un accord avec le recteur de l’école qui acceptait la création d’un groupe chargé d’examiner de nouvelles stratégies d’investissement éthiques, un grand nombre de tentes ont fait leur apparition sur le site accueillant la rencontre du Conseil d’administration.
Là-bas, le chef des investissements du réseau des universités de Californie a mis l’accent sur ce que coûterait, pour l’université, la réalisation de toutes les demandes de désinvestissement des protestataires. Un coût qui attendrait 32 milliards de dollars dans le portefeuille de 175 milliards de dollars du réseau académique, soit plus de 18% de son total, selon Jagdeep Singh Bachher. Une estimation qui a pris en compte les réclamations des protestataires en faveur du désinvestissement d’entreprises comme Coca-Cola ou Disney et d’une prise de distance d’avec les fabricants d’armes.
Pendant une rencontre consacrée aux investissements, mardi, Bachher a répondu aux demandes des manifestants portant sur la nécessité, pour l’institution, de « désinvestir de toute compagnie ou de tout individu apportant son soutien à Israël » en répondant que : « La réponse à cette question est le gouvernement américain ». Des dizaines d’intervenants, pendant les périodes qui ont été consacrées aux commentaires du public, ont aussi appelé au désinvestissement direct de l’État juif.
« J’apprécie que nous mettions sur la table la question du désinvestissement avec tout ce qui est arrivé sur les campus », a commenté Merhawi Tesfai, étudiant en troisième cycle à l’UCLA, en s’adressant à Bachher pendant la réunion. Il a ensuite ajouté que « nos universités, sur les campus, sont un signal d’alarme anticipé. C’est une question qui est d’ordre national… Nous ne pouvons pas ignorer le problème et nous ne pouvons pas tout simplement ne pas y répondre ».
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.