Israël en guerre - Jour 537

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Sur la piste de « l’ambassade d’Iran » à Tel Aviv

Une immense bannière annonçant l'ouverture d'une ambassade d’Iran interpelle. Est-ce une blague d’artistes ou un signe d'espoir d’une paix avec Téhéran ?

Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

À un certain moment, lundi matin, rapportent des témoins oculaires, une bannière mystérieuse étalée sur quatre étages est apparue sur un immeuble donnant sur la place Rabin de Tel-Aviv, disant : « Prochaine ouverture ici : Ambassade d’Iran en Israël ».

Sur l’affiche, les drapeaux israélien et iranien côte à côte, ainsi qu’un numéro de téléphone pour plus de détails.

Les passants qui ont appelé le numéro de téléphone ont entendu un message en anglais : « Salaam, vous êtes à l’ambassade d’Iran à Tel Aviv. Malheureusement, nous ne pouvons pas répondre au téléphone pour le moment, mais votre appel est important pour nous, veuillez laisser votre nom et numéro après la tonalité, et nous vous rappellerons. »

La plupart des gens interrogés par le Times of Israel étaient suffisamment avertis pour savoir que l’affiche était une farce ou un coup de publicité.

Après tout, l’Iran et Israël n’ont pas de relations diplomatiques depuis la Révolution islamique de 1979. Et pas plus tard que la semaine dernière, un conseiller du président du Parlement iranien a déclaré : « Nous rejetons l’existence de tout Israélien sur cette terre. »

Mais le fait que l’affiche ne suscite qu’une curiosité amusée et rien d’autre (imaginez la même affiche avec un drapeau du Hezbollah ou de l’Etat islamique) dénote des sentiments chaleureux de la part des Israéliens pour le peuple iranien, sinon pour le régime révolutionnaire, datant de la monarchie Pahlavi amie d’Israël en 1979.

La question reste : qui est derrière cela ?

« Vous êtes littéralement la centième personne qui nous le demande », dit un serveur du Gusto, un café italien situé sous la bannière. « Nous n’en avons aucune idée. »

Amir. (Simona Weinglass / Times of Israel)
Amir. (Simona Weinglass / Times of Israel)

À la librairie Green Brothers à côté, un client nommé Amir observe : « La taille de cette affiche est proportionnelle à son caractère délirant. Mais peut-être que dans un avenir lointain, cela deviendra une réalité.  »

Amir, professeur de piano, dit beaucoup aimer le cinéma iranien.

« Même si les films sont faits sous le régime islamique, ce n’est pas du cinéma soviétique et ce n’est pas du cinéma nazi, » dit-il. « Je pense que le pays est moins dichotomique qu’il n’y paraît. »

Réunis par la poésie

Iddo Balas, l’un des propriétaires de la librairie, ajoute : « Je ne me demande pas si effectivement une ambassade iranienne ouvrira ou non. De toute évidence, c’est une campagne menée par un groupe d’Israéliens. Mais je ne suis pas sûr s’ils sont de droite, ou qui ils sont. »

Iddo Balas (Photo de Simona Weinglass)
Iddo Balas (Photo de Simona Weinglass)

Néanmoins, Balas est intrigué.

« Si je dois sacrifier ma librairie au nom de la paix avec l’Iran, cela en vaut la peine. »

Balas plaisante qu’il serait heureux de consacrer une partie de son magasin à des ouvrages en persan, afin que le personnel de l’ambassade sente moins le mal du pays.

« Nous avions effectivement des livres en persan. Il y a un grand marché ici – en juin, nous avons vendu un recueil de poèmes de la poétesse iranienne Forough Farrokhzad, traduit en hébreu. »

Quel est le nom du traducteur ?

« Sivan Balslev. »

Qu’est-ce que Baram veut dire ?

Avant de contacter la traductrice Balslev, le Times of Israel a visité la mairie de Tel Aviv pour voir si quelqu’un pourrait faire la lumière sur l’origine de l’enseigne.

« Je l’ignore », a déclaré le directeur du département de signalisation de la ville, qui a refusé de donner son nom. « J’ai essayé de le découvrir moi-même. »

Dans le bureau du porte-parole de Tel-Aviv, une femme nommée Gabi dit : « C’est une sorte de campagne de PR, nous ne savons pas qui est derrière. »

Vue de la bannière du bureau au 12ème étage du bureau du porte-parole de Tel Aviv (Simona Weinglass/Times of Israel)
Vue de la bannière du bureau au 12ème étage du bureau du porte-parole de Tel Aviv (Simona Weinglass/Times of Israel)

Vous ignorez qui colle des affiches dans votre ville ?

« Nous le savons seulement si c’est sur une propriété municipale. Ici, c’est un bâtiment privé.  »

Mais si l’affiche n’est pas fiable ?

« Si les gens sont choqués par l’affiche et commencent à se plaindre, nous aimerions l’enlever. »

A l’intérieur du bâtiment derrière la bannière, personne ne répond aux coups frappés à la porte. Enfin, une femme âgée accepte de fournir le contact du comité des locataires. Mais personne ne répond à ce numéro.

En quête désespérée d’un indice, le Times of Israel remarque un petit panneau jaune près du haut de l’affiche géante – « Baram ».

Baram est le nom d’une importante société de publicité israélienne spécialisée dans des bannières sur les flancs des bâtiments.

« Oui, cette bannière est la nôtre », dit la femme qui a répondu au téléphone. « Eh bien, en fait, c’est un de nos clients. Ils nous ont demandé de ne pas révéler leur identité. Veuillez laisser votre numéro de téléphone et leurs agents de PR reviendront vers vous quand ils seront prêts à le faire. »

Combien de journalistes ont suivi la même piste d’indices pour arriver à vous ?

« Beaucoup. »

Une future ambassadrice ?

Sivan Balslev, traductrice de poésie persane, est titulaire d’un doctorat, nouvellement créé, de l’Université de Tel-Aviv, dont le thème de la thèse était : « Idéaux, les pratiques et images des masculinités iraniennes au cours de la période de la fin du Qajar et du début de Pahlavi (1870-1940). »

Sivan Balslev (Autorisation)
Sivan Balslev (Autorisation)

Elle est surprise d’être contactée par une journaliste.

« Aucun de mes amis Facebook ne sait qui est derrière la bannière », dit-elle.

Si des relations diplomatiques sont rétablies, Balslev serait-elle intéressée pour devenir ambassadrice ?

« Je ne sais pas si j’ai les compétences diplomatiques pour être ambassadrice, » rit-elle, « mais je serais heureuse d’être l’attachée culturelle. »

Dans ce rôle, dit Balslev, si elle devait choisir un poème à lire à l’inauguration hypothétique de l’ambassade d’Iran, ce serait « O Bejeweled Land », de Forough Farrokhzad.

« Dans le poème, elle se moque du nationalisme exacerbé. Il porte sur la folie du patriotisme. Je voudrais choisir un poème ironique pour une ouverture ironique de l’ambassade ».

Un réseau diplomatique secret ?

A la question de savoir s’il y a un réseau diplomatique secret entre Israël et l’Iran, qui pourrait déboucher sur l’ouverture d’une ambassade, Meir Javendenfar, conférencier d’origine iranienne en politique iranienne au Centre interdisciplinaire de Herzliya, répond : « Pas que je sache ».

« Y aura-t-il une ambassade iranienne en Israël ? » demande-t-il de manière rhétorique. « C’est assez peu probable. Ce serait un miracle. »

Pourquoi ?

« Parce que les Iraniens ne vont pas reconnaître Israël dans un avenir proche. C’est quelque chose de très important pour la légitimité du régime iranien, en particulier s’agissant de leur réputation parmi les extrémistes en Iran et dans la région. »

Javendenfar pense-t-il que si quelqu’un dans le régime iranien entendait parler de la bannière sur la Place Rabin, cela pourrait l’attendrir ?

En fait, dit-il, il y a déjà eu un article sur la bannière sur un site de presse iranien, Parsine.

Javendenfar traduit l’article :

« Un groupe de citoyens israéliens vivant dans les Territoires occupés a affiché une bannière avec les drapeaux de la République islamique et du régime sioniste souhaitant l’établissement de relations entre Téhéran et Tel Aviv. La bannière dit que très bientôt une ambassade iranienne sera inaugurée. Depuis la signature de l’accord sur le nucléaire, malgré les rejets répétés de Netanyahu, un petit nombre de citoyens des Territoires occupés en sont venus à soutenir l’accord et à souhaiter l’établissement de relations entre Téhéran et Tel-Aviv. Cette bannière a été mise en place par des citoyens du régime sioniste qui se disent amis de la paix. »

Qui est derrière la bannière ?

Balslev a une meilleure idée à proposer. « Pensez-vous que les gens de l’ambassade d’Iran à Jérusalem sont derrière tout cela ? Je n’aurais jamais pensé qu’ils puissent avoir assez d’argent pour une bannière comme celle-là.  »

L’ambassade d’Iran à Jérusalem est un projet du Collectif Hamabul Art, un groupe d’artistes basé à Jérusalem. Selon le site web du projet : « Nous sommes un groupe d’artistes qui résident et créent à Jérusalem, en essayent de créer une nouvelle réalité, avec laquelle nous pouvons nous identifier. Une réalité de dialogue entre les peuples, non dominée par les médias et les gouvernements. »

Hamabul est-il derrière la bannière sur un mur qui est probablement l’un des spots les plus chers du pays ? Le groupe a-t-il décidé subitement de déplacer son « ambassade » de Jérusalem à Tel Aviv ?

Sur le mur Facebook de Hamabul, quelqu’un a posté une photo de la bannière avec les mots, « Hamabul n’endosse pas la responsabilité, mais nous sommes contents. »

Membres de l'ambassade iranienne à Jérusalem (Facebook)
Membres de l’ambassade iranienne à Jérusalem (Facebook)

Le Times of Israel a contacté le groupe, mais n’a reçu aucune réponse.

Toutefois, Facebook fournit des indices supplémentaires. En juin, le groupe a lancé un événement Facebook (lien en hébreu), intitulé « Auditions pour l’ambassade iranienne en Israël, » précisément le nom de l’institution qui apparaît sur la bannière Place Rabin.

La page dit : « Pour les Iraniens vivant en Israël et dans le monde, les amateurs et les acteurs de la culture, nous vous invitons à un voyage intéressant tandis que nous ouvrons une ‘ambassade iranienne’ en Israël. »

La page poursuit en disant que le groupe prépare un film et cherche des acteurs pour des rôles non rémunérés. « Les auditions seront filmées. Veuillez venir habillés pour le rôle. »

Hamabul semble se spécialiser dans l’art où les réactions des passants font partie de la performance, comme dans les flashmobs ou les films de Sasha Baron Cohen. Bien que Hamabul ne le confirme pas, il est possible que la bannière elle-même soit le support, tandis que des journalistes, les curieux et tous ceux qui en discutent sur les médias sociaux sont les acteurs.

Peut-être que le projet est de transformer ces réactions en film ? Si tel est le cas, alors Hamabul a atteint son objectif, qui est d’amener les gens à penser et à parler de la raison pour laquelle Israël n’a pas de relations diplomatiques avec l’Iran.

Mais il faudra probablement plus qu’un théâtre de guérilla pour qu’un tel rapprochement se produise.

Meir Javendenfar (Facebook)
Meir Javendenfar (Facebook)

« J’espère sincèrement qu’un jour nous aurons une ambassade iranienne en Israël », dit Javendenfar.

« Nous n’avons rien contre le peuple iranien, nous avons beaucoup en commun avec le peuple iranien. Mais tant que le régime iranien appelle à la mort d’Israël, il éloigne cette possibilité. »

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