Sur l’ancienne route du hajj, les objets « magiques » des sorciers musulmans
L'endroit où les objets ont été trouvés, en 1996 près d'Eilat, fait l'objet de nouvelles fouilles. Les objets étaient peut-être des "talismans" pour un pèlerinage ardu entre Le Caire, La Mecque et Médine
Selon une récente étude de l’Autorité israélienne des Antiquités (IAA), les objets surprenants, découverts accidentellement il y a de cela des dizaines d’années, le long d’une ancienne route de pèlerinage dans le sud d’Israël, ont probablement servi à des rituels de protection ou de magie pour les pèlerins musulmans en route vers La Mecque, il y a quelque 400 ans.
Ces objets, qui comprennent des hochets d’argile, des brûleurs d’encens, des cailloux de quartz colorés et de petites figurines de forme humaine, ont été découverts par hasard par Moti Shemtov, habitant d’Eilat, en 1996, mais leur utilité n’a été comprise que récemment.
Les résultats de l’étude d’une équipe de chercheurs ont été publiés en juillet dans le Journal of Material Cultures in the Muslim World sous le titre « Un assemblage unique d’artefacts magiques islamiques tardifs de Netafim 2 : un bivouac sur le Darb al-Hajj, dans le sud d’Israël », et la plume des Drs Itamar Taxel, de l’IAA, Uzi Avner, du Centre scientifique de la mer Morte-Arava et Nitzan Amitaï-Preiss, de l’Université hébraïque de Jérusalem.
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Ces objets ont été retrouvés non loin d’un bivouac le long de la route de pèlerinage (en arabe, le Darb al-Hajj), qui était l’ancienne route menant du Caire à travers le nord du Sinaï jusqu’à Aqaba, puis à La Mecque et enfin Médine, dans la péninsule arabique. Si la route a été empruntée entre les 7e et 19e siècles, les sites et les structures découverts dans le sud d’Israël semblent n’avoir été utilisés que depuis les périodes mamelouke et ottomane, soit aux 13e et 14e siècles.
Selon un communiqué de presse de l’IAA, les objets ont probablement « servi à des rituels magiques afin de conjurer le mauvais œil, guérir des maladies et d’autres choses encore ».
Les chercheurs estiment que cette découverte « montre que, tout comme aujourd’hui, les populations du début de la période ottomane consultaient des sorciers, en plus de leur croyance formelle en la religion officielle ». Les différents objets ont été retrouvés cassés, ce qui, selon l’équipe, pourrait être le résultat d’un acte délibéré lors d’une cérémonie rituelle.
« On pense que ces rituels étaient pratiqués sur place par une ou plusieurs personnes spécialisées dans les cérémonies magiques. D’après les sources littéraires, nous savons qu’il y existait une demande de rituels magiques au sein de la société. De tels rituels étaient pratiqués quotidiennement en plus des rituels religieux formels – y compris dans le monde musulman – et il est probable que les pèlerins en route vers les villes saintes de La Mecque et Médine ne dérogeaient pas à la règle », notent les auteurs.
La croyance en la magie, la sorcellerie ou le « mauvais œil » est encore vivace parmi les musulmans du monde entier, mais elle est considérée comme incompatible avec l’islam traditionnel, avec parfois des conséquences tragiques. Comme les auteurs le précisent, de telles croyances ont toujours existé au sein de la culture islamique et leur étude montre que la fin du Moyen Âge a été une période propice aux charmes et magies de protection. La culture juive a suivi la même trajectoire, s’agissant de l’acceptation de la magie, et d’anciens « objets magiques » juifs ont également été retrouvés.
Après la découverte de Shemtov en 1996, une fouille officielle a été effectuée par l’IAA. La collection d’artefacts se compose de fragments de hochets ronds en argile, de taille similaire aux balles de tennis de table modernes. Ces hochets auraient contenu de petites pierres qui résonnaient lorsqu’on les agitait. Des hochets similaires ont été découverts en plusieurs autres endroits autour de ce qui est l’Israël moderne. Deux « autels d’encens miniatures » et une collection de petites pierres de quartz arrondies de différentes couleurs, peut-être utilisées pour la divination, faisaient également partie de la découverte, ainsi que des figures humaines et animales. L’analyse de l’argile utilisée pour façonner les objets en céramique indique qu’ils ont été fabriqués en Égypte.
Un objet a particulièrement intéressé les chercheurs, à savoir « une petite figurine de femme nue ou de déesse avec les mains levées », dont la présence « dans le contexte de cette période islamique tardive est assez surprenante en raison de l’interdit des représentations », comme le notent les auteurs. L’objet, retrouvé brisé en plusieurs morceaux, a été restauré par les chercheurs. D’autres fragments, provenant vraisemblablement de figurines similaires, ont été retrouvés au même endroit.
Malgré l’interdiction de la sorcellerie, de telles figurines ont accompagné la pratique des magies « noire » et « blanche » chez divers peuples musulmans et non musulmans du monde islamique et trouvent sans doute leur origine dans la société pré-islamique.
Des dessins de formes humaines, souvent les mains levées, ont été trouvés parmi les incantations et symboles qui décorent plusieurs « bols magiques » utilisés par les magiciens, ce qui renforce l’idée que les figures trouvées dans le sud d’Israël étaient également utilisées pour la magie. Selon les chercheurs, ces bols « étaient utilisés par des personnes de toutes les classes de la société et de tous les groupes religieux et constituaient une composante essentielle de la médecine « alternative » au sein du monde islamique », comparable aux « talismans thérapeutiques … utilisés par les magiciens et sorciers », comme ceux découverts le long de la route de pèlerinage.
Les auteurs pensent que ces objets ont été utilisés par une femme, car il n’était pas rare que les femmes juives et musulmanes de la société ottomane aient un rôle lié à la divination, à la sorcellerie et à la guérison. Il est également possible que celui ou celle qui possédait les objets n’ait pas été un guérisseur, mais plus simplement, « un pèlerin égyptien du hajj versé dans la magie, qui a bivouaqué à cet endroit et ailleurs tout au long de son voyage ».
Les chercheurs notent que ces objets magiques constituent une découverte « réellement exceptionnelle » qui permet de connaître la vie et les comportements des pèlerins musulmans de la région, qui « ont laissé derrière eux des vestiges architecturaux relativement modestes et quelques rares objets ».
Malgré tout, affirme le Dr Omry Barzilai, de l’IAA, son service, en collaboration avec le ministère du Tourisme, souhaite créer une « zone archéologique et touristique régionale » autour de cette route de pèlerinage et des zones archéologiques adjacentes, dont certaines parties traversent ce qui est aujourd’hui les limites municipales d’Eilat.
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