Sur les hauteurs de la mer Morte, une opération pour éviter des pillages
Des bénévoles ont campé pendant les fouilles près de la "grotte des crânes" , qui a pu servir de refuge aux juifs après la destruction du deuxième Temple et pendant la révolte de Bar Kokhba
Dans une grotte haut perchée au-dessus d’une gorge dans le désert de Judée, archéologues et bénévoles mènent une opération visant à protéger des pilleurs d’éventuels trésors, le bleu de la mer Morte visible au loin.
La « grotte des crânes », où cette mission particulière a commencé il y a trois semaines, est ainsi nommée parce que sept crânes anciens y ont été mis au jour en 1960.
En 2014, des pilleurs avaient été photographiés devant la cavité avec un peigne de l’époque romaine et une pointe de flèche du néolithique, vieille de 8 000 ans.
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De nombreuses autres grottes se trouvent dans ce même secteur où ont été découverts, plus au nord en Cisjordanie, les manuscrits de la mer Morte dans les années 1940 et 1950, dont le plus vieux remonte au 3e siècle avant notre ère.
Archéologues et bénévoles ont ainsi un objectif bien précis en explorant la cavité à la recherche de vestiges archéologiques : faire en sorte que, si ces flancs escarpés recèlent encore des trésors comme les manuscrits de la mer Morte, ils ne tombent pas entre de mauvaises mains.
Des équipes disparates descendent de la corniche par un ancien chemin de chèvres, se préservant d’une chute mortelle en se tenant à une corde, jusqu’à atteindre, 80 mètres en contrebas, la grotte, 250 mètres au-dessus du canyon.
Epoque chalcolithique
Dans la grotte même, certains s’insinuent dans les anfractuosités les plus basses de la roche calcaire, s’éclairant avec une lampe frontale. Ils remplissent de pierre et de sable des seaux qui sont rapportés à l’entrée.
Là, des bénévoles tamisent le contenu. Jusqu’alors, ils ont trouvé des restes de mâchoire, un morceau de bois sculpté et un bout de papyrus qui pourrait être précieux.
« C’est quand même mieux que d’aller au boulot », dit l’un des volontaires, Guy Raveh, ingénieur de 39 ans.
Hai Ashkenazi, qui achève son doctorat d’archéologie à l’université de Tel Aviv, tient un bâton sculpté de l’époque chalcolithique. « C’est fascinant de tenir quelque chose dont on se servait il y a 6 000 ans », dit le scientifique de 46 ans parmi les nuages de poussière des seaux qu’on vide.
Les archéologues israéliens pensent que la caverne a servi de refuge aux juifs à l’époque de la destruction par les Romains du second Temple à Jérusalem en 70, et pendant la révolte juive de Bar Kokhba contre les Romains environ 65 ans plus tard.
Elle a aussi servi aux hommes auparavant. Les conditions, sèches et fraîches, sont propices à la conservation des vestiges, dit Amir Ganor, de l’unité de lutte contre le pillage au sein des autorités archéologiques.
En 2009, au cours d’une discrète opération d’infiltration, les autorités israéliennes ont appris qu’un papyrus portant des écrits en hébreu et datant peut-être de la révolte de Bar Kokhba ou même d’avant, était à la vente sur le marché noir.
‘Vol d’antiquités fréquent’
Les vendeurs en demandaient deux millions de dollars. Des agents infiltrés s’étaient fait passer pour des acheteurs et avaient pu récupérer le papyrus et arrêter des trafiquants, rapportent les autorités.
Le papyrus proviendrait de la gorge de Tzeelim et les autorités vont à présent étudier s’il est lié à celui mis au jour au cours des récentes fouilles.
« Le vol d’antiquités est fréquent en Israël, dit Amir Ganor. On prend environ 150 voleurs chaque année. »
Les archéologues ne désespèrent pas de refaire une découverte aussi sensationnelle que celle des manuscrits de la mer Morte. Mais tout ce qui éclaire le passé est le bienvenu, disent-ils.
Israël prévoit de publier en novembre un autre papyrus découvert dans le désert, dit Amir Ganor, sans en révéler davantage.
Le chantier de la « grotte des crânes » s’achève cette semaine. Les autorités espèrent dupliquer l’opération ailleurs.
Parmi les bénévoles qui ont campé près de la grotte se mélangeaient universitaires et jeunes en quête d’aventure qui ont répondu à un appel sur Facebook.
« C’est un peu des vacances pour intellos », dit Martin Abegg, un professeur canadien de 66 ans et expert des manuscrits de la mer Morte, venu tamiser avec un collègue américain de 40 ans.
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