Syrie: sites chrétiens inscrits au patrimoine mondial endommagés par les Turcs
Ankara a lancé une offensive dans la région d'Afrine pour chasser de sa frontière les milices kurdes ; 167 000 personnes déplacées

L’aviation turque a endommagé en Syrie un site archéologique chrétien classé au patrimoine mondial de l’Unesco, alors que les forces d’Ankara avaient engagé une offensive dans le nord-ouest du pays contre l’enclave kurde d’Afrine, ont indiqué jeudi les autorités syriennes.
Les bombardements menés mercredi soir « par des avions turcs », ont visé « le site de Brad, situé à 15 km de la ville d’Afrine, et inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 2011 », a indiqué la Direction générale des antiquités et des musées en Syrie (DGAM) sur son site internet.
Les frappes ont provoqué « la destruction de plusieurs édifices archéologiques importants » et parmi les structures touchées figurent « le tombeau de Saint-Maron, patron de la communauté maronite, et l’église Saint-Julianos qui abrite ce tombeau », selon le chef de la Direction générale des antiquités Mahmoud Hammoud.
Il s’agit de « l’une des plus vieilles églises chrétiennes dans le monde », construite vers la fin du IVe siècle, a-t-il précisé.
La Turquie a lancé le 20 janvier une offensive pour chasser de sa frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG). Ses forces se sont emparés dimanche de la ville d’Afrine, chassant les YPG de l’enclave.
Fin janvier, un temple néo-hittite vieux de 3 000 ans avait déjà été endommagé par les frappes aériennes turques dans le nord de la Syrie. Ankara avait alors assuré que les « vestiges archéologiques » ne faisaient « certainement pas partie des cibles » de son offensive.
Outre le tombeau de Saint-Maron, découvert en 2002 par des archéologues français, la ville antique de Brad comprend plusieurs vestiges chrétiens datant des périodes romaine et byzantine.
« Ce site constitue l’une des plus belles pages de l’histoire du christianisme. Il abrite trois églises, un monastère et une tour de cinq mètres », a dénoncé Maamoun AbdulKarim, l’ancien chef des Antiquités.
« Même les Mongols ne l’ont pas fait », a-t-il déploré à l’AFP.
Il avait récemment tiré la sonnette d’alarme au sujet de villages antiques datant du début du christianisme inscrits en 2013 sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’Unesco, et qui se trouvent dans le secteur de Jabal Samaan, près de la ville d’Afrine.
L’Unesco a déploré à plusieurs reprises « l’immensité des dégâts » causés aux trésors archéologiques et culturels en Syrie depuis le début de la guerre en 2011.
Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a notamment détruit les plus beaux temples de Palmyre lors de son occupation du site.
La communauté maronite joue un rôle politique prépondérant au Liban, où les premiers disciples de Saint-Maron sont arrivés en provenance de Syrie il y a plus de 1.500 ans.
Par ailleurs, quelque 167 000 personnes ont été déplacées par l’avancée des forces turques contre les milices kurdes dans la région d’Afrine (nord-ouest de la Syrie), ont indiqué vendredi les Nations unies.
« L’estimation est maintenant de 167 000 personnes qui ont été déplacées par les hostilités dans le district d’Afrine », a déclaré un porte-parole du bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), Jens Laerke, lors d’un point de presse.
« La plupart, 137 000 personnes, sont partis à Tal Rifaat », a-t-il dit.
Dans le nord-ouest de la Syrie, l’armée turque a déclenché le 20 janvier une offensive pour chasser de la frontière avec la Turquie la milice kurde des Unités de protection du Peuple (YPG), prenant le contrôle total de l’enclave kurde d’Afrine.
« A l’intérieur de la ville d’Afrine, on estime qu’il y a encore entre 50.000 à 70.000 personnes », a spécifié M. Laerke.