Syrie : une énième trêve à Alep brisée par le régime d’Assad
Les raids du régime ont repris rapidement, malgré la trêve de 48 heures déclarée par la Russie
Une nouvelle trêve temporaire dans la métropole dévastée d’Alep en Syrie a été battue en brèche jeudi par des raids du régime sur les quartiers rebelles, quelques heures après l’annonce par la Russie de son entrée en vigueur.
De telles trêves temporaires dans Alep, ville divisée du nord de la Syrie en guerre, ont été régulièrement annoncées ces derniers mois, avant que le front ne s’embrase à nouveau. Les habitants sont victimes d’un côté des frappes du régime et, de l’autre, des tirs de roquettes des insurgés sur les quartiers gouvernementaux.
La Russie, alliée politique et militaire du régime de Bachar al-Assad, a annoncé l’entrée en vigueur de la dernière trêve à partir de jeudi « à 00H01 » (heure locale) et pour 48 heures, afin selon elle de « réduire le niveau de violence » dans la ville meurtrie.
Mais l’annonce russe a cette fois provoqué des grincements de dents à Damas, une source proche du régime affirmant à l’AFP qu’il s’agit d’un « cessez-le-feu conclu de connivence » avec les Etats-Unis qui eux soutiennent l’opposition à M. Assad.
Profitant des quelques heures de répit le matin, les habitants du secteur rebelle ont pu faire leurs achats, pour la première fois depuis le début du mois de jeûne musulman du ramadan début juin, selon un correspondant de l’AFP sur place.
Mais l’après-midi, des barils d’explosifs ont été largués par l’aviation du régime sur les quartiers rebelles. Le recours à cette arme destructrice et qui tue de manière aveugle est dénoncé par l’ONU.
Début juin, les quartiers est d’Alep contrôlés par les rebelles se sont retrouvés assiégés après des frappes intenses sur la route Castello, seule route de ravitaillement pour ce secteur. Mais des véhicules parviennent à acheminer des provisions la nuit, à la faveur de l’obscurité.
« Repos pour les assassins »
Pour les experts, les violences se poursuivront à Alep, deuxième ville du pays et enjeu stratégique du conflit, tant qu’il n’y a pas d’effort véritable pour relancer un processus politique de règlement qui n’a pas encore véritablement démarré entre régime et opposition.
« Les Syriens sont de plus en sceptiques vis-à-vis de ces brefs cessez-le-feu, aussi artificiels et infructueux que les séances de négociations qui suscitent à chaque fois des espoirs puis des déceptions amères », estime Karim Bitar, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques.
« Il semble s’agir encore une fois d’un cessez le feu de convenance, guère adossé à un vrai processus politique », ajoute-t-il.
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a d’ailleurs reconnu que « le dialogue politique n’arrive pas à démarrer », alors que plusieurs sessions de pourparlers parrainés par l’ONU à Genève n’ont pas réussi à jeter les bases d’un processus de négociations viable.
« Cette trêve de quelques heures à Alep ne vise pas à arrêter le bain de sang. Il s’agit plutôt d’un simple repos pour les assassins et les auteurs des tueries », s’est insurgé l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Damas mécontent
L’annonce de la nouvelle trêve est survenue après un avertissement du secrétaire d’Etat John Kerry qui a affirmé que « la Russie doit comprendre que notre patience (…) est très limitée quant au fait de savoir si Assad va ou non être mis devant ses responsabilités » et faire taire les armes.
Mais M. Lavrov a à son tour critiqué Washington qui « ne peut pas ou ne veut pas faire pression sur ses alliés dans la région », en référence à l’Arabie saoudite et à la Turquie qui réclament le départ d’Assad.
A Damas, une source proche du régime a exprimé le mécontentement du pouvoir après l’annonce de la trêve. « A chaque fois que l’armée avance au nord d’Alep (près du Castello) et est sur le point d’assiéger la ville, la Russie intervient pour décréter un cessez-le-feu en connivence avec les Américains. Manifestement, Moscou ne veut pas que nous prenions Alep ».
Le conflit en Syrie, déclenché en mars 2011 par la répression de manifestations proréformes, s’est complexifié avec une multitude d’acteurs syriens, régionaux et internationaux et surtout la montée en puissance de groupes jihadistes comme le groupe Etat islamique (EI). Il a fait plus 280 000 morts et des millions de déplacés et de réfugiés.
En outre, près de 600 000 personnes vivent dans 18 zones ou localités assiégées. L’ONU a annoncé avoir obtenu le feu vert du régime pour acheminer de l’aide dans le quartier rebelle assiégé d’Al-Waer à Homs (centre), où aucune provision n’est entrée depuis trois mois.
Et alors que la guerre a privé le pays de quasiment tous ses revenus, le régime a augmenté fortement le prix des carburants, notamment celui de l’essence qui bondit de 40%.