Tally Gotliv, soutien de la refonte judiciaire, plaidera son cas devant la Cour…
La députée rebelle du Likud a fustigé la décision "déraisonnable" des chefs de la coalition, invoquant là une notion juridique dont elle veut pourtant priver les juges
Tally Gotliv, la députée rebelle du Likud, prévoit de déposer une requête devant la Haute-cour pour dénoncer les sanctions dont elle fait l’objet après une décision la veille par son parti.
Gotliv avait été sanctionnée après avoir rejeté une demande soumise par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui voulait qu’elle retire sa candidature à un siège au sein de la Commission de sélection des juges – une décision qui avait entraîné le chaos au parlement et une défaite humiliante pour le bloc au pouvoir lors du scrutin visant à désigner les deux membres de la Knesset appelés à intégrer le panel.
L’initiative prise par Gotliv, qui soutient avec ardeur le projet de réforme judiciaire avancé par le gouvernement – qui restreindrait les pouvoirs de la Haute cour – et qui réclame maintenant son intervention dans ses déboires personnels a attiré les railleries des personnalités de l’opposition. Elle a notamment affirmé que la décision prise de la sanctionner était « déraisonnable » alors que l’une des mesures-phares du projet de réforme du système de la justice israélien est d’interdire à la Haute-cour de recourir à cette notion juridique de « raisonnabilité » pour examiner les décisions gouvernementales et administratives.
Le président de la coalition, Ofir Katz (Likud), avait annoncé jeudi une série de sanctions contre Gotliv en raison de sa conduite de la veille à la Knesset – une conduite qui avait fait échouer le plan du Premier ministre, qui consistait à faire reporter d’un mois le vote désignant les délégués du Parlement qui seraient intégrés au sein de la Commission de sélection judiciaire.
Lors du scrutin, la députée Likud avait finalement été battue et Karine Elharrar, la représentante de l’opposition, avait été élue.
Gotliv a été destituée de ses fonctions au sein des commissions parlementaires, y compris de son siège au sein de l’influente commission de la Constitution, du droit et de la justice, chargée du projet de loi sur la réforme judiciaire. Il lui est également dorénavant interdit de proposer des projets de loi et de s’exprimer officiellement au nom du Likud à la Knesset.
Quelques heures plus tôt, Gotliv avait affirmé, dans divers entretiens accordés aux médias, qu’elle ne serait pas sanctionnée pour son comportement, avertissant que l’électorat de droite descendrait dans les rues en grand nombre si elle devait être punie. Elle avait aussi déclaré que dans la mesure où le vote, à la Knesset, s’était déroulé à bulletin secret, la discipline de coalition ne pouvait pas s’appliquer et qu’elle était libre d’agir comme elle le désirait sans être pour autant passible de sanction.
Dans une publication parue sur Twitter, vendredi matin, la députée avait continué à se défendre, affirmant que « c’est mon devoir et c’est mon droit d’effectuer mon travail parlementaire à la Knesset. C’est très exactement pour ça que les Israéliens me paient ».
« Me réduire au silence par le biais de sanctions draconiennes et hasardeuses est préjudiciable et illégal », avait-elle ajouté.
« Après avoir enquêté sur le caractère déraisonnable et sur l’illégalité de la décision qui a été prise me concernant, j’ai l’intention de soumettre une note au conseiller légal de la Knesset avant d’avoir recours à la Haute-cour de justice. La Knesset, ce n’est pas le Far-West », avait-elle poursuivi.
Alors que les railleries sur son positionnement se multipliaient, Gotliv avait posté une publication de suivi sur Twitter vendredi après-midi « à ceux qui s’expriment sous la forme de mots d’ordre uniquement ».
« La décision prise de me sanctionner est illégale ! Mon droit à voter et à être élue doit être inconditionnel », avait écrit la législatrice du Likud.
« Cela n’a rien à voir avec la notion juridique du ‘caractère déraisonnable’ (même s’il existe), » avait-elle continué. « Le Likud n’a jamais cherché à saper la Haute-cour de justice ; il s’est battu contre sa capacité à intervenir dans des décisions gouvernementales parce qu’elles étaient qualifiées de déraisonnables par les magistrats ».
Gotliv avait été battue sans pitié lors du vote de mercredi – un scrutin où au moins quatre députés de sa propre formation avaient apporté leur soutien à Elharrar lors de ce vote à bulletin secret. Elharrar avait été élue tandis qu’aucun candidat de la coalition n’avait été choisi, une humiliation politique majeure pour le bloc au pouvoir.
Le Premier ministre avait demandé à la coalition de voter contre Gotliv et contre Elharrar afin de se donner un mois supplémentaire pour remettre de l’ordre dans les rangs de la coalition avant le prochain scrutin – mais les votes de députés du Likud en faveur d’Elharrar avaient fait dérailler ce plan. La coalition devra reprogrammer un nouveau vote pour désigner son représentant au sein du panel.
Dans un entretien accordé au site d’information Ynet, jeudi dernier, Gotliv avait maintenu que le vote en faveur d’Elharrar avait révélé l’existence « de traîtres » au sein du Likud. Elle avait affirmé aussi que la justesse de sa crainte de voir le plan de refonte du système judiciaire israélien « mort et enterré » avait été prouvée et que la coalition ne disposait pas de la majorité nécessaire pour le faire adopter.
Ce n’est pas la première fois que Gotliv se trouve aux prises avec Netanyahu et avec d’autres hauts-responsables du Likud. Pourtant, l’incident aura marqué le niveau le plus bas dans ses relations avec le Premier ministre qui l’avait aidée à brûler les étapes, au sein du parti, de manière à ce qu’elle puisse se présenter à la Knesset. Gotliv, avocate de carrière, avait fait son apparition dans la sphère politique pendant la campagne électorale de l’année dernière et elle était devenue célèbre pour sa défense passionnée de Netanyahu et pour son travail de juriste – où elle représentait fréquemment, devant les tribunaux, des individus accusés de viol ou de harcèlement sexuel.
Gotliv, fervente opposante aux mouvements féministes, avait pris la 25e place sur la liste du Likud, une place réservée aux nouvelles candidates.
La lune de miel entre la nouvelle députée et le cercle de Netanyahu s’était néanmoins achevée peu après les élections du mois de novembre.
Gatliv, connue pour ses provocations, avait accusé les conseillers de Netanyahu, au mois de décembre, d’avoir laissé fuiter dans la presse une information la concernant. Les conseillers lui avaient demandé d’adopter une rhétorique plus apaisée et de devenir plus respectueuse, un appel qu’elle n’avait guère apprécié. Gotliv avait accusé le chef de cabinet du Premier ministre, Tzachi Braverman, d’être misogyne, chauvin et de porter préjudice au parti et à son leader.
En février, Gotliv avait déclaré qu’Esther Hayut, la présidente de la Haute cour de justice, était responsable d’un attentat à la voiture-bélier qui venait d’être commis par un Palestinien, affirmant que les mises en garde lancées par cette dernière concernant le plan de refonte du système de la justice israélien avaient amené l’ennemi à lancer des attaques « après avoir identifié une faille » au sein de la société israélienne.
Netanyahu avait alors émis un communiqué où il prenait ses distances face aux propos de Gotliv, disant que seul le terroriste à l’origine de l’attentat assumait la responsabilité de ce dernier.
Au mois d’avril, Gotliv avait prononcé un discours en soutien au plan de réforme du système israélien de la justice. À cette occasion, elle avait accusé les opposants au projet de traitres, suscitant les condamnations de plusieurs députés de sa propre formation qui avaient estimé qu’elle devait faire preuve de plus de retenue.
Elle s’était aussi querellée avec le législateur David Bitan qui, en avril dernier, avait déclaré qu’elle nuisait à l’image publique du Likud. Elle avait ensuite écrit sur Twitter qu’elle avait pitié de lui car, selon elle, il abandonnait ses principes dans l’espoir d’une clémence de la part des procureurs dans ses propres affaires de corruption.