Taux d’échec scolaire supérieurs à la moyenne chez les Haredim – Rapport
L'Etat a affecté 1,7 milliard de shekels à l'enseignement supérieur pour les ultra-orthodoxes. Les femmes visent un diplôme d'enseignant, malgré une surabondance de professeurs
Marissa Newman est la correspondante politique du Times of Israël

Sur 100 hommes ultra-orthodoxes qui fréquentent un campus universitaire adapté à leur communauté dans le but d’obtenir un diplôme de premier cycle, 76 abandonneront bien avant l’obtention de leur diplôme, selon un rapport accablant du contrôleur de l’État publié cette semaine.
Depuis 2011, le gouvernement israélien a investi plus de 550 millions de shekels (137,5 millions d’euros) et affecté plus de 1,1 milliard de shekels supplémentaires (275 millions d’euros) d’ici 2022 à des programmes universitaires pour la communauté ultra-orthodoxe, dans une opération de grande envergure pour intégrer les Haredim dans le monde du travail israélien.
L’augmentation du budget a accéléré la création rapide de dizaines de filières d’études pour les hommes et les femmes ultra-orthodoxes à travers le pays, en grande partie dans des milieux non mixtes, dont un grand nombre ont été créées en tant que ramifications d’universités et de collèges privés.
Mais alors que le nombre d’étudiants ultra-orthodoxes dans les programmes universitaires a presque doublé en huit ans, les trois quarts des hommes, et plus de la moitié des femmes, abandonnent leurs études sans avoir obtenu leur diplôme, selon un rapport du médiateur qui souligne plusieurs défaillances.
La plupart des étudiants inscrits dans ces établissements, a déclaré le médiateur Yossef Shapira, sont des femmes qui poursuivent des études en éducation, malgré un surplus d’enseignants sur le marché du travail qui a poussé une écrasante majorité d’éducateurs formés (86 % parmi les Haredim) à chercher finalement un emploi dans d’autres domaines.

En outre, a-t-il ajouté, le Conseil de l’enseignement supérieur a négligé d’examiner les programmes enseignés dans ces écoles pour s’assurer qu’ils répondent aux normes universitaires nationales.
L’effort du gouvernement visait à augmenter les niveaux d’emploi des hommes ultra-orthodoxes (56 % des hommes Haredi sont employés contre 90 % des Juifs israéliens non-Haredi) et des femmes (70 % d’entre elles sont employées contre 80 % chez leurs homologues femmes non-Haredi).
Mais la grande majorité des diplômés de ces programmes sont des femmes (78 %), selon le rapport, et les écarts dans le nombre de Haredim ayant fait des études universitaires comparativement au reste de la population demeurent considérables.

En 2014, parmi les 25-35 ans, seulement 2 % des hommes et 8 % des femmes Haredi avaient un diplôme universitaire, contre 28 % des hommes juifs israéliens laïcs et 25 % des hommes juifs religieux israéliens, et 43 % des femmes juives israéliennes laïques et religieuses dans ce groupe d’âge.
Parmi l’ensemble de la population, un tiers des Israéliens juifs (33 %) ont un diplôme universitaire, selon une enquête du Pew Research Center réalisée en 2016. La communauté Haredi représente environ 11 % des Israéliens, et beaucoup de ses membres masculins renoncent à l’emploi et à l’enseignement supérieur laïc en faveur de l’étude de la Torah à plein temps.
Sur 100 hommes Haredi qui commencent leurs études, 24 obtiendront leur diplôme.
Le rapport du contrôleur de l’État a évalué ces programmes de 2011 à 2018.
Avant l’offensive du gouvernement en 2011, le pays comptait quelque 6 000 étudiants ultra-orthodoxes dans une poignée d’écoles non mixtes adaptées aux besoins de la communauté. Au cours de l’année scolaire 2016-2017, alors qu’une vingtaine d’universités ultra-orthodoxes avaient vu le jour, ce chiffre est passé à 11 465 étudiants, mais n’a pas atteint l’objectif fixé par l’État de 14 500 étudiants, et a diminué de quelque 500 en 2017-2018.
Le nombre d’étudiants comprend ceux qui sont inscrits à des cours préparatoires pré-universitaires obligatoires, qui peuvent durer un ou deux ans avant que les étudiants soient admis à suivre des cours de premier cycle. Ces programmes d’études complémentaires ont connu des taux d’abandon élevés chez les hommes et les femmes ultra-orthodoxes au cours des dernières années, selon le rapport du médiateur.

Les tendances en matière de décrochage persistent parmi ceux qui fréquentent l’université, de sorte que pour une classe de 100 hommes ultra-orthodoxes poursuivant des études de premier cycle, 46 abandonneront avant même d’entrer à l’université, et seulement 24 obtiendront finalement leur diplôme, selon le rapport. Parmi les femmes Haredi, un peu moins de la moitié – 47 % – qui entament le processus termineront leurs études.
Le contrôleur a attribué cette tendance à divers facteurs, notamment les difficultés à combler le fossé scolaire chez les hommes Haredi, dont la plupart n’apprennent pas les mathématiques ou l’anglais après le collège (les filles Haredi poursuivent leurs études secondaires, mais pas au niveau du bac) ; la difficulté de s’adapter aux exigences scolaires, comme les examens, et le fait que bon nombre des élèves de Haredi sont mariés et parents de jeunes enfants au moment de l’inscription.
Le médiateur a reproché au Conseil de l’enseignement supérieur de ne pas s’être attaqué aux taux d’abandon scolaire et l’a exhorté à envisager des moyens de lutter contre ce phénomène.
En raison de ces tendances, a dit le contrôleur, bien que les programmes visent en grande partie à faciliter l’intégration des hommes au marché du travail, 78 % des diplômés Haredi sont des femmes.
Et 44 % ont suivi des études dans le domaine de l’éducation.
Une surabondance d’enseignants
« La part du lion des Haredim qui ont obtenu un diplôme universitaire dans le cadre du programme sont les femmes qui ont obtenu un diplôme en éducation, un domaine dans lequel il y a un grand surplus d’enseignants Haredi, et la plupart ne sont pas employées dans le système éducatif », a écrit le médiateur Yossef Shapira.
Jusqu’à 88 % des enseignantes ultra-orthodoxes diplômées et 63 % de leurs homologues masculins travaillent dans d’autres domaines, selon le rapport, qui cite des chiffres du Bureau central des statistiques.
Parmi les étudiants ultra-orthodoxes qui fréquentent actuellement un établissement d’enseignement supérieur Haredi, 29 % étudient l’éducation, 19 % les sciences sociales, 10 % l’administration et la gestion des entreprises, 10 % « l’assistance sanitaire », 9 % l’ingénierie et l’architecture et 9 % les mathématiques, statistiques et informatique. Environ 7 % poursuivent des études en droit et 7 % dans d’autres domaines.

Bien qu’il soit informé de cette tendance, le groupe de travail du gouvernement chargé de superviser le financement des programmes des universités ultra-orthodoxes, dont le Conseil de l’enseignement supérieur, a continué à investir dans les programmes d’enseignement, a accusé Shapira.
« Si c’est le cas, l’État investit une grande partie de ses ressources pour encourager les femmes à apprendre un métier où l’offre dépasse de loin la demande », a-t-il écrit.
Que leur enseignent-ils ?
Le contrôleur de l’État a également reproché au Conseil de l’enseignement supérieur de ne pas avoir examiné la matière enseignée dans les programmes des collèges ultra-orthodoxes pour s’assurer qu’elle est conforme à ses normes académiques.
Bien que ces programmes existent depuis 2000, « jusqu’en 2012, le Conseil de l’enseignement supérieur n’a pas examiné leur qualité académique », a-t-il accusé.
En 2012, le conseil a annoncé qu’il réviserait les programmes d’études pour s’assurer que le niveau d’études des filières Haredi corresponde à celui de ses écoles mères. Mais à partir de 2018, seuls quatre des 35 programmes d’études ultra-orthodoxes du pays ont fait l’objet d’une révision, malgré des signes d’“écarts” entre les cours enseignés dans les filières, comparativement aux collèges et universités.
Un pas dans la bonne direction ?
Malgré ses critiques pessimistes sur plus de 50 pages de son rapport annuel, Shapira a également semblé saluer ces programmes comme un pas dans la bonne direction.
« L’intégration réussie des Haredim dans la population active – en particulier des hommes, dont la part est encore trop faible – est un intérêt économique national qui exige des changements profonds dans diverses parties de la société israélienne, y compris dans la communauté Haredi. C’est dans la nature du changement profond que les choses commencent pas à pas, et ce n’est qu’après coup qu’on peut voir la distance parcourue.

« Si ce rapport relève des lacunes dans la mise en œuvre des plans visant à rendre l’enseignement supérieur plus accessible aux ultra-orthodoxes, il ne fait aucun doute que des mesures ont déjà été prises sur la voie du changement. Toutes les parties impliquées dans ces processus devraient surveiller régulièrement les progrès des programmes, fixer des objectifs mesurables d’amélioration du rendement et des réalisations, et corriger les lacunes détaillées dans ce rapport qui entravent l’atteinte de l’objectif fixé par le gouvernement ».
En réponse au rapport, le Conseil de l’enseignement supérieur a déclaré qu’il étudierait les conclusions et s’est engagé à augmenter le nombre d’étudiants dans les programmes ultra-orthodoxes.
« Compte tenu du fait que l’augmentation du nombre d’étudiants Haredi a été plus modérée que prévu, le Conseil de l’enseignement supérieur a annoncé son intention d’évaluer d’autres moyens d’atteindre son objectif », a-t-il déclaré.
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