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Tel Aviv : La « salle des colères » aide des Israéliens touchés de près par le 7 octobre

Malgré des bienfaits thérapeutiques discutables, 2Break offre une catharsis momentanée : destruction d'ordinateurs, de services à thé et de nains de jardin à l'aide d'une variété d'armes

Illustration : Une session de 2Break, à Tel Aviv, en 2017. (Crédit : Capture d'écran)
Illustration : Une session de 2Break, à Tel Aviv, en 2017. (Crédit : Capture d'écran)

La musique retentit tandis que deux personnages vêtus de combinaisons intégrales, de plastrons, de casques encombrants et de gants se déchaînent violemment sur un ordinateur à l’aide de pieds-de-biche. Des morceaux de matériel informatique et des tasses de thé brisées jonchaient déjà le sol de la pièce très éclairée, semblable à une cellule, et les murs en liège recouverts de graffitis tremblaient sous la force de leurs coups.

Dix minutes plus tard, les deux destructeurs masqués sont revenus à la réalité, se débarrassant de leur équipement pour révéler deux amis rieurs en jeans qui fêtaient un anniversaire, avant de prendre un moment près de la fontaine d’eau pour se remettre de leur séance de « colères ».

Le duo venait de terminer sa séance à 2Break, une « salle des colères » à Tel Aviv qui offre l’expérience unique de pouvoir se laisser aller et de casser toutes sortes d’objets.

Situé près du marché Sarona dans le centre-ville de Tel Aviv et ouvert pour la première fois en 2015, l’espace est souvent utilisé comme une attraction pour les locaux qui cherchent à s’amuser – mais il a pris un nouveau rôle, semi-thérapeutique, depuis le pogrom du 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes palestiniens dirigés par le Hamas ont lancé un assaut barbare et sadique sur le sud d’Israël, assassinant près de 1 200 personnes et en enlevant 251 autres dans la bande de Gaza.

La « salle des colères » de mise en scène de 2Break, à Tel Aviv, en juin 2024. (Crédit : Jennifer Korn)

Les participants entrent par une ruelle sombre et s’équipent dans une salle de stockage jonchée de boîtes vides et d’objets attendant d’être détruits – bibelots, distributeurs de boules de chewing-gum, ordinateurs et céramiques. Une fois préparés, ils se dirigent vers les zones de destruction pour l’événement principal : 20 minutes de casse sans interruption. Il existe toute une série d’options – notamment le choix de l’arme, des objets à détruire et de la musique – qui permettent de personnaliser l’expérience, mais l’objectif est le même : la destruction.

Pour les survivants des massacres contre le Festival Supernova et les villes situées dans la zone de « l’enveloppe de Gaza » – la région connue en hébreu sous le nom d’Otef Azza -, 2Break est devenu un lieu sûr où ils peuvent exprimer leur colère en brisant des services à thé, des ordinateurs et des nains de jardin. L’entreprise a accueilli des dizaines de survivants, leur donnant un accès spécial et leur apportant des touches personnalisées, par exemple en limitant l’utilisation de confettis, que certains survivants ont jugés traumatisants.

« Avant la guerre, l’endroit était réservé aux anniversaires, à l’amusement, aux rendez-vous. Nous n’avions pas réalisé à quel point il pouvait s’agir d’une séance thérapeutique », a expliqué Danna Kushnir, responsable du marketing de 2Break. « Depuis que la guerre a éclaté et que les gens ont commencé à nous demander de rouvrir, nous avons réalisé que c’était un outil puissant pour les aider. »

Le concept de « salle des colères » n’est pas nouveau. Elle serait née au Japon en réaction à la récession mondiale de 2008. Depuis, des lieux où l’on peut exprimer sa colère et évacuer son anxiété par la destruction se sont multipliés dans le monde entier. Les personnes à la recherche d’une catharsis par la casse peuvent trouver des établissements similaires à 2Break dans le monde entier, notamment à New York, Buenos Aires, Londres et Bangkok.

Illustration d’une session de 2Break, à Tel Aviv, en 2017. (Crédit : Capture d’écran)

Après avoir fermé ses portes pendant près de deux semaines au commencement de la guerre, 2Break a progressivement rouvert ses portes à la fin du mois d’octobre, à la demande des personnes directement touchées par l’assaut. Depuis, le centre a accueilli des dizaines de survivants du Festival Supernova, dont une visite de quinze festivaliers a été diffusée sur la chaîne publique Kann, ainsi que des personnes des kibboutzim d’Otef Azza qui ont perdu des êtres chers et ont été confrontées à une détresse extrême.

« En fin de compte, sur le plan émotionnel, ce qui nous reste, c’est moins de tristesse, plus de colère », a déclaré un survivant présenté sur Kann, expliquant comment le processus de destruction des choses a été ressenti comme un moyen d’évacuer cette colère. Un autre a expliqué qu’il avait transformé mentalement un ordinateur de la salle des colères en l’un des terroristes qui avaient tué ses amis, et l’avait réduit en miettes.

Bien qu’il soit généralement réservé aux personnes âgées de 12 ans et plus, 2Break a fait quelques exceptions pour les survivants. Une fillette de 8 ans, qui a perdu son père lors du pogrom du 7 octobre, a essayé la salle et a trouvé un nouveau moyen d’exprimer ses émotions.

« Elle était très émotive, mais aussi très heureuse et énergique », a déclaré Kushnir. « Elle pouvait enfin exprimer ses émotions, car les enfants en bas âge n’ont pas pour habitude de parler de ce qu’ils ressentent. »

Équipement de protection pour les participants à 2Break, la salle des colères, à Tel Aviv, en juin 2024. (Crédit : Jennifer Korn)

Si bon nombre de survivants considèrent l’expérience comme un mécanisme d’adaptation positif, les psychologues soulignent qu’il existe peu de recherches scientifiques sur les salles des colères en tant qu’outil thérapeutique.

« Certaines personnes pourraient y aller, et cela pourrait peut-être les aider. Pour d’autres cela pourrait être un déclencheur. Cela dépend vraiment de chaque cas », a déclaré Dr. Jesse Spiegel, psychologue clinicien agréé basé à Los Angeles, qui n’a pas traité de survivants de Supernova.

« Le fait de se retrouver avec d’autres victimes peut favoriser un sentiment d’appartenance, de compréhension, etc. Je ne dirais pas que cela doit se faire dans une salle des colères. Il peut s’agir d’un autre type de rassemblement qui peut être utile et qui n’implique pas nécessairement un acte violent », a estimé Spiegel.

Les employés de la salle des colères affirment que les expériences des survivants ont été profondément émotionnelles, les visiteurs quittant leurs séances en état de choc après la libération physique et émotionnelle qu’entraîne la destruction des objets in situ.

Alon Stempler, employé de 2Break, dans la salle des colères, à Tel Aviv, en juin 2024. (Crédit : Jennifer Korn)

« Lorsque les participants de Nova viennent ici, ils se sentent détendus, comme si un poids leur avait été ôté. Pendant un moment, ils peuvent se reposer. Ils peuvent s’éloigner des cauchemars qui clignotent comme des horreurs dans leurs yeux », a expliqué Alon Stempler, employé de 2Break.

« Une fois qu’ils en ont terminé, ils ont l’air souriant. Ils se sentent paisibles, calmes, un peu comme leur ancien ‘moi’ qui a été anéanti le 7 octobre », a-t-il ajouté.

Alon Stempler, réserviste de l’armée israélienne, a déclaré qu’il avait essayé la chambre des colères. Il dit avoir ressenti une immense relaxation, et que le processus avait rendu ses souvenirs les plus douloureux un peu moins pénibles.

Selon Kushnir, l’impact de la salle des colères est dû à son lien entre l’esprit et le corps, qui pousse les participants à se dépenser physiquement pour soulager leur stress.

Une sélection d’armes permettant d’anéantir des objets inanimés, dans la salle des colères de 2Break, à Tel Aviv, en juin 2024. (Crédit : Jennifer Korn)

« C’est une activité qui fait appel à toute votre énergie, comme une séance de gymnastique très, très intense », a-t-elle expliqué. « Parfois, ce n’est que 20 minutes après être sorti de la salle que l’on s’arrête et que l’on se dit : ‘Ô mon Dieu, qu’est-ce qui vient de se passer ?' »

Une séance à 2Break coûte généralement entre 300 et 800 shekels, en fonction des objets choisis, mais de nombreux survivants de Supernova ont bénéficié d’une entrée gratuite.

Certains visiteurs de la salle des colères reviennent presque tous les mois. Kushnir a déclaré que 2Break espérait travailler directement avec des thérapeutes pour trouver un moyen de rendre les bienfaits pour la santé mentale plus importants et plus significatifs.

En attendant, le thérapeute Spiegel a minimisé les effets bénéfiques sur la santé mentale : « Un survivant voudra peut-être s’y essayer. C’est quelque chose d’envisageable, mais il est évident qu’il faut procéder avec prudence », a estimé Spiegel.

Illustration d’une séance à 2Break, à Tel Aviv, en 2017. (Crédit : Capture d’écran)

Indépendamment de l’impact plus profond de 2Break, les survivants continuent de rechercher des moyens de se réadapter et sont souvent laissés dans l’expectative. Nombre d’entre eux déclarent avoir quitté la salle des colères en ne prononçant qu’un seul mot.

« Nous entendons beaucoup de ‘Wow’ », selon Kushnir.

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