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Tiré des archives : la vie dans le « ghetto de Shanghai »

Chronique de la vie mouvementée des Juifs réfugiés en Chine pendant la Seconde Guerre mondiale

Une petite fille juive et ses amies chinoises pendant la Seconde guerre mondiale. Cette photo fait partie de la collection du musée des Réfugiés juifs de Shanghai (Crédit : Wikimedia Commons)
Une petite fille juive et ses amies chinoises pendant la Seconde guerre mondiale. Cette photo fait partie de la collection du musée des Réfugiés juifs de Shanghai (Crédit : Wikimedia Commons)

JTA a rapporté la semaine dernière que le quartier de Shanghai qui abritait environ 20 000 réfugiés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale serait ajouté au registre Mémoire du monde de l’UNESCO.

Si les réfugiés fuyant les nazis qui se sont installés à Shanghai ont certainement connu un meilleur sort que leurs parents et amis qu’ils ont laissés derrière eux en Europe, la vie dans la « Perle de l’Orient » était tout de même agitée.

La vie à Shanghai semblait prometteuse, lorsque les premiers réfugiés juifs allemands, beaucoup d’entre eux des médecins et dentistes, sont arrivés peu de temps après l’arrivée d’Hitler au pouvoir.

La communauté locale était apparemment tellement reconnaissante devant les compétences professionnelles de ces réfugiés que le JTA titrait un article de 1934 « Les médecins juifs allemands poussent la Chine à être reconnaissante envers les nazis ».

Dans cet article, JTA mentionne que, d’après un journaliste américain travaillant en Chine, environ 100 médecins juifs exerçaient à Shanghai :

« Pendant le peu de temps où ils ont vécu dans la ville, ils ont fini par être considérés comme un ‘cadeau d’Hitler à l’Extrême-Orient’. En vertu de leurs compétences médicales, ils ont contribué à un territoire qui souffrait depuis longtemps d’une attention médicale insuffisante. »

« Les médecins juifs allemands, déclarait le journaliste, se sont distingués comme faisant partie des chirurgiens et des médecins généralistes les plus experts de Shanghai. »

En 1937, l’occupation de la Chine par le Japon a apporté à la fois de bonnes et mauvaises nouvelles pour les Juifs de Shanghai.

Des mauvaises : la conquête de Shanghai fut précédée par des mois de combats, et pendant cette période, décrite par JTA comme une « guerre non déclarée », les rabbins de la ville ont qualifié la situation des Juifs de « désespérée ».

« Les quartiers juifs de cette ville frappée étaient surveillés par un régiment juif du corps des volontaires de Shanghai, qui veillaient à protéger la propriété des habitants, éteindre les incendies et évacuer les Juifs des zones dangereuses… »

Des bonnes nouvelles aussi : sous l’occupation japonaise, Shanghai est devenue une « ville ouverte », offrant un refuge à des milliers de Juifs qui n’avaient nulle part où aller.

Beaucoup de ceux qui avaient eu des difficultés à obtenir les visas nécessaires pour quitter l’Europe ont reçu l’aide de Feng Shan Ho, un consul général chinois à Vienne en 1938-1939, qui fut plus tard surnommé le « Schindler de Chine » et qui a risqué sa vie pour délivrer des visas à des milliers de Juifs.

Une rue de Shanghai aux alentours de l'année 1943 (Crédit : Wikimedia Commons)
Une rue de Shanghai aux alentours de l’année 1943 (Crédit : Wikimedia Commons)

Une fois à Shanghai, les Juifs ont tenté de se créer une nouvelle vie, quoique temporaire. Un quotidien juif, le Shanghai Jewish Chronicle, a été fondé en 1939. La même année, Benjamin Wylie, directeur général du South China Morning Post et du Hong Kong Telegraph, a exprimé de grands espoirs pour l’avenir des Juifs en Chine:

« Shanghai est pleine de réfugiés juifs d’Europe centrale, déclare Wylie. Ce sont des hommes professionnels et des industriels qui cherchaient refuge. Et je crois qu’ils accompliront de grandes choses pour la Chine. Je crois qu’ils industrialiseront le pays comme il se doit ; qu’ils enseigneront aux Chinois d’excellents procédés de fabrication. »

Mais la vie n’était pas souriante pour tous les Juifs de Shanghai. Selon un rapport de 1939 du JTA :

« Environ 20 % de tous les réfugiés juifs de Shanghai ont réussi à obtenir un emploi d’un genre ou d’un autre. Le reste des gens dépendent des allocations accordées par les trois comités de réfugiés à Shanghai. Il y a déjà eu plusieurs cas de suicides parmi les réfugiés juifs. »

En 1943, sous l’injonction de l’Allemagne, les Japonais ont parqué les Juifs dans une petite section du district de Hongkou.

La zone, connue sous le nom du « Ghetto de Shanghai », était surpeuplée et insalubre, même si les conditions n’étaient pas considérablement meilleures dans le reste de la ville. Des maladies telles que le typhus et la famine étaient endémiques depuis des années.

La moitié de la population juive a survécu grâce à des dons de charité ou d’autres fonds privés, a rapporté JTA en 1944.

Les mois suivant la défaite du Japon en 1945, des milliers de Juifs ont quitté Shanghai. Certains sont retournés en Allemagne et en Autriche pour récupérer leurs propriétés, tandis que d’autres ont rejoint la Palestine, les États-Unis, l’Australie et divers pays d’Amérique du Sud.

Ceux qui se trouvaient encore en Chine fin 1948 ont dû affronter un nouveau problème : la révolution chinoise.

Le 22 décembre 1948, JTA rapportait que les soldats nationalistes avaient « pillé les maisons » des Juifs de Shanghai :

« La crainte d’un pogrom à Shanghai dans l’intervalle entre le retrait des nationalistes chinois et le rétablissement de l’ordre par les forces armées des communistes chinois grandit parmi les réfugiés juifs ici. La période de transition devrait être très dangereuse pour les Juifs et les autres personnes déplacées dans la ville. »

Grâce aux efforts de diverses organisations de secours juifs, la plupart des réfugiés juifs ont pu fuir le chaos.

Plusieurs groupes sionistes ont pratiquement fait le tour du monde pour arriver en Israël : naviguant vers San Francisco, puis voyageant en train à travers les États-Unis (les trains étaient « gardés » afin qu’ils n’essaient pas de descendre et de rester illégalement dans le pays), puis embarquant sur un autre navire pour l’Italie, et de là, sur un dernier bateau en direction d’Israël.

En 2006, lorsque 108 anciens habitants de Shanghai sont retournés dans la ville pour une « Réunion Rickshaw », René Willdorff, l’organisateur de 78 ans, a raconté au JTA ses expériences après leur arrivée de Berlin en 1939 :

« Mon père a succombé à la maladie en 1942, alors ma mère et moi avons vécu dans des conditions de quasi-famine. »

Mais, tient à dire Willdorff, « les Chinois sont des gens très gentils et doux, qui ne nous ont jamais dérangés. Peu leur importait si nous étions des Occidentaux ou des Juifs. Ils nous laissaient tranquille. Les Japonais qui ont occupé Shanghai avaient également du respect pour les Juifs quand nous vivions parmi eux. »

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