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Tribunal rabbinique de Jérusalem : pas d’annulation de l’accord prénuptial, pas de guet ?

Pénaliser un homme qui a refusé d'accorder à son épouse le divorce constitue une coercition, établit le jugement, même si les deux parties ont souscrit à cette stipulation

Yaakov Schwartz est le rédacteur adjoint de la section Le monde juif du Times of Israël

Un homme devant la cour rabbinique de Jérusalem, le 1er mars 2011. Illustration. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Un homme devant la cour rabbinique de Jérusalem, le 1er mars 2011. Illustration. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Un tribunal rabbinique de Jérusalem est en train de rendre plus difficile encore un processus de divorce déjà compliqué pour les couples qui signent des accords pré-nuptiaux, selon le site Srugim.

La cour rabbinique régionale de Jérusalem a refusé d’accorder le divorce à un couple qui avait signé un accord prénuptial jusqu’à la déclaration en nullité de sa clause essentielle. Cette dernière, mise en place par l’avocat du couple, exigeait que l’homme paie une pénalité pour chaque mois de refus du guet – l’acte de divorce juif religieux – si la femme devait le réclamer.

La cour rabbinique régionale de Jérusalem a statué que la clause constitue une coercition et qu’elle n’a pas l’autorité en termes de loi juive pour déclarer le divorce, même si les deux parties ont été satisfaites de cette stipulation prénuptiale.

La loi juive exige que l’homme présente à son épouse les documents de divorce qui doivent être donnés et reçus volontairement. Une femme n’a pas le droit d’initier une procédure de divorce.

Un document signé par 44 rabbins qui dénoncent l'utilisation des accord prénuptiaux (Autorisation)
Un document signé par 44 rabbins qui dénoncent l’utilisation des accords prénuptiaux (Autorisation)

« Si l’époux n’accorde pas le guet dans les 120 jours qui suivent la demande de l’épouse, ce dernier est dans l’obligation de payer une pension de 10 000 shekels par mois depuis la date de la demande de divorce jusqu’à ce qu’il accorde en pratique le divorce et ce indépendamment des revenus de la femme, qu’il s’agisse du fruit de son travail, de ses biens ou de n’importe quelle source », disait la clause.

Le jugement du tribunal s’inspire de précédents et d’autorités anciennes et modernes. Il a établi que « les parties doivent soumettre un accord signé au tribunal selon lequel l’article sus-mentionné est nul, et après approbation de l’accord, il n’y aura plus aucune entrave à leur arrangement pour le Get ».

La décision prise par le tribunal rabbinique n’a été qu’une affaire de temps. Au mois de juillet, 44 rabbins ont signé une proclamation disant que les accords prénuptiaux sont voués à l’échec dans un cas de divorce.

Parmi ces autorités religieuses, le chef du tribunal rabbinique régional de Jérusalem, le rabbin Uriel Lavi qui, malgré sa position stricte dans cette affaire en cours, a accordé en 2014 le divorce à une femme au nom de son époux plongé dans le coma, un sacrifice qui a été important pour lui au niveaux politique et professionnel.

Rabbi Dov Lior, one of the defendants in the new legal action, speaks at a rally outside the Supreme Court in Jerusalem in July 2011 (photo credit: Nati Shohat/Flash90)
Le rabbin Dov Lior à un rassemblement devant la cour suprême à Jérusalem en juillet 2011. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)

« Cet accord [prénuptial] est contraire aux fondamentaux de la Halakha [loi juive] et peut mener à de graves problèmes de divorce et d’adultère, ainsi qu’à la destruction du caractère sacré de la vie de famille. Le principe d’une telle convention a d’ores et déjà été déclarée nulle et non-avenue par le Grand rabbinat d’Israël », a écrit Dov Lior, ancien rabbin de Hébron et de Kiryat Arba sur la proclamation s’insurgeant contre les accords prénuptiaux.

Le rabbin David Stav, président de l’organisation Tzohar qui prône la souscription d’accords prénuptiaux chez les couples désireux de se marier, a déclaré au Times of Israël qu’un grand nombre de signataires de cette proclamation n’avaient pas eu accès à tous les faits au moment où ils ont signé le document et qu’ils seraient nombreux à n’être finalement pas opposés aux accords prénuptiaux – sur la base de la loi juive – tels qu’ils sont présentés par Tzohar ou le conseil rabbinique d’Amérique.

Et encore, a-t-il dit, il a compris pourquoi le tribunal rabbinique de Jérusalem avait trouvé ce cas particulier problématique.

« Cet accord, signé par un avocat, n’a pas été fait par un rabbin et il contrevient à quelques principes halakhiques et un certain nombre de rabbins orthodoxes ne sont pas d’accord », a dit Stav.

Le Rabbin David Stav (Crédit: Yossi Zeliger/Flash90)
Le Rabbin David Stav (Crédit: Yossi Zeliger/Flash90)

Dans l’idéal, un homme donne le guet à son épouse lorsqu’elle le lui demande. Toutefois, dans certains cas, les hommes ne s’exécutent pas, utilisant ce refus pour parvenir à extorquer des bénéfices financiers ou un accord de garde privilégié des enfants. Dans les cas les plus extrêmes, le guet sert d’outil de marchandage à la seule fin d’exercer des violences psychologiques sur l’épouse sans aucun autre profit.

« Les lois du mariage et du divorce dans ce pays sont une violation majeure des droits de l’Homme », estime le docteur Susan Weiss, directrice du Centre pour la justice des Femmes, des propos confiés au Times of Israël. « Les femmes ne sont pas traitées à égalité avec les hommes – les femmes peuvent être dans une position où elles ne divorceront jamais si leurs époux ne leur accordent pas la liberté ».

Weiss prend la défense des femmes en Israël qui ont tendance à entrer dans des négociations de divorce de manière désavantageuse comparativement à leurs partenaires. Le mariage et le divorce relèvent exclusivement du grand rabbinat et un divorce civil n’est pas une option. Le rabbinat opère conformément aux statuts religieux soulignés dans la Bible et dans le code de la loi juive.

L'avocate Susan Weiss, fondatrice et directrice du Centre pour la justice des femmes (CWJ), à une conférence de presse au Jerusalem Press Club. le 29 mars 2016 (Photo: Amanda Borschel-Dan / Times of Israel)
L’avocate Susan Weiss, fondatrice et directrice du Centre pour la justice des femmes (CWJ), à une conférence de presse au Jerusalem Press Club. le 29 mars 2016 (Photo: Amanda Borschel-Dan / Times of Israël)

Il y a des situations dans lesquelles l’épouse refuse d’accepter le guet et où l’homme se trouve dans l’impossibilité de divorcer. Néanmoins, les implications halakhiques dans l’éventualité où un homme établirait une nouvelle relation amoureuse avec une femme alors qu’il est encore techniquement marié sont significativement moindres.

Pour contourner de telles situations, ces dernières années, un grand nombre d’institutions orthodoxes en Israël comme Tzohar et Itim ainsi que des groupes de défense des droits des femmes – notamment le Centre pour la justice des Femmes – ont approuvé la signature d’accords prénuptiaux avant le mariage.

Ces conventions peuvent offrir une sécurité supplémentaire pour les femmes si elles désirent mettre un terme à leur union.

Les femmes à qui le divorce n’est pas accordé par l’époux sont appelées des « agunot », ou femmes enchaînées, et sont dans l’incapacité de se marier ou d’entretenir une nouvelle relation. Un enfant né alors que l’épouse est encore ‘enchaînée’ est considéré comme mamzer, ou illicitement conçu, et il lui est interdit d’épouser la majorité des autres Juifs.

Illustration: Le grand rabbin français Haim Korsia, à droite, avec une femme orthodoxe française qui a attendu 29 ans avant d'obtenir son mandat de divorce le 16 mai 2017 (Autorisation)
Illustration: Le grand rabbin français Haim Korsia, à droite, avec une femme orthodoxe française qui a attendu 29 ans avant d’obtenir son mandat de divorce le 16 mai 2017 (Autorisation)

En 2006, le Conseil rabbinique d’Amérique (RCA), l’une des plus importantes organisations rabbiniques orthodoxes dans le monde, a adopté une résolution attestant que « dans la mesure où il y a un problème significatif d’agunah en Amérique et à travers tout le monde juif, aucun rabbin ne devrait officier lors d’un mariage sans exécution d’un accord prénuptial sur le guet ».

Cette idée connaît une opposition forte en Israël. Le Grand rabbin de la Vieille Ville, Avigdor Nebenzahl, a figuré parmi les 44 signataires de l’injonction rabbinique contre les accords prénuptiaux.

« Une personne qui incite à signer un tel accord n’est pas un rabbin orthodoxe, et ses jugements en termes de loi juive ne doivent pas être considérés comme fiables », a-t-il écrit.

Ses paroles se sont fait l’écho de récents commentaires faits par le législateur du parti ultra-orthodoxe Shas, Aryeh Deri, qui a affirmé que les Juifs orthodoxes modernes cherchaient à « détruire » le rabbinat et qu’ils sont « presque réformés ». Ses propos s’adressaient alors à l’organisation Tzohar en particulier.

Aryeh Deri et son épouse Yaffa à la sortie de leur domicile alors qu'il se rendent à un interrogatoire de l'unité anti-corruption Lahav 433, le 5 juin 2017 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Aryeh Deri et son épouse Yaffa à la sortie de leur domicile alors qu’il se rendent à un interrogatoire de l’unité anti-corruption Lahav 433, le 5 juin 2017 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« Ils font tout gratuitement, ils accueillent, ils sont indulgents et tout ça, mais nous savons tous quelle est la vérité », avait dit Deri.

Un porte-parole de Nebenzahl a expliqué au Times of Israël que Nebenzahl avait conscience des détails concernant les accords du RCA et de Tzohar, et que tandis qu’il pouvait se conformer au premier, il rejetait l’accord de Tzohar.

« Rav Nebenzahl est en général défavorable aux accords prénuptiaux », a expliqué le porte-parole, « mais il peut accepter en pratique l’accord prénuptial du RCA. Pas l’accord de Tzohar, qui applique des pénalités financières sans que le couple ne doive se rendre au tribunal rabbinique », a-t-il dit.

« Notre accord et la convention du RCA s’appuient sur le même principe », a déclaré Stav. « Mais nous n’exigeons pas du couple qu’il aille devant le tribunal rabbinique, pas plus qu’il n’y a d’obligation halakhique de le faire. Ce qui prouve que l’opposition de Rav Nebenzahl est purement politique ».

« C’est facile pour eux de souscrire au RCA après avoir été interpellés et de continuer à s’opposer à Tzohar, » a expliqué Stav.

Les 44 rabbins interdisant les accords prénuptiaux ont-ils trouvé une alternative au problème de ‘l’agunah’ ? Nul ne le sait pour l’instant.

Même si les données sont rares en raison du caractère informel d’un grand nombre de situations « d’agunah », une étude a montré qu’entre 2006 et 2011, il y a eu 462 cas aux Etats-Unis et au Canada. Une enquête menée par le Wall Street Journal en 2011 évaluait le nombre de cas à 10 000, tandis qu’Agudath Israël a parlé de 180 cas.

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