Triomphalisme et ethno-nationalisme au cœur de Yom Yeroushalayim
La joie profonde du retour du peuple juif dans son ancienne capitale est éclipsée par une animosité antagoniste et nationaliste à l'égard des Palestiniens de Jérusalem

La Marche des drapeaux de jeudi à l’occasion de Yom Yeroushalayim était un événement relevant à la fois de la fête nationale et d’un sentiment nationaliste fervent, qui a été une fois de plus fortement terni par la violence et l’incitation à la haine dans la Vieille Ville de Jérusalem.
Cette année, comme chaque année, des dizaines de milliers de jeunes religieux-sionistes, hommes et femmes, venus d’écoles, de yeshivas et de séminaires de tout le pays, sont montés à la capitale pour chanter et danser lors de fêtes de rues organisées pour marquer la réunification de la ville pendant la guerre des six jours et la prise par Israël du mont du Temple et du mur Occidental, les sites les plus sacrés du judaïsme.
Accompagnés par des ensembles musicaux enjoués, les participants aux célébrations ont tourbillonné et virevolté sur des rythmes endiablés dans le centre de la capitale, en chantant des chansons contenant des versets bibliques louant Jérusalem et aspirant à une rédemption finale.
Le côté le plus sinistre de la journée a toutefois, été clairement révélé à la porte de Damas, dans la Vieille Ville, et à l’intérieur du quartier musulman.
Les axes de conflit de la lutte nationaliste opposant Juifs et Arabes ont été projetés avec acuité, lors d’affrontements entre jeunes des deux camps à l’intérieur de la Vieille Ville, tandis que les expressions de sentiments hostiles et ethno-nationalistes étaient exprimées par les uns et les autres.
Lors de l’un de ces incidents, des résidents palestiniens ont été roués de coups par des participants à la marche juifs.

La police a ordonné aux commerçants palestiniens de fermer plus tôt leurs boutiques, leurs stands et leurs restaurants, et les Palestiniens présents dans la zone ont été traité sans ménagement par le personnel de sécurité.
« Cela me dérange qu’ils soient dans mon pays », a simplement déclaré Ilan, 15 ans, originaire de l’implantation cisjordanienne de Maale Adumim, depuis l’intérieur du quartier musulman.
Pendant ce temps, Muna Barbar, une Palestinienne du quartier de Jérusalem-Est de Silwan, a insisté sur le fait que Jérusalem était une ville palestinienne et que les Juifs n’avaient « aucun droit national » ni à Jérusalem ni en Israël.
Au beau milieu de ces discours nationalistes, des commerçants palestiniens tels que Shadi Hatib, propriétaire d’un bar à jus de fruits et habitant du quartier musulman, auraient simplement souhaité pouvoir garder leurs magasins ouverts le plus longtemps possible afin de ne pas perdre ni clients, ni argent.
« Je ne reçois aucune compensation », s’est lamenté Hatib peu avant d’être expulsé de la zone par des membres de la Police des frontières, qui l’ont bousculé en descendant la rue où il habite après que des résidents juifs et des participants à la marche se sont mis à vociférer contre le groupe de Palestiniens qui se trouvait avec lui à l’extérieur de son magasin.

L’atmosphère à l’extérieur du quartier musulman, sur la place de la porte de Damas, où les participants à Yom Yeroushalayim se sont rassemblés, n’était guère plus réjouissante.
Entre la joie sincère et les réjouissances des participants qui dansaient et chantaient leurs chants religieux avec ferveur, il y a eu de nombreuses occurrences de la face sombre de l’événement.
Les drapeaux noirs de l’organisation raciste d’extrême droite Lehava abondaient, brandis par des jeunes extrémistes qui n’hésitaient pas à provoquer les nombreux journalistes présents sur le site.
Des chants racistes tels que « Que ton village brûle », couramment utilisés par les extrémistes pour provoquer les Palestiniens, et l’hymne ultranationaliste et chant de vengeance « Zachreini Na », ont été entonnés à plusieurs reprises par un grand nombre de ces jeunes gens fervents et tapageurs pendant les célébrations.
Des bandes de jeunes garçons ont harcelé et invectivé de nombreux journalistes présents pour couvrir l’événement, et notamment les journalistes musulmans et arabes, tout en exhibant des symboles juifs militants, tels que des étoiles de David coupées en deux par un fusil d’assaut.
Comme chaque année, les fêtards ont lancé divers objets, notamment des bouteilles d’eau et des mâts de drapeaux, sur les journalistes musulmans postés au-dessus de la place, tout en brandissant fièrement les drapeaux de Lehava à leur intention.
Et bien que de nombreux politiciens d’extrême droite et ultranationalistes qui participent chaque année à la marche étaient à présents ce jeudi aussi,c’était la première année où ils sont venus en occupant parmi les plus hauts postes du pays.

Le ministre des Finances Bezalel Smotrich, chef du parti ultranationaliste HaTzionout HaDatit, a été chaleureusement accueilli à la porte de Damas, tandis que le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui dirige le parti d’extrême droite Otzma Yehudit, a prononcé un discours d’ouverture depuis le balcon surplombant l’esplanade du mur Occidental. Son discours a été acclamé avec enthousiasme par les dizaines de milliers de personnes qui célébraient l’événement.
Deux camarades du parti de Ben Gvir ont résumé ce qui est aujourd’hui, pour de nombreux participants à la Marche des drapeaux, sinon pour la plupart, la signification principale de cette journée : Le contrôle juif sur l’ensemble de la ville.
« La signification fondamentale de cette journée est l’affirmation de notre souveraineté sur l’ensemble de la ville de Jérusalem », a déclaré le député d’Otzma Yehudit, Yitzhak Kroizer.
« Notre victoire sur Jérusalem et notre victoire sur les Arabes est la plus belle des victoires », a déclaré la députée Limor Son Har-Melech, une autre députée d’Otzma.
Si la joie sincère et fervente de nombre de ceux qui célèbrent le retour du peuple juif dans son ancienne capitale et sur son site le plus sacré reste au cœur de Yom Yeroushalayim, il semblerait que ce sont les idées nationalistes et ethnocentriques si clairement affichées qui occupent de plus en plus le devant de la scène.
Et cela ne fait qu’exacerber les tensions omniprésentes qui couvent au sein d’une Jérusalem unifiée, mais qui est extrêmement divisée.
Carrie Keller-Lynn a contribué à cet article.
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