Trump dit réfléchir à un plan pour « nettoyer » Gaza en déplaçant des Palestiniens vers l’Egypte et la Jordanie
Le président américain a indiqué avoir soulevé la question avec le roi Abdallah II

Le président américain Donald Trump a déclaré samedi qu’il aimerait que la Jordanie, l’Égypte et d’autres pays arabes puissent augmenter le nombre de réfugiés palestiniens originaires de la bande de Gaza qu’ils seraient susceptibles d’accepter dans leurs pays – ce qui pourrait permettre, selon lui, de déplacer suffisamment de population pour « nettoyer » la région déchirée par la guerre et faire table rase du passé.
Une proposition qui, jusqu’à présent, a été une ligne rouge pour les États arabes – en particulier pour la Jordanie et pour l’Égypte, qui considèrent également l’immigration massive de Palestiniens sur leurs territoires comme une possible menace existentielle. Ils ont souligné le refus, de la part d’Israël, de s’engager ouvertement en faveur d’un retour ultérieur dans la bande des Palestiniens qui quittent l’enclave côtière et ils ne veulent pas être soupçonnés de complicité dans le cadre d’un nouvel exil de Palestiniens.
La crainte de ne pas être en mesure de revenir a dissuadé de nombreux Palestiniens de la bande de partir. Certains ont essayé de le faire pendant la guerre – et plus de 100 000 d’entre eux sont parvenus à entrer en Égypte, contraints, malgré tout, de payer des frais excessivement élevés pour franchir la frontière. Ils n’ont, en grande partie, pas bénéficié d’aide à leur arrivée, le Caire refusant de les reconnaître en tant que réfugiés.
L’administration Biden avait également envisagé de déplacer temporairement une partie de la population gazaouie au début de la guerre avec pour objectif de mettre les civils palestiniens en sécurité – mais la Jordanie et l’Égypte s’étaient tellement opposées à ce projet que l’idée avait été abandonnée.
Mais Trump, qui est connu pour avoir souvent ignoré les standards traditionnels en matière de politique étrangère, a cherché à ramener l’idée d’une migration palestinienne massive vers les pays voisins sur la table, dans la journée de samedi, alors que sa nouvelle administration s’efforce de maintenir le cessez-le-feu qui vient d’être conclu à Gaza et de planifier sa reconstruction. Ce sont plus de deux millions de personnes qui vivent actuellement sur un territoire qui a été détruit par quinze mois de guerre.

Pendant une session de questions-réponses avec les journalistes qui se trouvaient à bord d’Air Force One, journalistes avec lesquels il s’est entretenu vingt minutes, Trump a dit que la bande de Gaza était devenue, à l’issue du conflit entre Israël et le Hamas, « un chantier de démolition ». Il a ajouté qu’il s’était entretenu avec le roi Abdallah II de Jordanie à ce sujet et qu’il comptait échanger également avec le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi, dimanche.
Le communiqué qui a été transmis par la Maison Blanche concernant l’appel téléphonique avec le souverain jordanien a été avare en détails, indiquant seulement que les deux hommes avaient « discuté de l’importance de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région ».
Trump a donné quelques détails alors qu’il se trouvait à bord d’Air Force One, disant qu’il avait dit à Abdallah que « j’aimerais que vous en fassiez plus parce que j’observe toute la bande de Gaza en ce moment et c’est un vrai gâchis ».
« J’aimerais qu’il prenne des gens en charge », a-t-il ajouté.
Alors qu’il lui était demandé s’il s’agirait d’une prise en charge temporaire ou à long-terme, Trump a répondu : « L’une ou l’autre ».
« On parle probablement d’un million et demi de personnes, et il suffit de tout nettoyer. Vous savez, au cours des siècles, il y a eu beaucoup, beaucoup de conflits là-bas. Et je ne sais pas mais il faut bien que quelque chose se passe », a poursuivi le président américain.
« Notre rejet du déplacement des Palestiniens est ferme et ne changera pas. La Jordanie est pour les Jordaniens et la Palestine est pour les Palestiniens », a commenté dimanche le ministre des Affaires étrangères jordanien Ayman Safadi.
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a aussi exprimé dimanche « son fort rejet et sa condamnation de tout projet visant au déplacement » des Palestiniens de la bande de Gaza. Le chef de l’Autorité palestinienne « prend des contacts en urgence avec les dirigeants des pays arabes et européens et avec les Etats-Unis », a ajouté un communiqué de la présidence, ajoutant que « le peuple palestinien n’abandonnerait pas leur terre et les lieux saints ».
Au mois d’octobre, lors de sa campagne présidentielle, l’ancien magnat de l’immobilier avait déclaré que la bande de Gaza, déchirée par la guerre, pourrait être « plus belle que Monaco » si elle était « correctement reconstruite ».
« C’est un chantier de démolition, au sens littéral du terme, à l’heure actuelle – presque tout est démoli et les gens y meurent », avait noté Trump. « Je préférerais donc, pour ma part, m’impliquer auprès de certaines nations arabes et faire construire des logements ailleurs, là où ces gens pourront peut-être vivre en paix pour une fois ».

L’administration Trump a semblé envisager, dès son arrivée au pouvoir, l’idée de reloger temporairement les habitants de Gaza. Toutefois, le pays privilégié semblait être l’Indonésie. Plusieurs jours avant l’investiture de Trump, NBC News avait signalé que l’équipe de transition songeait à l’idée de reloger une partie des deux millions d’habitants de Gaza dans ce pays d’Asie du Sud-Est.
La semaine dernière, le ministre indonésien des Affaires étrangères, Sugiono, avait été l’un des premiers à recevoir un appel téléphonique de son homologue américain Marco Rubio – une discussion qui avait été l’occasion pour le secrétaire d’État américain de « saluer la volonté de l’Indonésie de s’engager en faveur de la paix au Moyen-Orient et de la reconstruction post-conflit », selon un communiqué qui avait été émis sur l’entretien entre les deux hommes par les Américains.
Le président indonésien Prabowo Subianto avait fait savoir, l’année dernière, que son pays était prêt à envoyer des troupes de maintien de la paix pour faire respecter un cessez-le-feu à Gaza si cela devait s’avérer être nécessaire.
Le Times of Israel avait révélé, en 2021, que la première administration Trump était sur le point de négocier un accord de normalisation entre Israël et l’Indonésie, mais qu’elle avait manqué de temps avant la fin de son mandat à la Maison Blanche.
Pour les Palestiniens, toute tentative de déplacement hors de Gaza évoquerait de sombres souvenirs historiques : ce que le monde arabe a appelé la « Nakba », ou catastrophe, lorsque les Palestiniens avaient massivement quitté leurs habitations pendant la guerre qui avait entouré la fondation de l’État juif, il y a 75 ans. Plusieurs armées arabes avaient alors attaqué le nouvel Israël.

Israël, de son côté, dément avoir l’intention de forcer les habitants de Gaza à partir de l’enclave. Toutefois, certains membres d’extrême droite du gouvernement israélien ont publiquement apporté leur soutien à cette idée.
La proposition du président Trump de « faire le ménage » dans la bande de Gaza et d’envoyer les Palestiniens de ce territoire dans des pays de la région est « une excellente idée », a d’ailleurs estimé dimanche un ministre d’extrême-droite du gouvernement israélien.
« Après des années de glorification du terrorisme, (les Palestiniens) pourront établir une nouvelle et belle vie ailleurs », a ajouté dans un communiqué le ministre des Finances Bezalel Smotrich, dont le parti est désormais indispensable à la coalition du gouvernement de Benjamin Netanyahu, comme tous les autres d’ailleurs puisque Netanyahu dispose d’une très étroite majorité à la Knesset.
« Je félicite le président américain Trump pour l’initiative de transférer les habitants de Gaza vers la Jordanie et l’Égypte », a réagi l’ex-ministre israélien Itamar Ben Gvir sur X. « L’une de nos demandes au Premier ministre Benjamin Netanyahu est de promouvoir l’émigration volontaire. Lorsque le président de la plus grande superpuissance du monde, Trump, évoque personnellement cette idée, cela vaut la peine que le gouvernement israélien la mette en œuvre – encouragez l’émigration maintenant ! »
Les Palestiniens « feront échouer » la proposition de Donald Trump de les relocaliser dans d’autres pays « comme ils ont fait échouer tous les projets de déplacement (…) pendant des décennies, a assuré à l’AFP un haut-responsable du Hamas. « Nous confirmons que notre peuple, avec tous ses soutiens, est capable de reconstruire Gaza », a ajouté Bassem Naïm, membre du bureau politique du mouvement terroriste islamiste palestinien, joint au téléphone par l’AFP.
Le Jihad islamique, mouvement terroriste islamiste palestinien allié du Hamas à Gaza, a aussi dénoncé dimanche l’idée du président, jugeant que ses propos encourageaient les « crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Ces « déclarations déplorables s’alignent sur les pires aspects de l’agenda de l’extrême-droite sioniste et poursuit la politique de déni de l’existence (…) du peuple palestinien », a ajouté le mouvement terroriste dans un communiqué.
Trump a pu faire part, dans le passé, d’idées peu traditionnelles sur l’avenir de Gaza. Il avait ainsi suggéré, après son investiture de la semaine dernière, que Gaza « doit vraiment être reconstruite différemment ».
Le nouveau président avait ajouté que « Gaza, c’est un lieu intéressant. C’est un lieu phénoménal, en bord de mer. Il y fait très beau, vous savez, tout y est bien. On pourrait faire de belles choses, mais c’est très intéressant ».
Jared Kushner, gendre de Trump, qui est aussi son ancien proche conseiller à la Maison Blanche, avait laissé entendre, au mois de février dernier, qu’Israël pouvait vider Gaza de ses civils pour libérer le potentiel de ses « terrains en bord de mer ».
Trump s’est réjoui de la première phase du cessez-le-feu entre le Hamas et Israël qui a débuté la semaine dernière – avec un accord qui a interrompu les combats et qui a ouvert la porte à la remise en liberté de certains otages qui étaient détenus par le Hamas à Gaza en échange de centaines de prisonniers palestiniens qui étaient incarcérés en Israël pour atteinte à la sécurité nationale. Les négociations doivent encore commencer sérieusement sur la deuxième phase de l’accord – une phase plus difficile qui aboutirait à la libération de tous les otages détenus par le Hamas et à un arrêt durable du conflit.
Des agences ont contribué à cet article.