Trump « ne comprend pas le commerce », dit l’ex-vice-président de la FED
S'exprimant depuis Tel Aviv, Stanley Fischer s'est dit "très, très inquiet". La guerre commerciale entre Pékin et Washington "cause beaucoup de dégâts dans l'économie mondiale"
L’ex-vice-président de la Federal Reserve, Stanley Fischer, a critiqué avec force le président Donald Trump, dimanche à Tel Aviv, déclarant que ses politiques commerciales nuisaient à l’économie globale.
« Je suis très, très inquiet », a dit Fischer, qui est également l’ancien gouverneur de la Banque d’Israël, lors d’un panel rassemblant d’anciens banquiers de la Banque centrale à Tel Aviv.
« Le problème de l’approche du commerce par Trump, c’est qu’il ne comprend pas le commerce », a-t-il ajouté, s’exprimant en hébreu avec un lourd accent.
Trump ne « comprend pas, très simplement – et s’il comprend, il le cache bien », a continué Fischer, cinglant.
« Presque tous les jours, les Etats-Unis effectuent une démarche qui affaiblit le système commercial global et les relations internationales économiques », a déploré Fischer. Le « jeu » de Trump consistant à menacer d’une hausse des taxes, revenant ensuite sur ses décisions, donne l’impression que ce n’est pas « sérieux ».
Mais « c’est sérieux, cela entraîne beaucoup de dégâts dans l’économie mondiale… C’est quelque chose de presque intolérable, mais ça arrive, ça continue à arriver et la situation se détériore en permanence ».
Fischer a déclaré qu’il pensait que la dernière hausse des taux d’intérêts de la FED n’aurait sans doute pas eu lieu si Trump n’était pas intervenu.
Cette augmentation n’a servi qu’à prouver au monde que la FED n’est pas placée sous l’influence de Trump, a-t-il estimé. « Il les a amenés à se demander : Comment pouvons-nous prouver que nous n’agissons pas sur ses instructions ? », a poursuivi Fischer, qui a précisé que la FED n’aurait pas élevé ses taux, le cas échant. Les taux de la FED ont connu une hausse à quatre reprises en 2018, la dernière fois au mois de décembre – grimpant à 2,5 %.
Fischer s’est exprimé lors de la « Conférence des gouverneurs » qui était organisée à Tel Aviv par le journal financier Globes. Le panel a inclus deux autres anciens gouverneurs de la Banque d’Israël, Jacob Frenkel et Karnit Flug, ainsi que le gouverneur actuel, Amir Yaron.
Frenkel a expliqué que la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, les deux plus importantes économies dans le monde, était un risque majeur pour les économies globales aujourd’hui. Elle suscite beaucoup d’inquiétude, a-t-il précisé, parce qu’il y a « une incertitude totale dans le système économique ».
« Imaginez que vous montiez dans un avion et que les deux pilotes se disputent », a-t-il poursuivi. Que faites-vous ? Vous ‘attachez votre ceinture de sécurité’ mais vous n’investissez sûrement pas, a-t-il dit.
Lors de l’événement, Amir Yaron, actuel gouverneur de la Banque d’Israël, a déclaré que la banque centrale était prête à intervenir sous certaines conditions sur le marché des devises étrangères et à acheter des devises pour parvenir à contrôler la hausse du shekel.
Le shekel a avancé sur le dollar cette année, ce qui en fait l’une des devises les plus fortes. La Banque centrale n’est pas parvenue à intervenir sur le marché depuis le mois de janvier. La banque a acheté 90 milliards de dollars de devises étrangères, au cours des 11 dernières années, pour maîtriser le shekel mais elle n’est pas intervenue depuis que Yaron a pris la tête de l’institution, à la fin du mois de décembre 2018.
« Il y a une fenêtre dans les taux de change qui, nous le pensons, s’accorde avec la stabilité des prix et les activités économiques, a expliqué Yaron. La politique de la Banque centrale est une politique « d’ambiguïté constructive », a-t-il continué – une politique positive pour une petite économie comme celle de l’Etat juif.
« Mais si – et quand – la Banque d’Israël estimera que le taux de change a substantiellement dévié de la fenêtre que nous avons définie, alors nous pourrons bien intervenir sur le marché. Et personne ne recevra de lettre d’avertissement de notre part », a-t-il dit.
Flug a déclaré que le rôle de conseil tenu par la Banque centrale auprès du gouvernement était une partie importante de sa mission et qu’il devait être maintenu. Les gouvernements, a-t-elle dit, ont tendance à nourrir une vision à court-terme de l’économie, contrairement à la Banque centrale qui s’intéresse au long-terme.