Tsahal avait conseillé à la FINUL de se mettre à l’abri avant que des tirs de chars ne blessent deux Casques bleus
Israël avait précisé que des hommes armés du groupe terroriste du Hezbollah se trouvaient près des postes de l'ONU

Deux Casques bleus ont été blessés par des tirs israéliens, a annoncé jeudi l’ONU, au grand dam de la communauté internationale. Voilà qui appelle à nouveau l’attention sur le rôle concret de cette force déployée le long d’une frontière en proie au conflit.
La Force intérimaire des Nations Unies au Liban, qui compte quelque 10 000 soldats de la paix censés faire en sorte qu’armes et milices se tiennent à distance du sud-Liban, a déclaré que l’armée israélienne avait ouvert le feu, jeudi, sur trois positions tenues par des soldats de la paix de l’ONU dans le sud-Liban.
« Ce matin, deux Casques bleus ont été blessés dans l’effondrement d’une tour d’observation du quartier général de la FINUL, à Naqoura, sur laquelle un char Merkava de Tsahal avait tiré », a indiqué la mission en utilisant un acronyme pour parler de l’armée israélienne.
Les deux Casques bleus, qui appartiennent au contingent indonésien, sont dans un état satisfaisant après avoir été soignés pour de légères blessures, a précisé la ministre indonésienne des Affaires étrangères, Retno Marsudi, par voie de communiqué.
Israël a admis être intervenu dans le secteur et ajouté que des hommes armés du groupe terroriste du Hezbollah se trouvaient près des postes de l’ONU.
Il a expliqué avoir conseillé aux forces de l’ONU situées dans cette zone de se mettre aux abris avant d’ouvrir le feu.
La FINUL accuse par ailleurs l’armée israélienne d’avoir tiré sur la position 1-31 de l’ONU à Labbouneh ces deux derniers jours, assurant qu’Israël avait « délibérément tiré sur » les caméras de surveillance mercredi et jeudi et frappé « un bunker à l’intérieur duquel des soldats de la paix s’étaient abrités ».

Le ministre italien de la Défense a déclaré que les attaques « pourraient constituer des crimes de guerre » et a demandé des explications dans la mesure où « ce n’était pas une erreur ».
Guido Crosetto a qualifié la « fusillade » d’« intolérable » : il s’en est plaint auprès de son homologue israélien et de l’ambassadeur d’Israël en Italie.
Un diplomate israélien a déclaré au Times of Israel que les autorités israéliennes ne s’attendaient pas à des sanctions en raison de ces incidents, mais plusieurs pays se sont dits inquiets de ces développements lorsqu’ils n’ont pas purement et simplement condamné les frappes israéliennes, comme lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

Cet incident « est la preuve on ne peut plus évidente qu’Israël se croit au-dessus du droit international et de nos valeurs communes de paix, libre d’agir en toute impunité », a déclaré l’ambassadeur indonésien à l’ONU, Hari Prabowo.
À Washington, un porte-parole du Conseil de sécurité nationale a déclaré que la Maison Blanche était « profondément préoccupée ».
« Nous comprenons qu’Israël mène des opérations ciblées près de la Ligne bleue pour détruire les infrastructures du Hezbollah… Il est essentiel qu’ils ne menacent pas la sûreté et la sécurité des Casques bleus de l’ONU. »
La France a déclaré attendre des explications de la part d’Israël dans la mesure où ce dernier avait l’obligation d’assurer la sécurité des Casques bleus.

« La France dit sa profonde préoccupation suite aux tirs israéliens qui ont touché la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) et condamne toute attaque de nature à nuire à la sécurité de la FINUL », a déclaré le ministère des Affaires étrangères par voie de communiqué, ajoutant qu’aucun de ses soldats membres de la mission n’avait été blessé.
Le ministère espagnol des Affaires étrangères a déclaré que l’incident constituait une « grave violation du droit international » et le Premier ministre irlandais Simon Harris, dont le pays compte environ 322 soldats dans la mission, a déclaré : « Les tirs à proximité des soldats ou des installations de la FINUL sont pour le moins imprudents et doivent immédiatement cesser ».
Lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, le chef du maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, a déclaré que les Casques bleus couraient un « risque sérieux ». Il a souligné que 300 Casques bleus avaient été temporairement relocalisés dans des bases plus grandes « et que le déplacement de 200 autres soldats était d’ores et déjà prévu ».
« La sûreté et la sécurité des Casques bleus sont de plus en plus
menacées », a déclaré M. Lacroix, ajoutant que les Casques bleus de la FINUL étaient confinés dans leurs bases et qu’un sous-traitant de la FINUL avait été tué.

Jeudi, l’ambassadeur israélien près de l’ONU, Danny Danon, avait conseillé aux Casques bleus de se déplacer vers le nord.
« Nous recommandons à la FINUL de se déplacer de 5 km au nord pour éviter le danger des combats qui s’intensifient et de la situation toujours incertaine le long de la Ligne bleue suite à l’agression du Hezbollah », a déclaré Danon par voie de communiqué.
Le porte-parole de la FINUL a, pour sa part, expliqué au site d’information Walla que la force multinationale avait refusé d’évacuer des postes le long de la frontière israélo-libanaise comme le lui demandaient les autorités israéliennes.
« Nous sommes là à la demande du Conseil de sécurité. Nous y resterons tant que la situation ne sera pas impossible « , a déclaré à Reuters le porte-parole de la FINUL, Andrea Tenenti.
La FINUL a été créée pour superviser le retrait des soldats israéliens du Sud-Liban à la fin du conflit entre les deux pays, en 1978. L’ONU a accru le périmètre de sa mission conformément à la résolution 1701, suite à la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, permettant aux soldats de la paix de se déployer le long de la frontière israélienne pour aider l’armée libanaise à rétablir son autorité dans le sud du pays pour la première fois depuis des dizaines d’années.

La résolution 1701 exige que le Sud-Liban soit exempt de groupes armés comme de l’armée libanaises. Selon Israël, ces résolutions n’ont pas empêché le Hezbollah de se doter d’armes et d’autres infrastructures dans le sud-Liban.
Danon a déclaré au Conseil de sécurité que la résolution 1701 devait être appliquée, ainsi que la résolution 1559, adoptée en 2004, et « appelé à la dissolution et au désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises ».
« Nous remplissons nos obligations et le Conseil doit nous soutenir dans notre action », a-t-il déclaré.
Selon la chaine d’information N12, dans une lettre adressée il y a peu au Conseil de sécurité de l’ONU, le ministre des Affaires étrangères Israel Katz a accusé la FINUL de ne pas avoir fait son travail, s’appuyant sur une carte pour illustrer la courte distance – environ 150 mètres – entre un tunnel du Hezbollah découvert par Tsahal et une base de l’ONU.

« Israël a le droit de faire le nécessaire pour se protéger et protéger sa population des hostilités du Hezbollah », a écrit Katz dans la lettre obtenue par le média israélien. « Bien qu’Israël ne souhaite pas une guerre à grande échelle, il prendra toutes les mesures nécessaires pour rétablir la sécurité le long de sa frontière nord et permettre le retour en toute sécurité de ses citoyens. »
M. Lacroix a déclaré qu’il incombait à Israël et au Liban de s’assurer que la résolution soit respectée.
« La FINUL a pour mandat de soutenir la mise en œuvre de la résolution 1701, mais nous devons insister sur le fait que c’est aux parties elles-mêmes d’appliquer les dispositions de cette résolution », a-t-il déclaré au Conseil de sécurité.

Les partisans du Hezbollah au Liban accusent fréquemment la mission de l’ONU de collusion avec Israël et ce dernier reproche tout aussi fréquemment au Hezbollah, soutenu par l’Iran, d’empêcher les soldats de la paix de la FINUL de mener à bien leur mission.
L’année précédant l’incursion terrestre de Tsahal au Liban, des installations et véhicules de la FINUL ont été touchés par des bombardements ou des tirs à plusieurs reprises. En août, la FINUL a déclaré que trois Casques bleus avaient été légèrement blessés lors d’une patrouille lorsqu’une explosion avait eu lieu près de leur véhicule.
Les forces dirigées par le Hezbollah attaquent le nord d’Israël avec des roquettes et des drones presque quotidiennement depuis le 8 octobre 2023, au lendemain du pogrom perpétré par son allié le Hamas dans le sud d’Israël, qui a fait plus de 1 200 morts et 251 otages.
Le groupe terroriste affirme que ses tirs de missiles, qui ont conduit à l’évacuation de nombreuses communautés du nord d’Israël, sont un signe de soutien au Hamas.
Bien décidé à assurer la sécurité des 60 000 habitants déplacés du nord, Israël a intensifié ses frappes aériennes sur les bastions du Hezbollah au Liban depuis le 23 septembre et décimé le haut commandement du groupe terroriste. Les forces de Tsahal sont entrées au Liban le 30 septembre.