Tsahal crée une commission sur le traitement des Palestiniens détenus pour terrorisme
Admettant l’existence de problèmes logistiques avec les prisonniers, la commission examinera leurs conditions de détention pour s’assurer du respect du droit international
Le chef d’État-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi, a créé une « commission consultative » chargée d’examiner le traitement des prisonniers palestiniens détenus pendant la guerre dans la bande de Gaza, suite à des soupçons de torture et mauvais traitements.
Dans un premier temps, terroristes et autres suspects sont détenus au sein des centres de détention des bases militaires de Sde Teiman, Anatot et Ofer, avant d’être remis aux services de l’administration pénitentiaire israélienne (IPS).
Au début du mois, un reportage de CNN a fait état d’abus généralisés dont seraient victimes les détenus – recours à des contraintes physiques extrêmes, coups, mépris des problèmes médicaux, punitions arbitraires…-, sur la foi des témoignages de deux lanceurs d’alerte israéliens et d’un médecin palestinien détenu dans le centre de Sde Teiman.
Tsahal a expliqué qu’en raison d’un « nombre sans précédent de détenus » et d’un manque de place au sein des prisons de l’IPS, de nombreux prisonniers étaient restés au sein des installations militaires « plus longtemps que prévu » et que, par conséquent, « des reproches avaient été formulés s’agissant des conditions de détention au sein desdites installations pénitentiaires ».
La commission, dirigée par l’ex-avocat général de l’armée, le général (Rés.) Ilan Schiff, examinera les conditions de détention et « leur conformité avec la loi et les règles du droit international », avant de remettre ses recommandations à Halevi sous trois semaines, a indiqué Tsahal.
La veille, la major-générale de Tsahal, Yifat Tomer-Yerushalmi, actuelle avocate générale militaire, avait indiqué que des dizaines d’enquêtes avaient été ouvertes par la police militaire – notamment mais pas uniquement à Sde Teiman – « à propos d’incidents ayant donné lieu à des soupçons d’infractions pénales ».
A l’occasion d’une conférence organisée par l’Association du barreau israélien, Tomer-Yerushalmi a expliqué que « ces enquêtes portent également sur les conditions d’incarcération au centre de détention de Sde Teiman et la mort de détenus détenus par Tsahal. Nous prenons ces allégations très au sérieux et enquêtons très rigoureusement. »
Jeudi dernier, l’Association pour les droits civils (ACRI) en Israël a déposé un recours auprès de la Cour Suprême pour obliger le ministre de la Défense et l’avocat général militaire de fermer Sde Teiman en raison de ce qu’elle qualifie de graves et multiples violations des droits de l’homme au sein de l’établissement.
« Des interventions chirurgicales sans anesthésie, des menottages conduisant à des amputations, des défécations les yeux bandés et entravés – ce ne sont là que quelques-uns des témoignages effroyables de ce qui se passe à l’intérieur du centre de détention de Sde Teiman », affirme l’organisation dans son recours.
« Cet établissement est devenu une zone grise dans laquelle la loi ne s’applique pas et où les détenus sont privés de leurs droits les plus fondamentaux », indique l’ACRI dans son recours, déposé avec d’autres ONG actives dans le domaine de la défense des droits de l’homme, à l’instar de Physicians for Human Rights, HaMoked, le Comité public contre la torture en Israël et Gisha.
Selon l’ACRI, il y aurait actuellement à Sde Teiman un millier de « combattants illégaux », terme pour désigner les terroristes du Hamas capturés le 7 octobre et dans les jours qui ont suivi.
Les organisations assurent avoir recueilli des témoignages de « contentions prolongées dans des positions difficiles ayant conduit à des amputations », de bandage des yeux des détenus des jours durant, y compris au moment des soins ou de l’utilisation des toilettes, de détenus forcés de porter des couches, sans parler de passages à tabac et de cas de torture.
« Aux yeux du droit, faire de Sde Teiman un ‘centre de détention’ des combattants illégaux impose de garantir des conditions de détentions humaines respectueuses de la dignité, de la santé et des droits des détenus, en vertu du droit israélien comme du droit international », explique l’ACRI.
« Toutefois, les abus manifestes à Sde Teiman rendent anticonstitutionnelle la privation de liberté de ces individus. »
La plupart des détenus de cet établissement sont des terroristes présumés arrêtés pendant la guerre de Gaza, et pour certains, dès le 7 octobre ou dans les jours qui ont suivi, lorsque le groupe terroriste palestinien Hamas a mené une attaque de grande ampleur à l’encontre d’Israël qui a tué 1 200 personnes, essentiellement des civils. Les attaquants qui ont fait irruption dans le sud d’Israël y ont massacré tous ceux qu’ils ont trouvés, à commencer par 364 festivaliers venus participer à une rave en plein air, en se livrant à de la torture, des viols collectifs et des mutilations.
Israël a riposté en lançant une offensive dans la bande de Gaza dans le but d’en finir avec le Hamas et de libérer les 252 otages séquestrés à Gaza depuis le jour de l’effroyable attaque. L’armée israélienne a capturé de nombreux membres du Hamas à Gaza, dont certains ont avoué les atrocités commises le 7 octobre.
Aux yeux de la loi, les terroristes présumés peuvent être détenus pendant 45 jours avant d’être remis en liberté ou confiés au service pénitentiaire israélien.
Deux sources israéliennes ont indiqué à CNN que les prisonniers de Sde Teiman étaient forcés de rester assis des heures durant, sans bouger, les yeux bandés, souvent sans le droit même de parler. Ceux qui contreviennent à ces ordres seraient forcés de garder les bras levés au-dessus de leur tête pendant une heure ou seraient attachés à une clôture, les bras par-dessus la tête.
L’armée a nié l’existence d’abus généralisés, déclarant à CNN : « L’armée israélienne veille à ce conduire correctement envers les détenus placés en détention. Les allégations de mauvaise conduite de certains soldats israéliens seront examinées et suivies des mesures qui s’imposent. Le cas échéant, en cas de soupçon d’inconduite professionnelle, la police militaire ouvre une enquête. »
Tsahal a ajouté que « le menottage des détenus dépend de leur niveau de risque et de leur état de santé. Les autorités n’ont pas connaissance de cas de menottage illégal.
Des personnels de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) libérés des prisons israéliennes, ces derniers mois, se sont plaints de mauvais traitements au cours de leur détention, notamment de privations de nourriture et de sommeil.
On estime à 18 le nombre de prisonniers morts depuis le début de la guerre, indiquent les associations de prisonniers, qui pressent Israël d’en révéler le nombre exact, ainsi que l’emplacement et les conditions de vie des détenus gazaouis.
En règle générale, les détenus gazaouis sans lien avec les organisations terroristes sont renvoyés dans la bande de Gaza.